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Santé

INFOGRAPHIE. Sida : la pandémie marque le pas

La maladie est en recul, trente ans après son apparition. Si 35 millions de personnes dans le monde vivent avec le VIH, les nouvelles infections sont en baisse.
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INFOGRAPHIE. Sida : la pandémie marque le pas
INFOGRAPHIE. Sida : la pandémie marque le pas
@ Betty Lafon

Enfin des bonnes nouvelles ! Trente ans après l’identification, par Françoise Barré-Sinoussi et ses collègues de l’Institut Pasteur, du pathogène responsable de ce que l’on appelait alors le "cancer gay", une partie de la communauté des spécialistes du sida annonce la fin prochaine de la pandémie. Pas en lisant dans le marc de café, mais simplement en extrapolant les courbes des infections.

Si on traitait toute la planète durant deux générations, le sida serait effectivement conduit à l’extinction

Le calcul est simple. Si, année après année, de moins en moins de personnes sont contaminées, le virus se retrouvera dans un goulet d’étranglement et il finira par disparaître, dans une voire deux générations, faute de nouveaux hôtes à infecter. D’autres chercheurs sont cependant moins optimistes. «Si on traitait toute la planète durant deux générations, le sida serait effectivement conduit à l’extinction, résume Jacques Fellay, généticien à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL, Suisse). Mais cela reste de la théorie et de la modélisation.» Le sida ne peut, en effet, se résumer à un simple calcul.

 

© Betty Lafon, Sciences et Avenir n°806

Car cette épidémie a pour particularité de désagréger aussi le tissu social. Tant qu’il demeurera des pays où la maladie est niée et ses victimes stigmatisées, comme c’est le cas en Russie ou en Chine notamment, le virus aura encore de nombreux jours devant lui, car les mesures de prévention ne sont pas prises. En attendant, les espoirs sont bien tangibles, et les efforts considérables entrepris depuis la prise de conscience de l’épidémie au milieu des années 1980, que ce soit en recherche fondamentale ou en santé publique, portent enfin leurs fruits. Ils démontrent que le VIH a des failles et n’est plus l’ennemi invincible d’il y a encore quelques années.

On peut stopper la transmission du virus

Une personne sous traitement ne transmet plus le virus du sida à son partenaire. La conclusion de l’étude européenne Partner a été l’une des plus grosses annonces de la CROI (Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes) qui a eu lieu à Boston (États-Unis) en mars. Conduite pas Jens Lundgren (université de Copenhague, Danemark), elle a porté pendant deux ans sur un large échantillon international de plus de mille couples hétérosexuels et homosexuels, dont l’un des partenaires était sous trithérapie — traitement médicamenteux combinant plusieurs principes actifs — avec une "charge virale" (quantité de virus présents dans le sang) à la limite de l’indétectable.

Ses conclusions changent la face de la maladie, souvent fortement stigmatisée, puisqu’il est désormais acquis qu’une personne correctement traitée n’est plus contagieuse. Le préservatif n’est donc plus la seule réponse face à l’infection : le traitement devient un outil de prévention efficace.

L'efficacité de traitements précoces

Le nerf de la guerre en matière de lutte contre le sida demeure les "réservoirs du VIH" : ces cellules du système immunitaire (lymphocytes T et macrophages) constituent en effet les premières cibles du virus qui s’y cache, parfois des années durant, avant de ressurgir, déclenchant alors la maladie. À l’heure actuelle, «aucune stratégie active d’éradication ne fonctionne et ne permet de diminuer la taille de ces réservoirs», admet le professeur Brigitte Autran, virologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

AGIR VITE. La parade consiste donc à intervenir en amont, le plus tôt possible, avant que ces réservoirs ne se remplissent de particules virales. L’idéal serait de pouvoir le faire quelques heures à peine après l’infection, comme l’a démontré le traitement administré à l’hôpital des enfants de Long Beach, en Californie, à un bébé infecté par le VIH. Entamé quelques heures après la naissance et poursuivi depuis, le traitement a permis à l’organisme du nourrisson de se débarrasser totalement du virus onze mois plus tard. L’enfant peut même désormais être considéré comme guéri. Plus globalement, se profile l’idée que traiter très vite, quelques jours après la contamination, et poursuivre le traitement durant plusieurs années avant de le stopper stopper permettrait à l’organisme de conserver ses défenses immunitaires. On parviendrait ainsi à limiter la taille des fameux "réservoirs" et à dompter le virus comme le montre l’étude française Visconti menée sur 14 patients devenus "contrôleurs après traitement".

La santé publique en première ligne

Il n’y a pas de secret: les pays où la contamination recule sont ceux où sont menées des politiques actives de lutte contre le VIH. La reconnaissance de la maladie, la mise en place de mesures de dépistage, de traitement ainsi que la prévention font partie des premiers coups portés au virus. L’exemple de la circoncision est révélateur.

CIRCONCISION. L’Organisation mondiale de la santé et l’Onusida la préconisent depuis 2007 car des mesures d’incitation à la circoncision chez les adultes ont montré leur efficacité. Cette dernière vient d’être précisément chiffrée grâce à une étude menée par Bertran Auvert et ses collègues de l’hôpital Ambroise-Paré, à Paris. En supprimant le prépuce et en réduisant ainsi la surface de peau sensible au virus, la mesure permet une réduction de 60 % du taux de nouvelles infections en comparaison avec des hommes non circoncis. Réalisée sur 110 000 adultes dans un bidonville d’Afrique du Sud, cette étude s’est complétée d’un programme de circoncision volontaire qui a touché plus de 20 000 hommes. Sans cette initiative, la prévalence du VIH aurait été 20 % plus élevée dans la population étudiée… Fort de ce résultat, un vaste programme de circoncision a débuté dans 14 pays d’Afrique.

Des trithérapies de longue durée

À l’heure actuelle, une quarantaine de molécules antirétrovirales existent. De plusieurs classes et disponibles en plusieurs combinaisons, elles sont dirigées contre des molécules spécifiques du virus. De gros efforts ont été faits ces dernières années sur la galénique. Alors que le malade devait ingurgiter des dizaines de comprimés, répartis toutes les quatre à six heures, au début des trithérapies en 1996, un seul comprimé réunissant plusieurs molécules suffit aujourd’hui. Le traitement reste toutefois lourd. « L’observance demeure le gros problème, explique Philippe Benaroch, de l’institut Curie, à Paris. À force de prendre un traitement quotidien, le malade n’en perçoit plus que les effets secondaires et est tenté d’arrêter, ce qui est catastrophique. » Et si, demain une seule injection permettait de protéger l’organisme durant plusieurs semaines ? C’est l’espoir qui se profile avec deux essais américains menés sur des macaques. L’injection mensuelle d’un antirétroviral à effet prolongé a totalement protégé les animaux de l’infection par le virus. Un essai clinique devrait démarrer chez l’homme d’ici à la fin de l’année.

Un vaccin ne serait plus indispensable

Si la recherche vaccinale se poursuit, à la fois sur le plan curatif et préventif, aucun traitement n’apparaît encore à l’horizon. En trente années de recherches, le résultat le plus significatif obtenu par un vaccin préventif remonte à 2009 avec un très (trop) modeste 31 % d’efficacité. Quant au vaccin thérapeutique, il semble davantage encore hors de portée, notamment en raison des "réservoirs à VIH" qui se révèlent impossibles à éradiquer. « Les gros laboratoires pharmaceutiques ont baissé les bras pour le vaccin », se désole Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS (Agence nationale de recherches sur le sida). Une bonne nouvelle cependant : la lutte contre le sida semble pouvoir s’en passer grâce aux progrès des trithérapies et aux initiatives de santé publique.

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