Procès Weinstein : «Je ne pensais pas qu’il recommencerait», confie Miriam Haleyi
L’une des deux principales plaignantes est revenue en détail ce lundi sur les faits reprochés à l’ancien producteur d’Hollywood, Harvey Weinstein.
Elle n'a pas pu finir sa phrase. Sa voix, si frêle que l'on peine à l'entendre, s'est brusquement muée en sanglot. Le visage enfoui dans ses mains, Miriam Haleyi s'est tue quelques instants, avant de relever la tête, les yeux pleins de larmes. « Il me maintenait sur le lit, il m'appuyait dessus avec ses mains en répétant : reste, reste! Je me suis dit : tu es en train de te faire violer … »
Treize ans plus tard, la douleur et la honte semblent intactes. Appelée à témoigner ce lundi au procès de Harvey Weinstein, la productrice a raconté au tribunal de New York comment le magnat d'Hollywood, qu'elle accuse d'avoir abusé d'elle, a patiemment tissé sa toile, et finalement usé de la violence pour parvenir à ses fins.
L'épisode remonte à l'été 2006. Jeune productrice anglaise en quête de travail, Miriam Haleyi a alors 29 ans et toute confiance dans cet homme que son ancien patron lui a présenté, deux ans plus tôt, à l'avant-première londonienne du film « Aviator ». En mai, au Festival de Cannes, et alors qu'elle s'apprête à emménager à New York, c'est donc tout naturellement qu'elle sollicite un entretien. Mais celui-ci prend soudain une tournure embarrassante quand Harvey Weinstein lui demande un massage…
Quand Weinstein lui sort le grand jeu
« Humiliée », elle refuse, assumant de froisser le producteur. Quelques jours plus tard, celui-ci lui fait pourtant une offre de travail, qu'elle accepte. Quand ils se revoient le mois suivant à New York, Harvey Weinstein se montre « charmant, respectueux, gentil », insiste pour la raccompagner chez elle. Là, il la presse soudain de l'accompagner à Paris assister à un défilé de mode. Le producteur lui sort le grand jeu : voyage en jet privé, nuits d'hôtels au Ritz… Miriam Haleyi décline poliment.
Toute la journée, il la harcèle de coups de fil. Puis revient en personne chez elle. « Il était très insistant, il me suppliait presque… », raconte-t-elle. Au pied de l'immeuble, la jeune femme tente de l'éconduire, mais Harvey Weinstein avise une porte ouverte dans le couloir - la sienne - la bouscule, et s'invite dans son appartement. Un récit qui fait écho à celui livré jeudi par l'actrice Annabella Sciorra, l'une des six femmes qui seront entendues comme témoin dans le procès.
Miriam Haleyi, à court d'arguments pour le faire partir, lui lance alors : « J'ai entendu dire que tu avais très mauvaise réputation avec les femmes. » La jeune anglaise fait mouche : Weinstein, piqué au vif, bat en retraite. Elle pense l'incident définitivement clos, et accepte, quelques jours plus tard, un rendez-vous au domicile du producteur. Mais très vite, ce dernier tente de l'embrasser, se met à la « tripoter ».
« Je ne sais même pas si quelqu'un m'aurait entendue si j'avais crié »
« Je lui répétais : non, non, non, détaille-t-elle. Je le repoussais tout en reculant, je lui ai même dit que j'avais mes règles. » Rien n'y fait. Weinstein la conduit dans une chambre, la plaque sur un lit, lui retire son tampon et lui impose un cunnilingus. « Il me tenait les poignets, précise-t-elle dans un sanglot. Je ne sais même pas si quelqu'un m'aurait entendue si j'avais crié… », regrette-t-elle.
Quelques jours plus tard, Harvey Weinstein, en colère après qu'elle ne soit pas venue à une avant-première à Los Angeles, demande à la voir et lui envoie une voiture. « Il a encore insisté… je pensais pouvoir reprendre l'avantage. Je voulais garder de bons rapports avec lui », explique-t-elle, avant de fondre en larmes à nouveau. « Je ne pensais pas qu'il recommencerait… », pleure-t-elle. À peine entrée, le producteur la tire vers le lit et la pénètre, la traitant de « pute » et de « traînée ».
« Il devait penser que ça m'excitait. Et moi, j'étais allongée là, comme paralysée, en me répétant que je n'étais ni une pute ni une traînée », se souvient la productrice. « Vous culpabilisez ? », lui demande la procureure qui, tout en qualifiant l'événement de viol, ne l'a pas retenu contre le producteur, sans doute en raison de l'absence de lutte physique. « Oui. Le premier incident, c'était profondément embarrassant, mais je n'avais rien à me reprocher. Là, c'était différent », estime Miriam Haleyi. En cas de condamnation, Harvey Weinstein encourt la prison à vie.