Procès Weinstein : «Je ne pensais pas qu’il recommencerait», confie Miriam Haleyi

L’une des deux principales plaignantes est revenue en détail ce lundi sur les faits reprochés à l’ancien producteur d’Hollywood, Harvey Weinstein.

 Mimi Haleyi, l’ancienne assistante de production de Harvey Weinstein, est l’une des deux accusatrices dans ce procès.
Mimi Haleyi, l’ancienne assistante de production de Harvey Weinstein, est l’une des deux accusatrices dans ce procès. Reuters/Gabriela Bhaskar

    Elle n'a pas pu finir sa phrase. Sa voix, si frêle que l'on peine à l'entendre, s'est brusquement muée en sanglot. Le visage enfoui dans ses mains, Miriam Haleyi s'est tue quelques instants, avant de relever la tête, les yeux pleins de larmes. « Il me maintenait sur le lit, il m'appuyait dessus avec ses mains en répétant : reste, reste! Je me suis dit : tu es en train de te faire violer … »

    Treize ans plus tard, la douleur et la honte semblent intactes. Appelée à témoigner ce lundi au procès de Harvey Weinstein, la productrice a raconté au tribunal de New York comment le magnat d'Hollywood, qu'elle accuse d'avoir abusé d'elle, a patiemment tissé sa toile, et finalement usé de la violence pour parvenir à ses fins.

    L'épisode remonte à l'été 2006. Jeune productrice anglaise en quête de travail, Miriam Haleyi a alors 29 ans et toute confiance dans cet homme que son ancien patron lui a présenté, deux ans plus tôt, à l'avant-première londonienne du film « Aviator ». En mai, au Festival de Cannes, et alors qu'elle s'apprête à emménager à New York, c'est donc tout naturellement qu'elle sollicite un entretien. Mais celui-ci prend soudain une tournure embarrassante quand Harvey Weinstein lui demande un massage…

    Quand Weinstein lui sort le grand jeu

    « Humiliée », elle refuse, assumant de froisser le producteur. Quelques jours plus tard, celui-ci lui fait pourtant une offre de travail, qu'elle accepte. Quand ils se revoient le mois suivant à New York, Harvey Weinstein se montre « charmant, respectueux, gentil », insiste pour la raccompagner chez elle. Là, il la presse soudain de l'accompagner à Paris assister à un défilé de mode. Le producteur lui sort le grand jeu : voyage en jet privé, nuits d'hôtels au Ritz… Miriam Haleyi décline poliment.

    Toute la journée, il la harcèle de coups de fil. Puis revient en personne chez elle. « Il était très insistant, il me suppliait presque… », raconte-t-elle. Au pied de l'immeuble, la jeune femme tente de l'éconduire, mais Harvey Weinstein avise une porte ouverte dans le couloir - la sienne - la bouscule, et s'invite dans son appartement. Un récit qui fait écho à celui livré jeudi par l'actrice Annabella Sciorra, l'une des six femmes qui seront entendues comme témoin dans le procès.

    Miriam Haleyi, à court d'arguments pour le faire partir, lui lance alors : « J'ai entendu dire que tu avais très mauvaise réputation avec les femmes. » La jeune anglaise fait mouche : Weinstein, piqué au vif, bat en retraite. Elle pense l'incident définitivement clos, et accepte, quelques jours plus tard, un rendez-vous au domicile du producteur. Mais très vite, ce dernier tente de l'embrasser, se met à la « tripoter ».

    « Je ne sais même pas si quelqu'un m'aurait entendue si j'avais crié »

    « Je lui répétais : non, non, non, détaille-t-elle. Je le repoussais tout en reculant, je lui ai même dit que j'avais mes règles. » Rien n'y fait. Weinstein la conduit dans une chambre, la plaque sur un lit, lui retire son tampon et lui impose un cunnilingus. « Il me tenait les poignets, précise-t-elle dans un sanglot. Je ne sais même pas si quelqu'un m'aurait entendue si j'avais crié… », regrette-t-elle.

    Quelques jours plus tard, Harvey Weinstein, en colère après qu'elle ne soit pas venue à une avant-première à Los Angeles, demande à la voir et lui envoie une voiture. « Il a encore insisté… je pensais pouvoir reprendre l'avantage. Je voulais garder de bons rapports avec lui », explique-t-elle, avant de fondre en larmes à nouveau. « Je ne pensais pas qu'il recommencerait… », pleure-t-elle. À peine entrée, le producteur la tire vers le lit et la pénètre, la traitant de « pute » et de « traînée ».

    « Il devait penser que ça m'excitait. Et moi, j'étais allongée là, comme paralysée, en me répétant que je n'étais ni une pute ni une traînée », se souvient la productrice. « Vous culpabilisez ? », lui demande la procureure qui, tout en qualifiant l'événement de viol, ne l'a pas retenu contre le producteur, sans doute en raison de l'absence de lutte physique. « Oui. Le premier incident, c'était profondément embarrassant, mais je n'avais rien à me reprocher. Là, c'était différent », estime Miriam Haleyi. En cas de condamnation, Harvey Weinstein encourt la prison à vie.