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Que sait-on de la contagiosité du coronavirus de Wuhan ?

Que sait-on de la contagiosité du coronavirus de Wuhan ?

Les cas d’infection par le coronavirus de Wuhan (2019-nCoV) ont augmenté de façon spectaculaire au cours de la semaine dernière, ce qui suscite des inquiétudes quant à sa contagiosité et à son mode de propagation. Selon l’Organisation mondiale de la santé, en Chine 2 à 3 % des personnes infectées par le virus sont décédées, et 16 à 21 % sont tombées gravement malades.

Un facteur clé pour évaluer la transmission du coronavirus est de réussir à déterminer s’il peut se transmettre alors que la personne infectée ne présente pas de symptômes – soit durant la période d’incubation (avant que les signes de la maladie – toux, fièvre, difficultés respiratoires… – ne soient visibles), soit dans le cas de personnes qui sont porteuses du coronavirus mais ne développent pas la maladie (on parle de « porteurs sains »).

Dimanche, des fonctionnaires chinois ont déclaré que des cas de transmission s’étaient produits pendant la période d’incubation.

En nous basant sur les preuves médicales et scientifiques disponibles, que pouvons-nous conclure pour l’instant ?

Pouvez-vous contaminer vos voisins même en l’absence de symptômes ?

La grippe est l’exemple classique d’un virus capable de se disséminer alors que les personnes infectées ne présentent pas de symptôme.

À l’inverse, les personnes qui avaient été contaminées par le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère – severe acute respiratory syndrome, ou SARS, en anglais) n’étaient contagieuses qu’après l’apparition des symptômes.

Concernant le coronavirus 2019-nCoV, pour l’instant aucune donnée scientifique n’a été publiée qui permette d’étayer les déclarations des autorités chinoises concernant une possible transmission durant la période d’incubation.

Cependant, des travaux publiés dans le journal The Lancet ont révélé que des enfants asymptomatiques pourraient excrêter (ou transmettre) le virus. Les chercheurs décrivent le cas d’un enfant vivant au sein d’une famille infectée, qui ne présentait aucun symptôme mais dont un scanner thoracique a révélé qu’il souffrait d’une pneumonie. Les tests effectués pour confirmer le diagnostic se sont révélés positifs pour le coronavirus.

Ce cas n’est pas, à proprement parler, un cas de transmission survenu durant la période d’incubation, puisque l’enfant n’est jamais tombé malade. Cependant, cette découverte suggère qu’il est possible que des enfants et des individus jeunes soient infectieux alors qu’ils ne présentent aucun symptôme.

Elle est préoccupante, car elle signifie qu’il pourrait s’avérer compliqué d’identifier les personnes qui risquent de tomber malades, et difficile également de remonter la piste des individus avec lesquels elles ont pu être en contact.

Des gens capables de transmettre le virus sans jamais tomber malade pourraient passer sous les radars… Les contrôles dans les aéroports perdent également en efficacité, puisque des personnes capables de transmettre le virus ne pourraient pas être repérées.

À quel point le 2019-nCoV est-il infectieux ?

L’épidémie a commencé au début du mois de décembre, lorsque des personnes qui ont été exposées à une source infectieuse encore inconnue, sur un marché de fruits de mer, à Wuhan, ont commencé à tomber malades.

Le nombre de cas officiels est resté inférieur à 50 ou 60 jusqu’aux alentours du 20 janvier, date à laquelle les chiffres ont explosé. On décompte désormais plus de 4 500 cas – la plupart en Chine – et 106 décès. Comment l’expliquer ?

Les chercheurs et les autorités de santé publique déterminent le degré de contagiosité d’un virus en calculant son taux de reproduction de base, ou R0). Le R0 est le « le nombre moyen de nouveaux cas d’infection, engendrés par un individu infecté moyen (au cours de sa période d’infectiosité), dans une population entièrement constituée de susceptibles », c’est-à-dire dans une population totalement non immunisée.

Différents experts ont évalué que le R0 du coronavirus de Wuhan se situe entre 1,4 et plus de cinq, mais l’Organisation mondiale de la santé estime qu’il se situe plutôt entre 1,4 et 2,5.

Voici comment un virus avec un R0 de 2 se propage :

Source : The Conversation

Si le R0 de ce nouveau virus était supérieur à 2 ou 3, le nombre de cas recensés à la mi-janvier aurait dû être plus élevé, étant donné que Wuhan, avec près de 11 millions d’habitants, est un important centre d’échanges.

Comment le virus se transmet-il ?

De tous les modes de transmission de personne à personne, c’est la transmission par les voies respiratoires qui est la plus inquiétante, car c’est par ce biais que les infections se propagent le plus rapidement.

Celle-ci peut se faire de deux façons : par de grosses gouttelettes, ce qui donne une transmission que l’on considère habituellement comme « à faible distance », ou via des particules beaucoup plus petites (par aérosols), capables d’être transportées par voie aérienne sur de plus longues distances. Ce dernier type de transmission est le plus difficile à contrôler.

On considère que le SRAS se transmet non seulement par contact et sur de courtes distances, par gouttelettes, mais aussi par aérosol, sur de longues distances. À Hongkong, l’infection est par exemple passée d’un étage d’un bâtiment à l’autre.

On a initialement supposé que la plupart des cas d’infection par le coronavirus de Wuhan provenaient d’une source animale localisée sur le marché des fruits de mer de la ville. Cependant, nous savons maintenant que le virus peut, dans certains cas, se transmettre d’un être humain à l’autre. Le gouvernement chinois a par ailleurs annoncé que le virus est capable de se propager par contact (toucher). Nous ne savons pas encore dans quelle mesure la transmission se fait de personne à personne, mais quelques indices permettent de l’estimer.

Les coronavirus sont des virus respiratoires, ils se trouvent donc dans le nez, la gorge et les poumons. C’est dans ces derniers que les quantités de particules du virus de Wuhan sont les plus élevées. Si ces virus présent dans les poumons sont expulsés, il est possible qu’ils se propagent par le biais de fines particules en suspension dans l’air, lesquelles seraient ensuite inhalées dans les poumons des personnes alentour.

Pourquoi le virus s’est-il répandu si rapidement ?

L’augmentation continue du nombre de cas en Chine depuis le 18 janvier – malgré les fermetures, les vacances prolongées, les interdictions de voyager et la prohibition du commerce d’animaux sauvages – pourrait s’expliquer par divers facteurs, ou par une combinaison de plusieurs d’entre eux :

– le Nouvel An chinois. Celui-ci a entraîné une augmentation des voyages, qui s’est traduite par la propagation du virus dans toute la Chine et dans le monde entier. Les voyages sont un facteur majeur dans la propagation des infections ;

– les transmissions asymptomatiques par les enfants et les jeunes. De telles transmissions ne seraient pas détectées lors de la recherche des personnes avec lesquelles les malades ont été en contact. En effet, les autorités sanitaires ne peuvent identifier que les individus qui présentent des symptômes ;

– une amélioration de la détection, des tests de dépistage et de la notification des cas. En effet, les capacités dans ces secteurs ont été renforcées par l’arrivée à Wuhan de médecins et d’infirmières venus de toute la Chine pour aider à circonscrire l’épidémie ;

– une transmission substantielle de personne à personne ;

– la poursuite de l’exposition à une source d’infection présente dans l’environnement, ou au contact d’animaux.

Cependant, étant donné que la période d’incubation du virus semble courte (un à deux jours), si le coronavirus de Wuhan était très contagieux, on pourrait s’attendre à ce que la transmission se soit déjà généralisée en Chine, ou à ce que des épidémies aient déjà émergé dans d’autres pays.

L’augmentation observée depuis janvier est plutôt due à une combinaison des facteurs ci-dessus, à des degrés divers. La situation évolue chaque jour, et les nouvelles données relatives à la transmission doivent être analysées au fur et à mesure qu’elles sont rendues disponibles.

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