Et si la Banque centrale européenne vous versait chaque mois 140 euros, soit 1 680 euros par an, à dépenser comme bon vous semble ? C’est la proposition faite par 4 économistes pour relancer l’activité économique en Europe.

Un « drone monétaire » pour relancer l’activité en zone euro. C’est l’idée d’un collectif d’économistes, dont la Maître de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Jézabel Couppey-Soubeyran. Une proposition inédite ? Pas vraiment, elle se rapproche d’ailleurs du concept de « monnaie hélicoptère » inventé par le libéral Milton Friedman dans les années 60, mais elle étonne toujours. Concrètement, plutôt que de confier aux banques commerciales la mission de diffuser sa politique monétaire, la Banque centrale européenne (BCE) pourrait donner directement de l'argent aux citoyens.

Les 4 économistes chiffrent précisément cette somme à 120 euros par personne (enfants inclus) ou, ce que préconise le collectif, à 140 euros par personne âgée d’au moins 15 ans. Ces montants correspondent à l’actuel coût de la politique monétaire (40 milliards d’euros mensuels) divisé par le nombre de citoyens en zone euro (340 millions dont 290 millions de 15 ans et plus). Ces 140 euros, crédités directement sur votre compte en banque, ne seraient pas versés ad vitam æternam. Octroyé d’abord pendant une année test, ce versement mensuel cesserait dès que l’activité économique reprendrait du poil de la bête ou, dans la langue des économistes, dès que l’inflation repasserait au-dessus de la cible de 2% définie par la BCE.

La balle dans le camp de la BCE

« Le coût de l’opération serait entièrement financé par la Banque centrale et ne pèserait pas sur les finances publiques. Il impliquerait toutefois d’accepter collectivement la perte en résultant pour la Banque centrale », soulignent les 4 co-auteurs dans leur note publiée sur le site de l’Institut Veblem. Le drone monétaire « n’a pas vocation à remplacer une action budgétaire, seule à même d’activer directement le moteur de l’investissement productif », poursuit le collectif. Les 4 économistes répondent ainsi à leurs détracteurs. Ces derniers estiment que ce type d’instrument ne soutient en rien l’investissement des entreprises, moteur de la croissance économique à long terme.

Effectivement, la proposition portée notamment par Jézabel Couppey-Soubeyran vise en premier lieu à doper la consommation des ménages. D’après les calculs des auteurs, 70% de la somme ainsi distribuée serait dépensée et pourrait « entraîner une augmentation en cascade des revenus (effet multiplicateur), de l’ordre de 2 à 3 fois le montant de monnaie centrale émis ». Concrètement, cela signifie que, selon les économistes, sur les 140 euros octroyés, 98 euros seraient dépensés chez des commerçants. Ensuite, les commerçants voyant leurs revenus augmenter investiraient et dépenseraient à leur tour davantage, augmentant ainsi les revenus d’autres entreprises et ainsi de suite… De sorte, qu’au final, les 140 euros génèreraient entre 280 à 420 euros de plus circulant dans l’économie européenne. C’est cela l’effet multiplicateur. Mais pour que ce cercle vertueux se déploie pleinement, encore faut-il que l’argent reste en Europe, et ne serve pas à importer des produits de l’étranger.

La publication de cette étude, sortie le 22 janvier dernier, n’est pas un hasard. Au même moment, Christine Lagarde, la patronne de la BCE, annonçait vouloir remettre à plat sa politique monétaire et évaluer tout au long de l’année 2020 la pertinence des instruments utilisés. La balle est dans le camp de la BCE !