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Maladie de l'enfant

Une prothèse de la taille d'un petit pois pour soigner les bébés prématurés

"Leur coeur travaille comme s'ils couraient, mais 24h/24" : les bébés souffrant d'un canal artériel persistant (CAP), un vaisseau sanguin anormal touchant surtout les prématurés, peuvent maintenant être soignés à partir de 700 grammes grâce à une prothèse miniature.

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Une prothèse de la taille d'un petit pois pour soigner les bébés prématurés

Le dispositif Piccolo fait la taille d'un petit pois.

Abbott

Plus de 2.000 bébés prématurés ont le cœur qui travaille comme quatre, chaque année en France, à cause d'un vaisseau sanguin anormal. Appelé canal artériel, il est utile au fœtus mais délétère pour l'oxygénation du bébé une fois né. Lorsqu'il persiste après la naissance, il doit être fermé : c'est ce que permet une toute nouvelle prothèse de la taille d'un petit pois, le Piccolo.

Un vaisseau sanguin qui court-circuite les poumons

"Le cœur de ces bébés travaille comme s'ils couraient, mais 24h/24", explique à Sciences et Avenir le Pr Damien Bonnet, chef de service de cardiologie pédiatrique et congénitale à l'hôpital Necker (Paris). Ce problème cardiaque est causé par le canal artériel, un petit vaisseau sanguin que possèdent les fœtus, normalement destiné à disparaître peu après la naissance.

Dans l'utérus en temps normal, le canal artériel du fœtus relie l'artère pulmonaire - qui amène le sang non oxygéné aux poumons - à l'aorte, qui conduit le sang oxygéné expulsé par le cœur vers les autres organes. Autrement dit, le canal artériel permet donc de court-circuiter les poumons et d'envoyer directement le sang vers l'aorte, et donc vers les organes. C'est logique pendant la grossesse, car le sang arrive au fœtus déjà oxygéné par le placenta. Après la naissance, le bébé utilise ses poumons pour oxygéner son sang, et le canal artériel devenu inutile se ferme dans les jours qui suivent.

Le canal artériel persistant (CAP) met le cœur en souffrance

Mais il arrive, surtout chez le prématuré, que le canal artériel reste ouvert après la naissance : on parle alors de canal artériel persistant (CAP). Or, après la naissance, la pression devient plus élevée dans l'aorte que dans l'artère pulmonaire - et le sang préfère toujours aller vers la zone de moindre pression. Le sang des bébés avec un CAP fait donc le chemin inverse de celui qu'il faisait pendant la grossesse : au lieu de sauter la case poumons, le sang oxygéné y retourne, créant une surcharge inutile.

Résultat, leur cœur travaille plus pour oxygéner le corps et la circulation pulmonaire est inondée. "Le débit cardiaque de ces bébés est multiplié par quatre, comme s'ils faisaient en permanence un footing", illustre le Pr Damien Bonnet. Cette dépense d'énergie supplémentaire ralentit la croissance du bébé et son développement musculaire, accentuant ses difficultés à respirer.

Illustration du placement du Piccolo dans le canal artériel persistant. Crédits : Abbott.

Une chirurgie invasive

Chaque année, environ 55.000 bébés prématurés naissent en France, dont 11.000 grands prématurés (nés avant la 32e semaine de grossesse, c’est-à-dire avant la fin du 7e mois). Ils sont 20% des grands prématurés à souffrir d'un CAP, soit plus de 2.000 enfants par an en France. Pour traiter cette anomalie, les médecins administrent d'abord des anti-inflammatoires ou du paracétamol pour activer la fermeture.

Mais chez certains enfants, les médicaments sont inefficaces. Il faut alors recourir à une fermeture du canal par ligature chirurgicale ou occlusion par une prothèse. La chirurgie nécessite cependant d'ouvrir le thorax du patient, tandis que la prothèse peut être amenée par voie percutanée, c'est-à-dire en introduisant un cathéter dans une veine de la jambe puis en suivant le circuit sanguin pour arriver à l'endroit où larguer la prothèse. Problème : la taille des prothèses, trop importante pour les plus petits. "On ferme le canal artériel persistant depuis bientôt 30 ans avec des prothèses par voie percutanée, mais jusqu'à présent nous n'avions rien pour les bébés de moins de 3 kg", qui devaient donc être traités par chirurgie, expose le Pr Bonnet.

Le Piccolo, prothèse utilisable à partir de 700 grammes

C'est là qu'intervient le Piccolo, prothèse de la taille d'un petit pois développée par l'entreprise américaine de MedTech Abbott et commercialisée en France depuis l'automne 2019. Outre sa petite taille, principal défi posé par sa conception, c'est son matériau qui intrigue : un métal à mémoire de forme appelé nitinol. Constitué d'un alliage de nickel et de titane, il peut être déformé à l'envi et reprendra sa forme initiale une fois exposé à la chaleur – ici celle du corps humain. "Quand le paracétamol ne suffit pas, au lieu de la chirurgie on peut maintenant utiliser le Piccolo chez les bébés prématurés, jusqu'à 700 grammes", se félicite le Pr Bonnet.

Le Piccolo est constitué d'un treillage de nitinol. Compressé dans le cathéter, il reprend cette forme une fois largué dans le canal artériel persistant, donc il ferme l'accès. Crédit : Abbott.

Cette intervention percutanée est moins invasive que la chirurgie, mais n'est pas pour autant dépourvue de risques. "Cette technique est moins agressive que la chirurgie, mais passer par des veines de taille millimétrique nécessite des experts et une salle spécialement équipée" pour parer à toute complication et en suivre la progression (par échographie et rayons X), explique le Pr Bonnet. Seuls six centres en France ont l'expertise suffisante pour réaliser ce type d'opération, nécessitant souvent au transport du nouveau-né déjà fragile. "L'idéal, avec une intervention par semaine, ce serait une ou plusieurs équipes itinérantes sur toute la France", ajoute-t-il, mais la mise en place est pour l'instant "compliquée".

Si la pratique est encore trop récente pour qu'on puisse affirmer qu'elle est plus sûre que la chirurgie pour ces bébés, le Pr Bonnet observe pour l'instant de résultats encourageants. Après la pose du Piccolo, les nouveau-nés restent moins longtemps en réanimation et peuvent plus rapidement se passer de la machine de ventilation qui les aide à respirer.

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