Départs de LREM : "Nous étions venus pour un idéal, beaucoup sont déçus"
En un mois, quatre députées ont pris leurs distances avec La République en marche, et parfois avec le groupe majoritaire à l'Assemblée. En cause, le fonctionnement du mouvement. Au total, 19 élus l'ont quitté depuis le début de la législature.
C'est le dernier départ en date : la députée Paula Forteza a annoncé mardi qu'elle quittait La République en marche, le parti mais aussi le groupe majoritaire à l'Assemblée nationale. Soutien de Cédric Villani à Paris, et tête de liste dans le 19e arrondissement, elle ne l'explique pas seulement pour cette raison et pointe "la stratégie" du mouvement qui suit, à ses yeux, "une dynamique d'exclusion, de rétrécissement, plus que de rassemblement". "Nous voulions combattre les appareils, nous en avons recréé un de toutes pièces", a écrit l'élue dans un message adressé à ses collègues LREM à l'Assemblée nationale.
"Ça fait résonance avec mon mail d'il y a un an. La sincérité de ces démarches me frappe. Rien n'est coordonné. Ce sont toutes des députées, très impliquées, qui travaillent beaucoup", réagit auprès du JDD Matthieu Orphelin, qui avait suivi le même chemin en février 2019.
"Je pense que le groupe va s'effilocher avec le temps. Il y aura encore d'autres départs
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Depuis le début de l'année, trois autres élues ont quitté En marche : Valérie Petit, Annie Chapelier et Frédérique Lardet. Des considérations politiques, liées aux investitures aux municipales, sont parfois venues s'ajouter à leur réflexion. Elles restent cependant apparentées au groupe majoritaire au palais Bourbon, quand la pro-Villani va siéger avec les non-inscrits. "Je ne suis pas surprise. Je pense que le groupe va s'effilocher avec le temps. Il y aura encore d'autres départs", estime pour sa part Jennifer De Temmerman, partie en novembre. Sans donner de noms, l'élue du Nord raconte que des députés LREM "qui ne sont pas encore partis sont venus [la] voir pour savoir comment ça se passait" pour elle depuis son départ.
Le choix du nouveau groupe parlementaire
Depuis le début de la législature, 19 députés* ont pris leurs distances avec La République en marche et trois autres ont été exclus (Sébastien Nadot, Agnès Thill et Sabine Thillaye). "Je choisis de quitter La République en Marche, parti dans lequel ne se retrouve plus aucune des valeurs qui ont été à l'origine de mon engagement", déclarait le 20 janvier Annie Chapelier. Cette élue dénonce "un mouvement hors sol, indifférent aux territoires et clivant les députés en deux groupes : d'un côté des apparatchiks, petits chefs plus ou moins autoproclamés et, de l'autre, une masse, insignifiante à leurs yeux à qui on demande une allégeance et une obéissance aveugles". Idem chez Valérie Petit qui parle d'un mouvement qui "ne prend pas le chemin d'une plus grande démocratie interne", "laissant la place à l'autoritarisme de petits chefs non élus et accouche de décisions politiques hors sol, confisquées aux territoires et aux acteurs locaux".
"La tentation (du groupe) a été de caporaliser cette richesse de parcours et d'idées
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"Ce sont des décisions très difficiles à prendre", se remémore Matthieu Orphelin, qui regrette que "la tentation (du groupe) ait été de caporaliser cette richesse de parcours et d'idées" qu'il y avait au sein d'En marche au sortir des législatives. "Je peux le comprendre avec l'épisode des frondeurs, mais nous n'arrivions pas dans cette logique là." Lui siège aujourd'hui (en tant qu'apparenté), comme plusieurs partants (Jean-Michel Clément, Frédérique Dumas, Sandrine Josso, François-Michel Lambert…) dans le groupe Libertés et territoires, et pas chez les non-inscrits où se trouvent les élus du Rassemblement national et où le temps de parole est minime (à cause de la règle du temps législatif programmé).
Ce que confirme Jennifer De Temmerman, qui n'a par exemple pas pu défendre une proposition de loi sur les droits de l'enfant qu'elle avait pourtant cosignée lorsqu'elle était encore parlementaire En marche. "C'est frustrant, mais la liberté n'a pas de prix", justifie celle qui réfléchit actuellement à s'apparenter à un groupe pour défendre au mieux ses électeurs. Ne pas être dans un grand groupe nécessite aussi de "travailler beaucoup plus", estime Matthieu Orphelin. Avec son équipe, l'élu de Maine-et-Loire a fait quelques calculs : "Sur les six premiers mois, on avait estimé ce surplus de travail à +20-25%. Mais cela permet de se raccorder avec ses valeurs et avec ce pour quoi on est venu."
Déçus de ne pas faire de la politique autrement
"Nous étions venus pour un idéal, pour faire de la politique autrement. Beaucoup sont déçus", renchérit Jennifer De Temmerman, qui regrette que "ce soit toujours les mêmes qui sont nommés rapporteurs ou qui prennent la parole". La députée raconte avoir mis un an avant de prendre la décision de quitter LREM et le groupe, et comprend la difficulté de sauter le pas. Outre la crainte de ne "pas peser à l'extérieur", elle dénonce "le sentiment de culpabilité entretenu" par les cadres du mouvement : "On nous dit de nous rappeler d'où l'on vient, qu'on doit tout à Emmanuel Macron. Mais on a porté sa candidature sur les territoires, lui aussi nous doit quelque chose", estime celle qui était entrée en politique à cette occasion.
Sur les 314 élus au printemps 2017, dans la foulée de l'élection d'Emmanuel Macron à l'Elysée, il en reste aujourd'hui 301 dont 8 apparentés. Treize appartiennent aujourd'hui à un autre groupe parlementaire ou siègent chez les non-inscrits. La désormais ex-députés LREM Paula Forteza estime qu'il y a de la place, à l'Assemblée nationale, pour un "groupe écologiste et progressiste". "C'est mathématique. Pourquoi pas s'il s'agit de gens avec qui je partage les mêmes valeurs", indique Jennifer De Temmerman, qui exclut toutefois tout rapprochement "de circonstances". "La première question qu'on m'a posée quand je suis arrivé à l'Assemblée était : 'quand est-ce qu'il y aura un groupe écolo?'", sourit de son côté Matthieu Orphelin. C'était il y a plus de deux ans et demi. Pour eux, ce n'est pas encore d'actualité.
* M'jid El Guerrab, Jean-Michel Clément, Frédérique Dumas, Paul Molac, François-Michel Lambert, Joachim Son-Forget, Matthieu Orphelin, Sandrine Josso, Aina Kuric, Michèle Crouzet, Albane Gaillot, Florence Morlighem, Jennifer de Temmerman, Marion Lenne, Pascale Fontenel-Personne, Valérie Petit, Annie Chapelier, Frédérique Lardet, Paula Forteza. Sébastien Nadot, Agnès Thill et Sabine Thillaye ont, eux, été exclus.
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