CLACOSFinalement, les camemberts industriels n’auront pas droit à l’AOP

Fromage : Finalement, les camemberts industriels n’auront pas droit à l’AOP

CLACOSUn nouveau cahier des charges permettant l’intégration des camemberts au lait pasteurisé a été refusé par les producteurs de camembert au lait cru
Des boites de camembert. (illustration)
Des boites de camembert. (illustration) - RAPHAEL BLOCH/SIPA
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Les producteurs laitiers et fromagers de Normandie ont finalement refusé, de justesse, d’accorder une précieuse appellation d’origine aux camemberts trop standardisés. Cette décision donne un coup d’arrêt au fragile accord de paix établi en 2018 pour tenter d’unir sous une dénomination commune les fromages au lait cru, et ceux, plus industriels, au lait pasteurisé.

Le projet d’accord, bouclé en février 2018 sous l’égide de l’Institut national des appellations et origines (INAO), aurait accordé à partir de 2021 la dénomination unique « camembert AOP de Normandie » à tout fromage, y compris ceux au lait pasteurisé, à condition qu’ils soient fabriqués dans une zone géographique bien délimitée en Normandie. En échange, les producteurs et industriels laitiers, comme Lactalis, auraient dû accepter un renforcement des contraintes sur la qualité du lait, notamment l’obligation pour les producteurs d’avoir davantage de vaches normandes dans les troupeaux.

Une question de flou juridique

L’accord prévoyait par ailleurs la création d’une sous-catégorie plus exigeante – « véritable camembert de Normandie »- pour mettre en valeur ceux au lait cru, souvent aussi moulés à la louche. A quelque 5.000 tonnes produites par an, ces derniers sont pour l’instant les seuls à bénéficier de l’appellation « AOP Camembert de Normandie ». En face, les 60.000 tonnes fabriquées par les industriels dans la région s’appellent « camemberts fabriqués en Normandie ». Sans AOP, ils ne sont pas protégés par le droit européen face aux contrefaçons dans les échanges internationaux. Or, c’est justement ceux-ci qui sont exportés. La tentative de régler la question des étiquettes visait à résoudre le flou juridique.

Mais, outre les levées de boucliers de grands chefs cuisiniers, de gastronomes et d’élus attachés au lait cru, des critiques sur le périmètre retenu pour la nouvelle zone AOP en Normandie avaient été émises localement. Par ailleurs l’opposition du Comité national des appellations d’origine laitière (CNAOL) a aussi pesé. Celui-ci avait dénoncé une « homogénéisation inacceptable » d’un produit lié au terroir et aux saisons.

Le même fromage tout le temps

Michel Lacoste, président de la CNAOL, conteste « une dérive » sur le plan des technologies fromagères. Outre la double pasteurisation, « ils utilisent des + coagulateurs +, des machines qui standardisent le lait, qui sera le même du 1er janvier au 31 décembre quelle que soit la race de la vache qui l’a produit, son alimentation et même la saison. Or, le principe même d’un fromage AOP est qu’il est issu d’un lait qui est un produit vivant, issu d’un terroir, auquel on doit s’adapter pour fabriquer le fromage », avait-il ajouté, craignant une contagion aux autres AOP.

L’association Fromages de terroirs s’est félicitée de cette décision. « Le principe de qualité a tenu bon face aux desiderata toujours plus nombreux des géants laitiers, c’est la victoire du goût et une très bonne nouvelle pour toutes les AOP européennes », indique sa responsable Véronique Richez-Lerouge. L’INAO a « pris acte » de la décision, espérant une reprise des discussions au sein de l’organisation des producteurs au cours du printemps.

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