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Ne pas laisser les géants du web gérer notre santé

ÉDITORIAL. Google, Amazon ou Microsoft peuvent être utiles pour améliorer l’efficacité de notre système de soins. Mais il faut des règles claires pour encadrer leurs activités

Tapez «grippe», «migraine» ou «pneumonie» dans Google. Vous verrez apparaître une jolie boîte couleur turquoise décrivant la maladie, les symptômes et les soins. — © 123rf
Tapez «grippe», «migraine» ou «pneumonie» dans Google. Vous verrez apparaître une jolie boîte couleur turquoise décrivant la maladie, les symptômes et les soins. — © 123rf

C’est un exercice aussi simple que révélateur. Tapez «grippe», «migraine» ou «pneumonie» dans Google. Vous verrez apparaître une jolie boîte couleur turquoise décrivant la maladie, les symptômes et les soins. Issues de plusieurs sources et compilées par le moteur de recherche, ces boîtes donnent un aperçu des ambitions de la multinationale américaine dans le secteur de la santé. Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg: de manière opaque, Google, comme Microsoft, Amazon, voire Facebook, veulent dévorer le secteur de la santé.

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A l’étroit dans leurs marchés de base, de plus en plus souvent en concurrence entre eux, les géants américains du web lorgnent de nouveaux territoires: la finance, la mobilité, la sécurité et de plus en plus la santé. Un marché colossal, où tant les patients que les hôpitaux et les multinationales pharmaceutiques sont prêts à payer cher pour des informations personnalisées, des analyses extrêmement fines, voire des prédictions. Avec leur puissance de calcul inégalée – que décuplera l’informatique quantique, qu’ils commencent à maîtriser – et le développement d’algorithmes complexes, les géants américains ont tout pour bouleverser le monde médical.

Pour le bien, très souvent: dans les pays en voie de développement, le dépistage précoce de maladies de l’œil, via de simples smartphones, peut bouleverser la vie de millions de personnes. Dans les pays occidentalisés, dont la Suisse, l’intelligence artificielle commence à être utilisée dans l’imagerie médicale, permettant une meilleure détection de maladies.

Ces bienfaits incontestables ne doivent cependant pas être obtenus à n’importe quel prix. Et surtout pas au prix de la transparence et du respect de la vie privée. Ces derniers mois, c’est via des dénonciations externes que l’on apprenait comment Amazon et Google avaient avalé les données de millions de patients pour créer leurs bases de données. Souvent, sans même prendre la peine d’anonymiser ces informations pourtant si sensibles. C’est inacceptable.

Ce qui l’est tout autant, c’est la passivité des autorités, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Il faut créer un cadre régulateur – ce mot est de moins en moins tabou outre-Atlantique – clair et précis pour prévenir toute dérive.

Le rapport de force est certes inégal, entre des hôpitaux avec des budgets restreints et des multinationales aux moyens illimités. Mais les services de santé ne doivent pas collaborer avec celles-ci en secret et sans que l’Etat garde un œil sur ces accords. La santé est beaucoup trop importante pour que nous laissions les géants de la tech la gérer. Tout simplement.