Triste anniversaire. Ce 5 février 2020, cela fait sept mois que Ramy Shaath croupit dans la prison de Tora dans la capitale égyptienne. En janvier 2011, il a été l’une de figures de la révolution de la place Tahrir au Caire, aboutissant à la chute du président Moubarak.

L’Égypte gomme les traces de la révolution de 2011

Le militant égypto-palestinien de 48 ans – fils de Nabil Shaath, ancien conseiller du président Nasser et ministre des affaires étrangères palestinien –, a été aussi un aiguillon des mouvements pro-démocratie. Il est le cofondateur du parti al-Destour aux côtés de Mohamed el Baradei. Hostile au gouvernement des Frères musulmans, il s’est opposé néanmoins aux appels à l’armée pour le faire tomber en juin 2013. Après les bombardements israéliens sur Gaza en 2014, il a lancé le mouvement BDS (pour Boycott, Désinvestissement, Sanctions) contre Israël et sa politique de colonisation des terres palestiniennes.

Fin juin 2019, il s’oppose encore au « deal du siècle », le plan américain qui ambitionne de résoudre le conflit israélo-palestinien alors que l’Égypte opère un rapprochement avec son voisin israélien. Malmené depuis plusieurs années par les autorités, celles-ci lui contestent sa nationalité égyptienne, et refusent de lui renouveler son passeport. Le 5 juillet 2019, il est arrêté à son domicile. Et sa femme française, Céline Lebrun-Shaath, est expulsée.

« La mort à petit feu dans les prisons »

Depuis Ramy Shaath survit avec dix-sept codétenus qui se partagent une cellule de 25 m2. « Une situation extrêmement éprouvante », souligne sa femme. « Ils dorment à même le sol, ils ont tous attrapé la gale. Ramy souffre de poussées de fièvre, d’une infection à l’œil qui ne lui permet pas de lire. Les autorités mènent une politique de négligence médicale, elles veulent briser les personnes en détention ; c’est la mort à petit feu dans les prisons. » Trois détenus sont récemment morts dans les prisons égyptiennes, dont le ressortissant américain Moustafa Kassem.

Pour justifier l’incarcération de Ramy Shaath, le service du procureur général de la sûreté de l’État (SSSP), une justice parallèle, a joint son nom à une autre affaire dite « de l’espoir », concernant plusieurs personnalités qui tentaient de s’organiser en opposition en juin 2019. Plus d’une centaine de personnes en détention ont de même été greffé à cette affaire, qualifiée d’atteinte à la sûreté de l’État dans le cadre de la lutte antiterroriste utilisée pour lutter contre les opposants.

En Égypte, Amnesty dénonce les excès d’une justice d’exception

Céline Lebrun-Shaath a beaucoup cru en la libération de son mari fin novembre dernier, lorsque le délai des 150 jours de détention provisoire (renouvelé dix fois tous les quinze jours) s’était écoulé. « Ramy Shaath a été déféré début décembre devant le juge, qui a prolongé sa détention provisoire pour 45 jours, celle-ci a été renouvelée le 11 janvier dernier », rappelle Katia Roux d’Amnesty international. Une nouvelle audience devrait avoir lieu fin février. « Les dates changent en permanence et au dernier moment, rendant très difficile la présence de représentants diplomatiques à ces audiences », déplore-t-elle.

Une diplomatie silencieuse inopérante

Face au « durcissement sans précédent de la répression qui s’exerce aujourd’hui à l’égard de la société civile », 66 députés français et européens ont écrit, le 31 janvier, une tribune dans Le Monde, à l’initiative de la députée LREM de la Drôme Mireille Clapot, pour réclamer la libération de Ramy Shaath et « des défenseurs des droits humains injustement détenus en Égypte ».

« Jusqu’ici, la France, qui a noué un partenariat stratégique avec l’Égypte, revendique de pratiquer une diplomatie silencieuse pour aborder les cas des détenus d’opinion avec les autorités égyptiennes. Mais cela ne marche pas », fait valoir Katia Roux. « Il faut multiplier les déclarations publiques pour maintenir la pression », pointe-t-elle.

Traduite en anglais et en arabe, la tribune a été relayée en Égypte, notamment par les chaînes de télévision Al Jazeera et Al Arabiya. « Jusqu’à présent, les courriers adressés à l’ambassadeur d’Égypte à Paris n’ont même pas fait l’objet d’un accusé de réception, y compris celui envoyé par 23 députés en novembre dernier », regrette Céline Lebrun-Shaath. Celle-ci n’a pas eu non plus la moindre réponse à sa demande de pouvoir se rendre à nouveau en Égypte, où elle vivait depuis sept ans.