Bob Marley, prophète du reggae et du rastafarisme

 Bob Marley en concert  en 1977. ©Getty - Vincent McEvoy/Redferns
Bob Marley en concert en 1977. ©Getty - Vincent McEvoy/Redferns
Bob Marley en concert en 1977. ©Getty - Vincent McEvoy/Redferns
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Bob Marley et son oeuvre racontés par des témoins rencontrés à Kingston, Londres, Los Angeles et Paris. Né en Jamaïque, le reggaeman est au point de jonction entre l'ancien monde et le nouveau, les Blancs et les Noirs, la liberté et l'esclavage.

Avec
  • Michael Krumah Junior
  • Hélène Lee Journaliste, documentariste et écrivaine
  • Lester Sterling Trompettiste et saxophoniste jamaïcain
  • Neville Garrick Graphiste et photographe d'origine jamaïcaine
  • Nambo Robinson et Al Anderson Respectivement tromboniste et guitariste
  • Johnny Moore
  • Professor Ras Berry
  • Francis Dordor Journaliste aux Inrocks et auteur
  • Giulia Bonacci Historienne, chargée de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement
  • Bob Marley Chanteur et musicien
  • Tyrone Downie Clavier, musicien, arrangeur

Il est aujourd’hui presque aussi connu que le Che ou le Christ, avec qui il partage certaines allures prophétiques, rebelles et définitivement proches de « ceux qui souffrent ». Bien avant que la mondialisation ne soit pensée, analysée ou contestée, Bob Marley a été l’un des premiers artistes à évoquer les « déplacements de peuples et de matériaux», l’oppression d’un système unique qu’il appelle « Babylone » et la nécessité d’accomplir un retour en Terre Promise. Né d’une union illégitime entre un capitaine Blanc cinquantenaire et une jeune mineure noire, Bob Marley a dès sa naissance incarné une confrontation historique et sociale encore difficile à aborder dans sa Jamaïque natale : la rencontre entre l’Afrique, le poids de l’esclavage et la domination coloniale. « Avec un tee-shirt Bob Marley, tu peux entrer dans n’importe quel quartier chic ou ghetto du monde » commentait Manu Chao en parlant de l’icône Marley. Si le pape du reggae, a gardé une telle aura par-delà les barrières sociales, c’est bien parce qu’au-delà de son statut métis, ses chansons ont su imposer une philosophie novatrice, injectant un peu de sacré dans le monde profane du rock et une dose de panafricanisme et de politique dans le divertissement. 

Un rastaman à la conquête du monde

Plus d’un demi-siècle après sa mort à 36 ans, le 11 mai 1981, la puissance musicale de ses chansons fait qu’elle sont encore jouées, remixées, reprises et traduites chaque jour aux quatre coins du globe. Entre proverbes, prophéties, confessions et analyses, son regard sur le monde garde encore une certaine acuité… peut-être parce que les lignes de cet humaniste puisaient allégrement dans la Sainte Bible qu’il lisait chaque jour, autant que dans la sagesse populaire qu’il a cultivée dans le quartier malfamé de "Trenchtown " qui l’a vu grandir. Construit en 1951 après un cyclone, ce secteur de Kingston reste le théâtre d'affrontements armés, mais il est aussi un creuset culturel, un vivier pour musiciens et rastas. Marley y a rencontré ses futurs confrères Bunny Livingston Wailer, Peter Tosh, ainsi que son premier mentor musical Joe Higgs. Dès lors, il y peaufinera presque à l’infini les centaines de chansons qui feront son succès des années plus tard, notamment après sa rencontre avec un producteur, Chris Blackwell, qui décide de « vendre » Bob Marley et les Wailers au monde entier comme le premier groupe de rock noir. Parmi les influences moins connues qui ont également façonné la carrière et l’œuvre de Marley, il y a également Johnny Nash, chanteur pop américain qui “découvre” Bob Marley en 1968 à Kingston lors d'un grounation (un rassemblement religieux Rasta) et le signe aussitôt sur son label, JAD Records, puis l’embarque en Suède et en Angleterre. 

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Le Réveil culturel
22 min

Sans jamais renier l’inspiration de Marcus Garvey, penseur jamaïcian précurseur du panafricanisme, ni sa dévotion pour l’Empereur Hailé Selassié (Ras TafarI) considéré comme un Dieu vivant par les rastas, le légendaire rastaman a fini par conquérir les scène du monde entier, du Japon à la Nouvelle-Zélande, en passant par l’Afrique et l’Amérique, où il croisa entre autres, le public de Lionel Richie, Marvin Gaye, des Stones ou de Bruce Springsteen… Sur scène, Marley réussit même à réconcilier deux opposants politiques légendaires en Jamaïque, à l'issue de huit heures de show. Deux mois après ce concert, il reçut la Médaille de la Paix à l'ONU. Et quand la Rhodésie devint Zimbabwe en avril 1980, il fut l'invité vedette de Robert Mugabe à Harare. Il dépensa 250 000 dollars pour faire venir des éclairages, des sonos et une scène dans une nation qui n'avait pas vu de concert depuis plus de 20 ans. Entre Bible et analyse politique, l’Afrique pouvait-elle devenir la Terre Promise dont Bob Marley rêvait lorsqu’il chantait Exodus ?

5 min

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