Il est des chorégraphies macabres. La leur est une mauvaise Macarena. Virer serviettes et draps sales. Faire le lit. Mettre les produits ménagers. Passer aspirateur et serpillière. Aérer. Parfumer. Le tout en dix-sept minutes chrono. On se doute qu'elles existent. On sait que les chambres ne se nettoient pas seules. Sans plus.
Travailleuse de l'ombre, Rachel Keke, 45 ans, est gouvernante. Le grade au-dessus de femme de chambre. Doudoune rose, chandail bleu, casquette en laine multicolore et Nike Blazer noires aux pieds, elle est devenue en l'espace de quelques mois le visage des «corps cassés» de l'hôtel Ibis Batignolles. L'ogre parisien de 706 chambres avale et recrache une quarantaine d'employées tous les jours. Le 17 juillet 2019, plus d'une vingtaine se lèvent pour exhumer de la tombe de l'indifférence le sort qui leur est réservé : cadences infernales (3,5 chambres par heure), sous-traitance, bas salaires, heures supplémentaires non payées. Les revendications de ces travailleuses majoritairement africaines tiennent en seize points couchés sur un prospectus rose siglé CGT.
Le froid lèche leurs os. Mais elles se tiennent, de 10 heures à 15 heures, devant l'hôtel, vêtues de l'impertinent combo boubou - gros pull - gilet jaune siglé CGT. Les grévistes font moins de bruit à présent. La justice leur a intimé l'ordre de ne pas dépasser les 50 décibels. Elles sont employées par STN, un sous-traitant du groupe Accor, qui détient la chaîne d'hôtels Ibis. Un hôtel