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Êtes-vous dépressif ? Sur Doctissimo, vos réponses à ce test seront vendues au plus offrant
En septembre, l’ONG notait également que Doctissimo se reconnaissait, dans ses paramètres, la possibilité de partager des données avec pas moins de 448 entreprises.

Êtes-vous dépressif ? Sur Doctissimo, vos réponses à ce test seront vendues au plus offrant

21st century schizoid man

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L'ONG Privacy international, qui avait publié en septembre dernier une enquête mettant au jour les pratiques douteuses de certains sites web médicaux, dont le français Doctissimo, en matière de vente de données personnelles issues des pages consacrées à la dépression, a constaté que le site détenu par TF1 ne s'était pas amendé.

Ils nous préparent des "nervous breakdown"... Le 31 janvier, l'ONG Privacy international, qui avait publié en septembre dernier une enquête mettant au jour les pratiques douteuses de certains sites web médicaux, dont le français Doctissimo, en matière de vente de données personnelles issues des pages consacrées à la dépression, a publié une nouvelle enquête, constatant que le site fondé par Laurent Alexandre n'avait pas amendé ses pratiques.

L'enquête initiale, qui avait passé au crible 136 pages médicales françaises, allemandes et britanniques, notamment consacrées à la santé mentale, montrait que ces sites partageaient les données de leurs utilisateurs à des fins de ciblage publicitaire. Les pages françaises décrochaient la palme du nombre de cookies - des traqueurs permettant de suivre la navigation page à page - , avec une moyenne de 44 par site, contre huit pour les pages allemandes et treize chez les britanniques. Qui aspiraient ces données ? L'enquête de Privacy international montrait que 70 % des pages analysées par l’ONG comportaient un traceur appartenant à DoubleClick, la régie publicitaire de Google.

Test pour "diagnostiquer" la dépression

Depuis ce rapport, complété par une enquête du Financial Times, plusieurs sites ont corrigé le tir, notamment en limitant la quantité de données partagées à des tiers. Selon Privacy international, ce n'est pas le cas de Doctissimo. D'après l'ONG, le site détenu par le groupe TF1, visité près de 46 millions de fois d’après le classement de juin 2019 établi par l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias, propose encore aujourd'hui des tests auto-administrés censés permettre de dépister la dépression dont les réponses sont partagées avec des entreprises.

En septembre, l’ONG notait également que Doctissimo se reconnaissait, dans ses paramètres, la possibilité de partager des données avec pas moins de 448 entreprises. "Toutes ces sociétés ne sont pas destinataires des données", jurait la direction du site auprès du Monde. "Le paramétrage de la plate-forme de gestion des consentements correspond aux règles en application. La CNIL a récemment rappelé que ces règles étaient amenées à évoluer dans les prochains mois", s'était défendu Doctissimo auprès de nos confrères.

"Votre santé mentale n'est pas à vendre"

Le business de ces données serait florissant : "Nos recherches montrent également que le nombre de tiers à qui ces données sont distribuées reste sensiblement le même, le plupart exerçant une activité de marketing", explique l'ONG. L'article de Privacy international pointe notamment la page consacrée au traitement de la dépression du site français Eurekasante, qui distribue les données de ses utilisateurs à 71 tiers, contre 36 lors de la première enquête.

De quoi décourager l'ONG : "Cela devrait aller de soi, mais les sites web qui collectent des données sur des sujets si sensibles ne devraient pas pister leurs utilisateurs à des fins commerciales. Votre santé mentale n'est pas à vendre", soupirent les auteurs de cette nouvelle enquête.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne