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Antidépresseurs : les alternatives qui marchent

Céline Dufranc
Publié le 03/10/2011 à 14:27 Modifié le 08/03/2024 à 15:20
Antidépresseurs : les alternatives qui marchent

Sport, luminothérapie, thermalisme, millepertuis, psychothérapie… Il existe de nombreuses solutions non chimiques qui ont fait leurs preuves pour soulager l’angoisse et le mal-être.

La méditation

La méditation donne de très bons résultats chez les personnes souffrant d’anxiété, d’agoraphobie, de stress chronique, de dépression. « La réduction du stress basée sur la pleine conscience est une technique de soin qui permet de mobiliser le système parasympathique, source du calme, au détriment du système sympathique, source du stress », ex­plique Frédéric Rosenfeld, psychiatre et auteur de Méditer, c’est se soigner (Les Arènes). Une variante de cette méthode, la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience, permet d’éviter les rechutes chez les patients ayant connu un épisode dépressif. Il s’agit d’une alliance d’exercices de yoga et de méditations zen et vipassana. Les patients sont réunis en groupe d’une vingtaine de personnes, deux heures par semaine pendant huit semaines.

Les preuves scientifiques

Richard Davidson, professeur de psychologie à l’université du Wisconsin, aux États-Unis, a observé que l’activité de certaines zones du cerveau gauche (dédiées aux émotions positives) augmente considérablement chez des sujets entraînés à la méditation, dès deux mois de pratique quotidienne (« Long-term meditators self-induce high-amplitude gamma synchrony during mental practise » de R. Davidson, in Proceedings of the National Academy of Science). Une fois installés, les effets de la méditation perdurent longtemps et diminuent le pourcentage de récidives dépressives de plus de moitié (« Three-year follow-up and clinical implications of a mindfulness meditation-based stress reduction intervention in the treatment of anxiety disorders » de J.J. Miller, K. Fletcher, J. Kabat-Zinn, in General Hospital Psychiatry)

Pour aller plus loin

Envie de tester la méditation ? Retrouvez les conseils de Fabrice Midal dans nos vidéos Méditer en 10 leçons

L’activité physique

Bouger son corps est bon pour l’esprit. L’effort physique prolongé (de vingt à trente minutes) permet d’enrayer, au moins provisoirement, le flot incessant des ruminations, angoisses et soucis. Cet effet est dû à la modification de la vas­cularisation pendant l’effort, qui favorise des pics d’hormones psychologiquement stimulantes : endorphines et dopamine (neurotransmetteur essentiel du mouvement et du plaisir). « L’activité physique devrait être proposée dans toute prise en charge de la dépression », recommande l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans un rapport de mars 2008 (« Activité physique, contextes et effets sur la santé » sur inserm.fr)

Les preuves scientifiques

Depuis quelques années, les preuves se multiplient. Une étude réalisée sur 156 per­sonnes atteintes de dépression montre que celles qui ont pratiqué trente minutes de jogging par semaine, en plus ou à la place de la prise d’antidépresseurs, sont moins nombreuses à rechuter que celles qui ont simplement pris des médicaments (« Exercice treatment for major depression : maintenance of therapeutic benefit at 10 months » de M. Baybayak et al., in Psychosomatic Medicine).

La luminothérapie

La lumière influence notre humeur. Alors qu’en été, la luminosité peut atteindre 100 000 lux, en hiver, elle devient insuffisante et peut descendre jusqu’à 500 lux. Résultat, le cerveau s’emballe et se met à sécréter trop de mélatonine (neurotransmetteur qui régule nos rythmes biologiques). Pour recaler notre horloge, il suffit de s’exposer à une source lumineuse intense adaptée : la lumière pénètre dans l’œil via la rétine et va frapper l’épiphyse, qui freine la production de mélatonine.

Souveraine contre la dépression saisonnière, qui touche entre 10 et 20 % de la population, la luminothérapie est également indiquée pour soulager d’autres symptômes associés au dérèglement de l’horloge biologique interne, notamment les troubles du sommeil ou le syndrome prémenstruel. Elle est aussi utilisée pour traiter d’autres types de dépression : celle qui survient après un ac­cou­chement ou celle qui touche les personnes âgées.

Les preuves scientifiques

Plusieurs études, dont la plus complète publiée en 2005 (« The efficacy of light therapy in the treatment of mood disorders » de R. Golden, B. Gaynes, D. Ekstrom et al., in American Journal of Psychiatry), concluent à l’efficacité de la luminothérapie et de la simulation artificielle de l’aube pour réduire la gravité des symptômes chez des sujets souffrant de dépression non saisonnière (« Light treatment for nonseasonal depression » de D. Kripke, in Journal of Affective Disorders).

Pour aller plus loin

Plus d’infos sur la luminothérapie dans notre article : Luminothérapie, un bain de soleil antiblues

La cure thermale

Au programme : bains, douches, massages, associés à des séances de relaxation, d’ergothérapie et de psychothérapie. Grâce à ses propriétés antispasmodique et antalgique, sédative et vasodilatatrice, « la cure thermale à orientation psychosomatique agit sur les troubles anxieux, les troubles du sommeil, les dépressions légères à modérées dites réac­tion­nelles », indique Olivier Dubois, psychiatre et médecin thermal. De plus, en améliorant l’immunité et les rythmes du sommeil, et en normalisant certains facteurs (tension artérielle, rythme cardiaque, etc.) impliqués dans les mécanismes du stress, le thermalisme permet de réduire la consommation d’anxiolytiques, de somnifères ou d’alcool.

Les preuves scientifiques

Selon l’étude Stop-Tag (étude menée pendant 8 semaines sur 237 patients sur l’impact du thermalisme à orientation psychosomatique sur les troubles anxieux généralisés), la moyenne d’amélioration de l’état des patients après une cure thermale était de 50 %, contre seulement 35,6 % avec un traitement pharmacologique.

L’acupuncture

« En cas d’anxiété, de stress et de troubles dépressifs, l’acupuncture stimule le système parasympathique au détriment du sympathique, générateur de stress. Elle favorise ainsi la cohérence du rythme cardiaque et nous conduit vers le bien-être émotionnel », explique le psychiatre David Servan-Schreiber dans son livre Guérir.

Les preuves scientifiques

L’efficacité de l’acupuncture dans le traitement de la dépression serait équivalente ou supérieure à celle du Prozac. C’est en tout cas ce qu’affirme un article (« Acupuncture for treatment of depressive neurosis : a multi-center randomized controlled study » de Wen-bin Fu et al.) de la très sérieuse revue chinoise Chinese Acupuncture & Moxibustion en 2008.

Pour aller plus loin

Retrouvez plus d’infos dans notre rubrique consacrée à l’acupuncture

Le millepertuis

Connu depuis l’Antiquité pour soigner les blessures de l’âme, le millepertuis (Hypericum perforatum) est utilisé depuis vingt ans en Allemagne, où il est davantage prescrit que les antidépresseurs pour venir à bout des dépressions légères et tran­si­toires, et des problèmes d’humeur. Comme le Prozac – les effets secondaires et l’accoutumance en moins –, le millepertuis a la faculté d’augmenter notre taux de sérotonine, un messager chimique qui permet au cerveau de réguler le sommeil, l’appétit et l’humeur, et dont le déficit peut provoquer la dépression. Attention toutefois, cette plante a de puissants effets et de nombreuses contre-indications existent. Notamment avec la pilule contraceptive, mais également avec certains médicaments immunosuppresseurs, anticoagulants ou encore antirétroviraux. Par ailleurs, l’arrêt brutal du traitement peut provoquer un syndrome de sevrage. Enfin, il faut savoir qu’une infusion ne suffit pas à obtenir l’effet désiré. Mieux vaut demander conseil à son pharmacien ou à son médecin, et éviter de commander du millepertuis sur Internet.

Les preuves scientifiques

Le millepertuis a fait l’objet de nombreuses études. L’une des plus significatives est celle publiée en 2005 dans le British Medical Journal (« Acute treatment of moderate to severe depression with hypericum extract WS 5570 (St John’s wort) : randomized controlled double blind non-inferiority trial versus paroxetine » d’A. Szegedi, R. Kohnen, A. Dienel et M. Kieser, in British Medical Journal, avril 2005) qui a montré qu’après six semaines de traitement, l’effet de l’extrait de millepertuis WS 5570 (dosé à 5 % d’hyperforine pour trois cents milligrammes d’extrait sec de millepertuis) était au moins aussi efficace que celui de l’antidépresseur à base de paroxétine (Deroxat) auquel il était comparé.

Les oméga-3

Le champ d’application des oméga-3 n’en finit pas de s’étendre : dépression, troubles bipolaires, baby blues, syndrome dépressif chez l’enfant… Dans la famille­ des oméga-3, l’acide eicosapentaénoïque (EPA) agit sur la fluidité des membranes des cel­lules du cerveau, et favorise la bonne diffusion des hormones du bien-être (sérotonine, endorphine). Pour obtenir un effet antidépresseur, il faut en consommer entre un et deux grammes par jour. En revanche, les oméga-3 sont contre-indiqués en cas de trai­tement anticoagulant ou de prise d’aspirine, dont ils peuvent accroître les effets.

Les preuves scientifiques

« De nombreuses études épidémiologiques mettent­ en évidence une corrélation inverse entre la consommation de poissons gras riches en oméga-3 et l’incidence de la dépression », rappelle le docteur Olivier Coudron, micronutritionniste. Ce que démontre une synthèse de dix études cliniques (In Journal of Clinical Psychiatry). Une étude de l’Inserm vient par ailleurs de démontrer que les personnes âgées ayant un taux élevé d’acides gras oméga-3 dans le sang pré­sentent moins de symptômes dépressifs (American Journal of Clinical Nutrition).

Pour aller plus loin

Sur les oméga-3 notamment, retrouvez aussi notre article Guérir autrement, avec la collaboration de David Servan-Schreiber

La psychothérapie, la parole qui guérit

Parler et être écouté guérit le mal-être, ainsi que les dépressions avérées. Dans son essai De chair et d’âme (Odile Jacob, « Poches), le psychiatre Boris Cyrulnik cite une expérience récente. Trente personnes dépressives depuis peu se voient prescrire une IRM (imagerie par résonance magnétique nucléaire : technique permettant d’obtenir une vue en 2D ou 3D du cerveau). Aucune altération cérébrale. Un an plus tard, IRM de contrôle : celles qui n’ont entrepris aucune démarche et souffrent encore présentent une altération des cellules de l’hippocampe, zone du cerveau concernant la mémoire ; aucun dégât, en revanche, chez celles qui ont consulté un psychothérapeute. Selon Boris Cyrulnik, la psychothérapie a fait diminuer leurs sécrétions de cortisol, l’hormone du stress, responsable des dommages cérébraux chez les autres. Comment les mots peuvent-ils nous atteindre à ce point ? L’IRM – encore elle – a montré que leur impact sur le cerveau est comparable à celui d’une sensation physique. Pour lui, pas de différence entre un mot doux et une caresse, entre une insulte et une gifle. Aussi la possibilité de verbaliser une souffrance psychique accélérerait le processus de guérison. Mais le fait de se raconter n’est pas à lui seul cause du mieux-être : la présence du psy, la relation unique qui se tisse avec lui dans un cadres rassurant jouent un rôle essentiel.