Marcel Proust payait des journaux pour obtenir de bonnes critiques

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On n'est jamais mieux servi que par soi-même. Jeudi 28 septembre, The Guardian révélaient l'existence de lettres inédites de Marcel Proust qui montrent que l'auteur avait payé des journaux pour qu'ils réalisent des critiques positives de l'un de ses livres. Ces écrits ont refait surface avec la vente prochaine, à Paris, d'une copie très rare d'un exemplaire de Du côté de chez Swann. Signées de la main de Marcel Proust, ces lettres sont adressées à son éditeur, Louis Brun. Il demande à celui-ci de donner de l'argent à des journaux français afin d'obtenir de bonnes critiques. Il a payé, par exemple, 300 francs - soit environ 1000 euros selon le magazine anglais - pour une critique flatteuse sur Du côté de chez Swann sur la une du Figaro ainsi que 660 francs de l'époque pour une critique d'un ami en une du Journal des Débats. Dans ces mêmes lettres envoyées comme critiques à son éditeur, Marcel Proust écrit que Du côté de chez Swann est un « petit chef d'œuvre. (...) Une bouffée d'air frais parmi les autres vapeurs soporifiques » et n'hésite pas à comparer son œuvre à du Charles Dickens. Extrait de sa critique : « Ce que Monsieur Proust voit et ressent est complètement original. (Son écriture) est trop lumineuse pour les yeux... Ce livre suggère presque la quatrième dimension des Cubistes. »

Ingénieux, l'écrivain écrivait les critiques lui-même mais les tapaient à la machine avant de les faire publier « pour qu'il n'y ait aucune trace de mon écriture », détaille-t-il. Il promet à son éditeur dans ces lettres que « bien sûr, il le remboursera en totalité ». En effet, il explique que l'argent doit être donné directement par l'éditeur aux médias, pour ne pas être découvert. Si cela nous paraît fou aujourd'hui que Marcel Proust ait dû user de tels stratagèmes pour faire de la publicité à ses romans, à l'époque, c'était vital pour son travail. Avant 1913, les maisons d'édition avaient refusé de le publier. C'est en insistant auprès de Louis Brun de la maison Grasset que Du côté de chez Swann a pu être publié en 1913 mais à frais d'auteur. Il souhaitait donc, en se faisant une bonne publicité, se rembourser grâce aux ventes.

Comme l'exprime Benoît Puttemans, spécialiste des manuscrits chez Sotheby's, rédiger des critiques soi-même était courant à l'époque et « Proust les a menées d'une main de maître ». Marcel Proust, un attaché de presse de pointe.

Source : The Guardian