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Italie : les médecins qui aideront leurs patients à mourir ne seront plus sanctionnés
Les médecins ouverts à l’aide médicale à mourir, se disent satisfaits et surtout, soulagés.

Italie : les médecins qui aideront leurs patients à mourir ne seront plus sanctionnés

Bioéthique

Par , correspondante en Italie

Publié le

C’est une décision historique qui divise la communauté médicale : en Italie, les praticiens qui administreront l’aide médicale à mourir à un patient, ne seront plus sanctionnés par la commission disciplinaire de l’Ordre des médecins.

A l'heure où en France, la Haute Autorité de santé a demandé ce 10 février au pouvoir public de permettre la dispensation en ville du midazolam, puissant sédatif utilisé pour mettre en œuvre les sédations profondes et continues jusqu’au décès, l'Italie a franchi un pas de plus vers la fin de vie. Le Conseil de la Fédération nationale des Ordres des médecins (Fnomceo), a décidé à l’unanimité de modifier son code de déontologie médicale pour s’aligner sur une décision de justice rendue en septembre dernier par la Cour constitutionnelle.

Dans leur verdict, les juges saisis du cas d’un responsable du parti radical italien (pro-euthanasie) qui avait accompagné en Suisse un italien resté tétraplégique et aveugle après un accident de la route, avaient estimé que le suicide assisté pouvait être licite en Italie. A condition toutefois que le patient soit consentant, atteint d’une pathologie irréversible provoquant des souffrances insoutenables et qu’un comité d’éthique médical local ait vérifié ses conditions et les modalités d’exécution de l’aide médicale à mourir. Pour la Fnomceomodifier le code de déontologie médicale était une décision incontournable après un tel verdict. "Nous avons décidé d’aligner les procédures disciplinaires sur les sanctions pénales afin de laisser à nos confrères la possibilité d’agir selon leur conscience et en fonction de la loi mais tout en réaffirmant les principes inscrits dans l’article 17 de notre code de déontologie selon lesquels un médecin ne peut pas administrer une aide pouvant provoquer la mort même si le patient le demande", explique le Dr. Filippo Anelli, président de la Fnomceo.

Pour les commissions disciplinaires des différentes sections régionales de l’Ordre des médecins qui devront évaluer chaque cas, interpréter ce nouveau principe risque d’être compliqué, la ligne de démarcation étant pour le moins extrêmement subtile. "Il faudra vérifier que toutes les conditions évoquées par la Cour constitutionnelle sont réunies car dans ce cas, le praticien ne pourra pas être sanctionné, ce système nous permettra de protéger la liberté de conscience des médecins, le principe d’autodétermination du patient et l’autonomie des Ordres régionaux", affirme le Dr. Anelli.

Code de déontologie

Après avoir protesté contre la décision de la Cour en septembre dernier, la puissante Association des médecins catholiques italiens (AMCI) a déjà réagi. Dans un communiqué officiel, l’AMCI a affirmé que le code de déontologie ne peut pas être changé, même si le parlement modifie la loi actuellement en vigueur. L’association a aussi évoqué la possibilité pour ses adhérents d’exercer leur droit à l’objection de conscience, comme dans le cas de l’IVG. L’indignation monte également du coté de l’Eglise et notamment de la Conférence épiscopale des évêques italiens (Cei) qui s’est déjà exprimée catégoriquement sur la question de l’euthanasie toujours en septembre dernier en déclarant que mieux vaut "réduire la douleur plutôt qu’éliminer la personne souffrante". En revanche, les médecins ouverts à l’aide médicale à mourir, se disent satisfaits et surtout, soulagés. "La décision de l’Ordre qui aurait du être prise depuis longtemps, entérine tout simplement une situation de faitcar de nombreux médecins ont aidé des patients en fin de vie à mourir" estime le Prof. S sous couvert d’anonymat.

Car même si l’Ordre des médecins a modifié son code de comportement éthique et que la Cour constitutionnelle a ouvert une brèche en demandant aux parlementaires de légiférer, ce médecin chirurgien spécialisé en virologie risque encore - en théorie - une peine de cinq à douze ans de prison pour avoir aidé l’une de ses patientes il y a quelques années. "Lorsqu’elle m’a demandé d’intervenir j’ai réfléchi pendant deux jours, je n’avais pas peur des conséquences, les sanctions, la prison, c’était plutôt d’un point de vu moral, éthique, cela a été très dur, avant, pendant et surtout après, aujourd’hui, je suis encore convaincu qu’abréger les souffrances est un devoir moral pour un médecin", confie le Professeur S. Comme lui, d’autres l’ont fait mais refusent d’en parler même entre eux. "C’est un sujet tabou, une décision tellement difficile à prendre qu’on n’arrive pas à en parler, personnellement, je ne le ferais pas pour des raisons d’ordre spirituel mais que certains médecins puissent et surtout, aient le courage de le faire, est assurément un bien", estime le Docteur Macri.

Au parlement où cinq projets de lois ont été déposés, la discussion a été brutalement interrompue en juillet dernier et la date de reprise des débats n’a pas encore été fixée.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne