« Soit je pars, soit mon enfant va mourir ici dans mes bras », récits de Vénézuéliens réfugiés en Colombie

Chaque jour des dizaines de Vénézuéliens fuient le marasme économique et politique de leur pays et arrivent dans le département d'Arauca. Colombie. 2019.
Chaque jour des dizaines de Vénézuéliens fuient le marasme économique et politique de leur pays et arrivent dans le département d'Arauca. Colombie. 2019. © Yves Magat/MSF

La crise économique et politique qui touche le Venezuela a poussé plus d'1,5 million de personnes à fuir le pays. Près de 45 000 d'entre eux ont trouvé refuge dans le nord-est de la Colombie, dans le département d'Arauca, où ils tentent de survivre tant bien que mal.

Maria est arrivée en Colombie il y a une quinzaine de jours. « Ma famille ne sait pas ce que je fais pour gagner de l'argent. Ils n'en reviendraient pas », dit-elle en ouvrant un sac plein de détritus. Ces canettes et ces bouteilles de soda vides, ces bouts de carton et de plastique, Maria les collecte dans la rue puis les vend pour le recyclage. « Avant, on pensait que ce genre de travail était pour les mendiants. C'est désagréable, mais c'est ce qui nous donne notre pain quotidien », poursuit-elle.

L'époque où Maria n'avait pas à se préoccuper des rentrées d'argent semble loin. Elle habitait avec son mari à 3 heures de Caracas mais ils ont été obligés de quitter le pays car, selon elle, sa plus jeune fille âgée de 2 ans était « sur le point de mourir de malnutrition ». Ils sont aujourd'hui à la rue et dorment sous la corniche d'une maison, mais la petite fille va mieux.

Maria et sa fille attendent pour une consultation dans la clinique MSF de Tame. L'enfant âgée de deux ans est touchée par une allergie cutanée après 15 jours de vie à la rue. Colombie. 2019. 
 © MSF/Yves Magat
Maria et sa fille attendent pour une consultation dans la clinique MSF de Tame. L'enfant âgée de deux ans est touchée par une allergie cutanée après 15 jours de vie à la rue. Colombie. 2019.  © MSF/Yves Magat

Elle a reçu un traitement nutritionnel thérapeutique dans la clinique MSF de Tame, qui est le seul endroit dans lequel on peut bénéficier d'un traitement médical dans cette ville. En effet, en dehors des urgences vitales et des accouchements, le système de santé colombien n’assiste que les personnes enregistrées auprès de Sisben, le système d’évaluation et d’identification de l’aide sociale et exclut ainsi les quelque 44 000 migrants basés dans cette région frontalière. « Il s'agit d'une urgence en raison du grand nombre de personnes qui traversent la frontière à la recherche de nourriture, de soins de santé, d'un endroit pour dormir et d'une école pour leurs enfants », explique Sebastián García, coordinateur du projet MSF à Arauca.

Garith a 33 ans. Elle a quitté le Venezuela avec son mari il y a 6 mois pour les mêmes raisons que Maria. « Mon fils de sept ans a eu une pneumonie et au Venezuela nous n'avons pas pu trouver les médicaments dont il avait besoin. Cela a empiré jusqu'à ce que je dise : "Soit je pars, soit mon enfant va mourir ici dans mes bras"», se souvient-elle. Depuis, son enfant va mieux mais la situation de la famille est loin d'être réglée.

Garith et ses quatre enfants habitent à Tame. Colombie. 2019.
 © MSF/Esteban Montaño
Garith et ses quatre enfants habitent à Tame. Colombie. 2019. © MSF/Esteban Montaño

Comme Maria, les exilés vénézuéliens sont obligés de ramasser des déchets pour survivre ou, quand l'occasion se présente, de faire les préposés au stationnement, une activité informelle qui consiste à surveiller les voitures ou les motos dans un parking. Ce qu'ils gagnent suffit à peine à payer leur loyer. Ils habitent dans une maison de trois chambres pourvue d'une seule salle de bain, qu'ils partagent avec 9 autres personnes. « Ma plus grande urgence est de trouver un emploi afin que je puisse acheter de la nourriture pour mes enfants et pour qu'ils puissent s'inscrire dans une école. Jusqu'à présent, cela n'a pas été possible », explique Garith. 

L'insécurité alimentaire et la précarité du logement sont deux des facteurs qui affectent le plus la santé des migrants vénézuéliens. Selon Sergio Palacio, responsable des activités médicales à Arauca à MSF, 80 % des maladies observées lors des consultations avec les enfants et les adultes sont directement liées au fait de ne pas avoir accès aux services de base, à la consommation d'eau potable inadéquate et au manque de nourriture.

« En Colombie, l'accès aux produits de base est meilleur qu'au Venezuela, la nourriture est à un prix raisonnable, il y a un accès possible aux médicaments et au service d'urgence. Mais cela n'est pas suffisant pour permettre aux migrants d'avoir une vie décente. Il est nécessaire d'augmenter les moyens pour leur venir en aide », précise Sebastián García.

Malgré toutes les difficultés et les risques auxquels ils sont confrontés, de nombreux migrants estiment que cette situation est préférable à leur retour au Venezuela. « Ce que j'aimerais le plus, c'est rentrer chez moi au Venezuela. Mais comment faire ? Là-bas, vous pouvez travailler nuit et jour et ça n'est pas suffisant pour s'acheter de quoi manger », conclut Maria.

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