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La libération annoncée de 148 djihadistes d’ici trois ans inquiète magistrats et policiers

Les parlementaires s'interrogent sur la sortie de prison d'individus condamnés pour des faits de terrorisme. Sans compter les détenus de droits commun susceptibles d'être radicalisés. Le député Éric Ciotti a rédigé une proposition de loi visant à faciliter les mesures de rétention administrative à l'issue de leur peine. 

Pascal Ceaux , Mis à jour le
Mohamed Achamlane, chef du groupe islamiste Forsane Alizza, est sorti de prison le 31 décembre dernier.
Mohamed Achamlane, chef du groupe islamiste Forsane Alizza, est sorti de prison le 31 décembre dernier. © JEAN-SEBASTIEN EVRARD/afp

"J'ai une vraie inquiétude. On va remettre en liberté des individus très dangereux." Devant les parlementaires de la commission des lois, le procureur national antiterroriste (PNAT), Jean-François Ricard, n'a pas usé de périphrase. Le danger qu'il pointe se résume en quelques chiffres communiqués en fin de semaine par le ministère de l'Intérieur : en 2020, 45 condamnés pour des faits de terrorisme vont sortir de prison au terme de leur peine, dont cinq femmes. L'an prochain, ils seront 57, et 46 en 2022.

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Plusieurs signaux troublants

Et les années suivantes risquent d'être marquées par la sortie d'individus au parcours beaucoup plus lourd. Le magistrat n'est pas le seul à manifester sa crainte. La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), chef de file de la lutte antiterroriste, évoque aussi "un gros sujet de préoccupation". Pour les services spécialisés, celui-ci a désormais pris le pas sur la question des revenants des ex-territoires de l'État islamique en Syrie et en Irak.

L'ensemble des responsables a en outre rappelé aux députés que la ­menace restait "très forte". Plusieurs signes troublants ont été relevés dans la période récente : des réseaux de faux papiers et de domiciliation justifiant une situation de pré-alerte. Des détenus libérés, et toujours adeptes du djihad, pourraient y trouver un cadre pour fomenter de nouveaux attentats.

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Le PNAT et les services de renseignement redoutent que le niveau de radicalisation des futurs ex-détenus n'ait pas été suffisamment mesuré, alors que le phénomène de l'islamisme en prison ne cesse de croître. À ce jour, 531 détenus sont considérés comme des terroristes islamistes (TIS). Il faut y ajouter 900 condamnés pour des faits de droits communs que l'administration pénitentiaire qualifie de "susceptibles de radicalisation".

Selon plusieurs sources, la qualité des évaluations varie fortement d'une prison à l'autre, rendant ainsi parfois incertain le suivi des détenus. Bilal Taghi, condamné en novembre dernier à vingt-huit ans de réclusion criminelle pour une tentative d'assassinat de deux surveillants d'Osny (Val-d'Oise), en est l'exemple. Déjà condamné, l'homme s'était à plusieurs reprises distingué par son art de la dissimulation et du mensonge, assurant faussement avoir tourné le dos à l'islamisme et bernant ses évaluateurs.

Revoir le dispositif

La DGSI rappelle qu'elle travaille en étroite collaboration avec le renseignement pénitentiaire sur les profils des détenus libérés. En 2019, 126 sortants de prison ont été pris en compte. Mais ces opérations de surveillance sont limitées dans le temps. Pour le député (LR) Éric Ciotti, membre de la commission des lois, il est donc nécessaire de revoir le dispositif même si, depuis octobre 2017, le ministère de l'Intérieur peut prononcer des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS). Le cas de Flavien Moreau n'a fait que renforcer sa conviction.

Lire aussi - Rapatriement des djihadistes en France : pourquoi cette option embarrasse le gouvernement

Condamné à sept ans de prison en novembre 2014 après un séjour en Syrie, le djihadiste français a été libéré le 13 janvier. Il avait pourtant, deux ans plus tôt, agressé des surveillants du centre de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) où il était incarcéré, ce qui lui avait valu une nouvelle condamnation à six mois d'emprisonnement.

Éric Ciotti a rédigé une proposition de loi qui sera débattue le 6 mai à l'Assemblée nationale. Le texte prévoit de rendre obligatoire le placement en rétention de sûreté des terroristes islamistes si leur dangerosité reste très élevée à l'issue d'un réexamen de leur situation à la fin de l'exécution de leur peine. "Le principe de précaution doit absolument s'appliquer, affirme le parlementaire. Il permettra d'élever notre degré de protection et libérera des dizaines de policiers de la DGSI mobilisés aujourd'hui à la surveillance des sortants de prison."

Pour parer à ce qu'il considère comme une urgence, le parquet antiterroriste a pris l'habitude de faire appel de la plupart des réductions de peine. Dans près de 90% des cas, il obtient gain de cause.

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