RACISME - Ce dimanche 16 février, le programme d’Harry Roselmack “Sept à huit”, diffusé comme chaque semaine sur TF1, a fait beaucoup de bruit. La raison? Des téléspectateurs accusent la production d’avoir fait passer une adolescente interrogée dans le programme pour une femme noire.
La jeune fille de 16 ans, une certaine Nina, était venue témoigner du viol dont elle a été victime et de son passé de prostituée, à l’occasion d’un livre coécrit avec son père sur le sujet et intitulé Papa, viens me chercher. Elle a demandé à rester anonyme.
Mais voilà, le maquillage et la perruque afro qu’elle portait ont alerté les internautes. Sur les réseaux sociaux, ils sont immédiatement montés au créneau pour dénoncer ce supposé nouveau cas de blackface, une pratique ancienne et raciste héritée du théâtre américain où des comédiens blancs se “grimaient” pour se moquer des Noirs.
″Être noir n’est pas un déguisement”, fustigent-ils à l’unisson.
Certains utilisateurs pensent qu’il aurait suffi de flouter son visage, l’interviewer de dos ou tout simplement de ne montrer qu’une partie de son corps pour protéger son identité.
Des éventualités écartées par Elephant Prod, la société qui a produit le numéro. Celle-ci n’a, pour le moment, pas répondu à nos sollicitations. C’est un responsable de la communication chez TF1 qui nous explique que le grimage a bien eu lieu, les portraits de “Sept à huit” étant toujours filmés à visage découvert, assure-t-il.
“La priorité était de préserver l’anonymat du témoin, précise ce dernier au HuffPost. Ce grimage ne débouche en aucun cas sur un dénigrement. Tout ça a été fait dans l’intérêt de la personne.”
Réagissant à la polémique dans une tribune publiée sur Closer, Harry Roselmack, le présentateur, a estimé que ce déguisement n’était pas constitutif d’un “blackface” : “Nous ne sommes pas en l’espèce dans le déguisement. Nous ne sommes pas dans une démarche d’agrément, de divertissement, de moquerie, de stigmatisation. C’est un maquillage destiné à préserver au mieux l’anonymat d’une personne mineure qui témoigne d’un vécu qui pourrait lui porter préjudice si elle y est associée dans son quotidien. Nous ne sommes donc pas dans une démarche constitutive d’un blackface”, écrit-il, assurant que des tests ont été effectués et que Nina et ses parents ont donné leur accord.
Harry Roselmack ajoute: “Le fait que la communauté noire puisse relever et répondre publiquement à ce qu’elle considère comme un manque de considération public est une bonne chose. Mais sachons faire les bons choix pour mener les bons combats”.
Rien ne justifie cette pratique
Était-ce la bonne solution pour anonymiser un témoin? “Le principe même de transformer en objet une personne, de lui retirer son humanité [...] est une expérience douloureuse pour tous ceux qui sont la cible de ce type de traitement”, rappelait Dwandalyn Reece du Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaine au HuffPost après le blackface de Justin Trudeau.
On ne connait pas la couleur de peau de cette témoin, mais peu importe. Drake, qui est métis, a déjà été accusé de blackface. RuPaul, aussi. Interrogée au sujet du rappeur canadien, l’écrivaine Isabelle Boni-Claverie expliquait au HuffPost que ni la condition physique ni les intentions, qu’elles soient politiques, sarcastiques ou naïves, ne justifiaient cette pratique.
“Même avec du second degré, cela perpétue des stéréotypes, assure l’autrice du livre Trop Noire pour être Française?. C’est tout aussi tendancieux et dangereux.”
De telles images grimées en noir font régulièrement polémiques outre-Atlantique, comme celles avec Justin Trudeau. Cela arrive aussi en France. C’était le cas avec des employés du Slip français au mois de janvier dernier, ou plus antérieurement, en 2017, quand Antoine Griezman s’était affiché en joueur de basket noir.
À voir également sur Le HuffPost: La présentatrice Megyn Kelly fait polémique après ses propos sur le “blackface”