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Stress post-traumatique : la mémoire, un bouclier de protection mentale

Claire Sejournet
Publié le 17/02/2020 à 11:56 Modifié le 17/02/2020 à 18:35
Stress post-traumatique : la mémoire, un bouclier de protection mentale

Les attentats du 13 novembre 2015 sont devenus un objet d’étude pour les chercheurs travaillant sur le cerveau et la mémoire. Les derniers travaux publiés révèlent que les personnes victimes de stress post-traumatique connaissent un dysfonctionnement des mécanismes de contrôle de la mémoire. Une découverte qui ouvre de nouvelles pistes de thérapie.

Bien connu dans le monde militaire, où il a été initialement repéré parmi les soldats de retour du front, le syndrome de stress post-traumatique existe aussi dans la population civile. Il se déclenche chez certaines personnes confrontées à un événement choquant, dangereux ou effrayant : accident grave, viol, catastrophe naturelle, décès soudain d’un proche…

Selon des études menées aux États-Unis et au Canada, ce trouble touche 6 à 9% de la population générale. Les chercheurs s’interrogent depuis longtemps sur ses origines : deux personnes confrontées à la même situation traumatisante peuvent réagir de manière très différente, l’une développant des troubles, et l’autre non.

Comprendre le trouble de stress post-traumatique

Les attentats du 13 novembre 2015 ont profondément choqué les Français, mais tous ne présentent pas de symptômes de stress post-traumatique. Monté peu après les événements, le projet Remember, porté par l’Inserm dans le cadre de recherche transdisciplinaire du programme 13-Novembre, s’intéresse spécifiquement à la manière dont se construit la mémoire humaine.

Les chercheurs ont suivi 200 personnes, dont 120 avaient été directement exposées aux attentats (victimes, proches de victimes, secouristes, habitants des quartiers visés), dans une étude d’imagerie cérébrale (IRM) basée sur la méthode « Think/No-Think ». Cette méthode novatrice vise à obliger le cerveau à faire ou non une association entre des mots et des images issus d’une liste apprise par cœur.

Les chercheurs ont découvert que les personnes non soumises à un stress post-traumatique étaient capables de contrôler l’intrusion de l’image associée au mot dans la liste mémorisée, quand les personnes victimes de trouble de stress post-traumatique s’en sont révélées incapables. Plus surprenant, les personnes résilientes, c’est-à-dire qui ont vécu les attentats sans développer de syndrome post-traumatique, ont démontré une capacité à réfréner l’image intrusive supérieure à celle du groupe témoin, composé de 80 Caennais non directement touchés par les attentats.

De nouvelles pistes thérapeutiques

Publiés dans la revue Nature le 14 février 2020, ces résultats mettent en lumière des dysfonctionnements du cerveau dans la gestion de la mémoire, ce qui expliquerait l’apparition du trouble de stress post-traumatique chez certains individus. En effet, l’intrusion fréquente du souvenir des images, des odeurs et des sensations associées au traumatisme vécu compte parmi les symptômes les plus caractéristiques du trouble post-traumatique.

Chez les personnes touchées, le problème n’est pas l’absence d’un processus de suppression des souvenirs traumatisants mais la mauvaise réalisation de celui-ci par le cerveau. Elles seraient donc en permanence en train de supprimer les informations traumatisantes de leur mémoire, même sans intrusion d’images, odeurs, sons ou autres stimulis liés à l’événement.

Aujourd’hui, la plupart des thérapies proposées aux patients qui consultent pour trouble de stress post-traumatique consistent à revisiter l’événement traumatisant pour recontextualiser les souvenirs, faire prendre conscience qu’ils appartiennent au passé, et réduire le sentiment de peur qu’ils suscitent.

Les travaux de l’équipe dirigée par Pierre Gagnepain, chercheur à l’Inserm, laissent entrevoir une piste complémentaire aux thérapies actuelles, qui consiste à muscler la capacité du cerveau à bloquer certaines images à travers des exercices de type « Think/no-think ». « C’est un progrès qui aura, nous l’espérons, des répercussions importantes pour toutes les personnes victimes de trauma dans le monde», conclut le chercheur.

Pour aller plus loin

Stress post-traumatique : Nouvelles pistes pour comprendre la résilience au trauma (INSERM)

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>> Attentats : étudier le traumatisme pour mieux comprendre la mémoire individuelle et collective

Porté par un historien, Denis Peschanski, et un neuropsychologue, Francis Eustache, le projet Mémoire13Novembre vise à recueillir et analyser pendant 10 ans, les témoignages de 1000 personnes sur leurs souvenirs du 13 novembre 2015 afin de mieux comprendre comment s’articulent les liens entre mémoire individuelle et collective à travers un événement traumatique. Explications.