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Après ce nouveau week-end très, très doux de février, y a-t-il encore un climatosceptique dans la salle?

Les observateurs du réchauffement pointent le doigt sur les preuves tangibles de ce qu’ils avancent: leurs prévisions sont en train de devenir réalité, disent-ils

A Bordeaux, ce 3 février 2020: il faisait encore 22 degrés au coucher du soleil. — © Stéphane Lartigue/MAXPPP/Keystone
A Bordeaux, ce 3 février 2020: il faisait encore 22 degrés au coucher du soleil. — © Stéphane Lartigue/MAXPPP/Keystone

En montagne comme en plaine, le moins que l’on puisse dire est que le temps qu’il a fait ce week-end en Suisse a été printanier. Avec les crocus et les perce-neige en fleurs, certains arbres fruitiers aux bourgeons pas loin d’éclater… A plusieurs endroits du pays, relève l’ATS, on n’avait pas connu de telles températures depuis près de soixante ans à la mi-février. Meteonews a ainsi mesuré jusqu’à 21,2°C à Delémont. En altitude, le mercure est monté jusqu’à 18,4 à Château-d’Œx (958 m), dans les Préalpes vaudoises, et encore 18 à Adelboden (1350 m), dans l’Oberland bernois.

Et pendant ce temps-là, une nouvelle tempête, Dennis, a balayé dimanche le Royaume-Uni et la France, provoquant la mort d’un homme tombé dans la rivière Tawe dans le sud du Pays de Galles, placé en alerte rouge. En France, des milliers de foyers étaient sans électricité. Un record a été établi en Angleterre avec le plus grand nombre d’alertes et d’avertissements en cours contre les inondations jamais enregistré. Voilà de quoi convaincre (?) quelques climatosceptiques qu’ils sont peut-être en tain de nier ce qui leur crève les yeux.

Lire aussi: Les derniers articles du «Temps» sur le dérèglement climatique

Or, c’est justement le dossier principal du dernier numéro de la Revue Salamandre, consacré au «froid, espèce en voie de disparition». Qui nous dit, clairement, que «le dérèglement climatique, ce n’est pas seulement du plus chaud. C’est aussi une accentuation de tous les phénomènes extrêmes. En Europe, nous devrions avoir des précipitations de plus en plus violentes et irrégulières… qui en hiver continueront de tomber parfois sous forme de grandes quantités de neige.»

Le site Touteleurope confirme: «Sécheresses, incendies, inondations… les nouvelles projections de l’Agence européenne de l’environnement (AEE) décrivent des scénarios particulièrement pessimistes pour l’Europe d’ici 2100.» Quelle en sera l’ampleur? Il y a une semaine, Le Monde a révélé une série de 13 cartes destinées «à représenter les conséquences du réchauffement climatique sur notre continent. […] Les chercheurs de l’institution se sont projetés sur la fin du XXIe siècle pour imaginer ce que seront nos vies d’Européens, et celles de nos enfants et petits-enfants à cette échéance.»

© Agence européenne de l'environnement/Touteleurope.eu
© Agence européenne de l'environnement/Touteleurope.eu

«Chaque phénomène étudié est illustré par deux cartes. La première basée sur une augmentation de la température de 2°C en 2100 par rapport aux niveaux préindustriels (ce qui voudrait dire que l’Accord de Paris aurait été respecté). Et la seconde basée sur un réchauffement de 4°C. Objectif: démontrer que, dans les deux cas, l’impact du réchauffement sera sérieux, mais qu’il sera catastrophique à +4°C», selon [Le Figaro](https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/02/10/incendies-secheresse-inondations-les-projections-inquietantes-d-experts-europeens60289993244.html).

«En quelques décennies, poursuit la Revue Salamandre (RS), la Terre s’est déjà réchauffée de 1°C, ça n’a l’air de rien… mais en réalité c’est colossal et nous en voyons déjà de spectaculaires effets tout autour de nous. La communauté scientifique l’a réaffirmé dans un des derniers rapports du GIEC: au-delà d’un réchauffement total de +2°C ou peut-être même de +1,5 °C, nous risquons des réactions en chaîne qui rendront incontrôlable l’élévation des températures.»

Quelle conclusion en tirer, aujourd’hui, alors que le 16 février 2005, il y a tout juste quinze ans, entrait en vigueur le Protocole de Kyoto, accord qui visait à réduire les émissions de gaz à effet de serre? Alors qu’il avait été ratifié par 141 pays en 1997, seules 38 nations ont finalement accepté de l’appliquer en 2005. [Le Monde](https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/02/10/incendies-secheresse-inondations-les-projections-inquietantes-d-experts-europeens60289993244.html) pense que «les catastrophes qui se multiplient ces dernières années – Venise sous les eaux en novembre 2019, les inondations dans l’Aude fin 2018, ou encore les incendies en Suède en 2018, pour n’en citer que quelques-unes – vont devenir partie intégrante de nos quotidiens.» Bref…

Ce qui est aujourd’hui un événement exceptionnel va devenir la norme dans de nombreux endroits

On a donc beau jeu de dire que les scientifiques du GIEC sont des écolos naïfs. De facto, relève encore la RS, après chacun de leurs rapports depuis 1988, début de leurs travaux, «on a pu constater que la réalité était pire que le pire des scénarios prévus». Que dire alors de ceux-ci, que relaie Le Figaro? Une bonne partie de l’Europe devrait être «exposée aux feux de forêt liés aux conditions météorologiques, en hausse d’au moins 10% dans le scénario le plus optimiste». Et leur progression atteindre «plus de 40% dans le sud de l’Europe, notamment sur une grande partie de la France et dans le nord de l’Espagne et de l’Italie, en cas de réchauffement moyen de la planète de +4°C».

Dix degrés et trois pulls

On pourrait multiplier ce type d’exemples dans cette «étrange société» à laquelle a réfléchi Julien Perrot, le rédacteur en chef de la RS, dans sa «Minute Nature» N°177, en vidéo, à l’occasion d’un bivouac en montagne. Cette «étrange société», oui, qui «surchauffe l’atmosphère en même temps qu’elle ne supporte plus le froid. Qui vit ultra-connectée à ses écrans sans plus de lien avec la météo […] Quand il fait 10°C dehors, c’est la panique, on met trois pulls. Et on se réfugie dans des appartements surchauffés […] Nous craignons plus que jamais le froid alors que c’est plutôt d’un excès de chaleur que vient aujourd’hui le danger. Les statistiques sont formelles. A force de canicules répétées, les humains mourront bientôt beaucoup plus en été qu’en hiver.»

Car les sécheresses vont s’accroître, relèvent Les Echos et Le Monde. Vingt pour cent de la péninsule Ibérique «serait transformée en désert d’ici à la fin du siècle si le réchauffement climatique dépassait les quatre degrés. Parallèlement, cela n’empêchera pas une multiplication des épisodes de fortes pluies dans la plupart des régions d’Europe, surtout en automne et en hiver», selon Le Figaro, ni un risque élevé de submersion des côtes, donc d’inondations.

Un effondrement

Les Européens ont «du souci à se faire», résume le quotidien économique français, ce sur quoi Julien Perrot a aussi insisté au 19h30 de la RTS dimanche soir: «Le climat est en train de s’effondrer.» Donc, «à moins de réagir dès maintenant et avec ambition, canicules, submersions marines, feux de forêt et autres sécheresses vont s’abattre à un train d’enfer sur le Vieux-Continent. […] Cela implique qu’il est urgent pour les pays de s’adapter et prévoir les conséquences à venir au cours des prochaines décennies», martèle la RTBF, bien placée pour savoir quels risques court la Belgique sur ses côtes de «plat pays».

Retour donc au bivouac, ce sera plus sûr. Perrot attend d’y voir la neige. «Malheureusement, cette vieille amie arrive de plus en plus tard et ses visites sont de plus en plus courtes. […] Cet hiver que j’adore, il fond comme neige au soleil. Moi qui n’aime pas le chaud, je me sens […] comme une espèce de fossile vivant.» Dans un monde voué à cuire «dans une soupe tiède»?

Le site Futura-Sciences relativise tout de même. Certes, les nouveaux modèles climatiques prévoient «une sensibilité du climat au CO2 bien plus importante que prévu». Certes, «les scientifiques s’interrogent sur cet emballement, alors que les modèles sont de plus en plus fiables». Mais il n’y a pas lieu de crier à la catastrophe, car «de gros efforts sont menés en matière de lutte contre le réchauffement climatique, même s’ils restent insuffisants». Reste que le débat, sur ce point précis, est «plus chaud, plus chaud, plus chaud que le climat», on l’entend bientôt tous les jours dans la rue.

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