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Le français, une langue vivante

ÉDITORIAL. Parler d’écriture inclusive ou de démasculinisation de la langue polarise et fâche même, parfois. Il n’empêche que c’est un débat important et nécessaire

Poser la question de l’écriture inclusive ou de la démasculinisation de la langue, c’est prendre le risque de fâcher tout le monde. — © DR
Poser la question de l’écriture inclusive ou de la démasculinisation de la langue, c’est prendre le risque de fâcher tout le monde. — © DR

Poser la question de l’écriture inclusive ou de la démasculinisation de la langue, c’est prendre le risque de fâcher tout le monde.

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D’un côté, celles et ceux qui sont en faveur d’une révolution des genres dans la langue et qui souhaitent accompagner, voire devancer, par l’écriture l’évolution de la société; et, dans le camp d’en face, ceux et celles qui défendent farouchement le français «littéraire», cette langue jalousement gardée au fil des siècles par l’Académie française et devenue, à leurs yeux, intouchable. Lectrices et lecteurs, vous avez, vous aussi, réagi au quart de tour, prenant l’un ou l’autre parti, lorsque nous vous avons interrogés sur ce thème.

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Force est de constater en outre qu’il n’y a pas, à l’heure qu’il est, une seule et unique forme d’écriture inclusive. Si le point médian fait bondir les adeptes d’un français, disons, patrimonial, si certaines nouvelles formes grammaticales terrifient les puristes, des méthodes plus douces, comme le doublet ou la féminisation des noms, permettent de mieux prendre en compte le féminin sans brusquer l’héritage francophone.

Reste qu’il est important aujourd’hui de réfléchir aux questions que pose l’écriture inclusive et d’y revenir régulièrement.

D’abord parce que le langage est le reflet de la société. Un monde où l’ambassadrice n’est que la femme de l’ambassadeur n’est pas le même que celui où une chancelière ou une présidente sont élues. Réserver les meilleures parts de la langue au masculin – ce qu’ont fait sciemment au cours des derniers siècles les membres de l’Académie française –, c’est amoindrir la place des femmes. Les travaux des neurolinguistes le montrent: on conçoit mal ce qu’on ne peut nommer.

Ces questions sont importantes, ensuite, parce que la langue n’est pas une matière figée de toute éternité, parce qu’elle est une étoffe chatoyante dont les reflets ne cessent de varier: l’orthographe se réforme, de nouveaux mots se forment, de vieux termes, comme «autrice» – très emblématique du débat actuel –, retrouvent un avenir.

Si les débats sont souvent très polarisés autour des questions d’écriture et de genre, ils ont un mérite extraordinaire: ils nous obligent à réfléchir à la valeur des mots, au pouvoir de la langue, à la place de chacune et de chacun dans le discours et, donc, dans la société.