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Cerveau et psy

Des chercheurs néo-zélandais cherchent dans la matière grise des signes du comportement anti-social

Des chercheurs néo-zélandais publient dans Lancet Psychiatry des observations faites sur moins de 700 patients et tendant à mettre en relation les caractéristiques du cortex - la "matière grise" du cerveau - avec le comportement antisocial.

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Violence, mensonge, vol : le comportement antisocial se voit dans le cerveau
IGOR STEVANOVIC / SCIENCE PHOTO / IST / Science Photo Library / AFP

Comment expliquer le comportement antisocial ? Des chercheurs néo-zélandais avancent qu'il peut être caractérisé... par la configuration du cerveau. Leurs observations - faites sur moins de 700 personnes - pointent chez les individus concernés une matière grise plus mince et à la surface plus réduite. Ces travaux, publiés dans le Lancet Psychiatry, ne constituent en aucun cas un outil prédictif censé dénicher des tendances "antisociales" chez quiconque. Notamment parce qu'il s'agit de constatations faites sur une moyenne de personnes, et qui ne peuvent pas être plaquée sur un seul individu. Impossible non plus d'établir une causalité entre la dérive du comportement et celui de la physiologie du cerveau.

NEUROBIOLOGIE ET ETHIQUE. "Dans l'état actuel de nos connaissances en neurosciences, il est toujours intéressant de corréler certains comportements avec des structures cérébrales, pour des raisons de recherche et de connaissance", commente auprès de Sciences et Avenir Catherine Vidal, neurobiologiste et membre du Comité d’éthique de l’Inserm. "Mais en dehors des situations pathologiques comme les AVC ou les tumeurs, on ne peut en déduire que des corrélations et pas des relations de cause à effet, à cause de la plasticité cérébrale", ajoute-t-elle. La plasticité cérébrale, c'est-à-dire la capacité de notre cerveau à se remodeler en fonction de notre environnement et de l'usage que l'on en fait. Or, une étude comme celle publiée par l'équipe néo-zélandaise s'appuie sur des IRM, autrement dit des images ponctuelles de l'état du cerveau. La structure de notre cerveau étant mouvante, "les différences observées par IRM entre deux sujets ne peuvent pas permettre de déduire ni l'origine de ces différences, ni le comportement futur de ces personnes", rappelle Catherine Vidal.

Un quart de "crises d'adolescence", un dixième d'antisociaux persistant

Le comportement antisocial est caractérisé par un manque de considération envers autrui, voire une nuisance active. Le harcèlement, l'intimidation, l'incapacité à tenir ses responsabilités professionnelles ou scolaires, le vol ou encore le mensonge en sont des marqueurs importants. Selon des travaux précédents, 25% de la population montre ce type de comportement uniquement pendant l'adolescence, et 10% pendant sa vie entière.

D'après la théorie du comportement antisocial, ces deux profils sont bien distincts. Des travaux importants suggèrent que les individus qui le conservent tout au long de la vie affichaient déjà un comportement antisocial dans l'enfance. D'après d'autres études, ces derniers souffrent de déficiences psychologiques, des fonctions exécutives (processus cognitif de haut niveau permettant de s'adapter aux situations nouvelles) et de la mémoire. Ces observations laissent penser que ces individus "sont susceptibles d'être liées à des différences neurobiologiques sous-jacentes", expliquent les auteurs.

Différences cérébrales et comportement antisocial

C'est ce que les auteurs ont voulu vérifier dans ces nouveaux travaux, les premiers à comparer les différences structurelles cérébrales par imagerie (IRM) chez les individus ayant un comportement antisocial persistant tout au long de la vie par rapport à ceux qui ne le déclarent qu'à l'adolescence et ceux qui ne le montrent jamais. 672 néo-zélandais nés entre 1971 et 1972 ont ainsi été examinés à l'âge de 45 ans. Sur la base des rapports des parents, des soignants et des enseignants, ainsi que des auto-déclarations de problèmes de conduite entre les âges de 7 et 26 ans, leur comportement a été classé en trois catégories : 66% n'avaient aucun comportement antisocial, 23% ne l'avaient eu qu'adolescents, et 12% avaient persisté.

Une matière grise plus mince et à la surface moindre

Le cortex cérébral, aussi appelé matière grise, est la couche externe, pleine de circonvolutions, de notre cerveau. Chez les "persistants", il était d'une surface plus faible dans 282 des 360 régions cérébrales examinées et plus mince dans 11 d'entre elles que chez les autres, aussi bien le groupe "adolescents" que témoin. Ces différences étaient particulièrement marquées dans les zones liées à un comportement antisocial par leur implication dans la régulation du comportement, des émotions et de la motivation. "La plupart des personnes qui présentent un comportement antisocial ne le présentent qu'à l'adolescence, probablement en raison d'un vécu socialement difficile, et ces personnes ne présentent pas de différences structurelles cérébrales", explique dans un communiqué la Dr Christina Carlisi, autrice principale de ces travaux.

"Chez la petite proportion d'individus ayant un comportement antisocial persistant tout au long de la vie, il peut y avoir des différences dans leur structure cérébrale qui compliquent le développement des compétences nécessaires à la prévention d'un comportement antisocial. Ces personnes pourraient bénéficier d'un soutien accru tout au long de leur vie", interprète-t-elle. 

Qui de la poule ou de l'œuf ?

Les individus antisociaux "persistants" sont donc "moins nombreux, avec un pronostic moins bon et un besoin de traitement plus urgent" que ceux du groupe "adolescents" "qui sont plus nombreux avec un pronostic relativement bon", précisent les auteurs. Les caractéristiques cérébrales des "persistants" montrent une héritabilité, c'est-à-dire qu'elles peuvent se transmettre par une combinaison de la génétique avec l'environnement. Ainsi, ce sont souvent des personnes ayant eu une enfance difficile… Elle-même associée à une surface corticale plus petite et à un cortex plus mince.

Attention cependant à ne pas être tenté de transformer ces observations en machine à diagnostiquer les futurs délinquants "persistants". "On ne sait pas si ces différences cérébrales sont héritées et précèdent un comportement antisocial, ou si elles sont le résultat d'une vie de facteurs de risque confondants (toxicomanie, problèmes de santé mentale...) et sont donc la conséquence d'un mode de vie antisocial "persistant", tempère dans un communiqué le Pr Essi Viding, qui a participé à ces travaux. De plus, si ces observations sont vraies sur une moyenne, elles ne peuvent suffire à l'échelle de l'individu.

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