Russie : l'« usine de trolls » tourne à plein régime

VIDÉO. Selon Emmanuel Macron, Moscou continue à déstabiliser les démocraties occidentales. L'un des rouages de ces attaques est « l'usine de trolls » à Saint-Pétersbourg.

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Temps de lecture : 3 min

Le bâtiment gris de trois étages se dresse toujours rue Savouckina à Saint-Pétersbourg. Il accueille jour et nuit des centaines de jeunes vissés à leur écran. Leur mission : inonder les réseaux sociaux de fausses informations. C'est ici que l'oligarque Evgueni Prigozhin, 58 ans, proche de Vladimir Poutine, héberge son agence baptisée IRA (Internet Research Agency) et son armée de trolls.

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Lorsqu'Emmanuel Macron affirme, samedi dernier lors de la conférence sur la sécurité de Munich, que « la Russie va continuer à essayer de déstabiliser » les démocraties occidentales, il pointe ainsi l'un de ces instruments mis en place par le Kremlin. Une inquiétude récurrente chez le président français, même si le sujet qui agite la France depuis quelques jours, l'affaire Griveaux, n'a sans doute rien à voir avec cette fabrique de trolls.

Celle-ci s'est fixé pour objectifs des cibles d'une plus grande ampleur. Car l'agence de Prigozhin détient un titre de gloire : celui d'avoir interféré dans le déroulement de l'élection présidentielle américaine en 2016 et d'avoir récidivé lors des élections à la Chambre des représentants deux ans plus tard. L'IRA aurait posté plusieurs dizaines de milliers de messages via de faux comptes afin d'influencer le vote des Américains en faveur de Trump. Plus de 120 millions d'électeurs auraient ainsi été ciblés.

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En février 2018 le procureur spécial Robert Mueller, chargé d'enquêter sur l'ingérence de la Russie, a mis en cause l'homme d'affaires de Saint-Pétersbourg et 13 de ses acolytes. En septembre dernier, le département du Trésor a même renforcé les sanctions à l'égard de l'intéressé en visant ses biens personnels (trois avions privés et un yacht) et ses sociétés off-shore basées aux Seychelles.

Des mesures largement symboliques, car l'homme au crâne chauve, jadis emprisonné pour vols et surnommé le « chef cuisinier de Poutine » pour avoir été le premier à ouvrir un restaurant au Kremlin, agit en toute impunité. Il a même accru sa puissance au sommet de l'État en créant la société Wagner destinée à dépêcher des bataillons de mercenaires auprès des régimes africains.

135 commentaires par jour de 200 signes chacun

Au sein de son « usine de trolls » règne un mot d'ordre : la productivité. Les témoignages d'anciennes recrues évoquent des journées de douze heures entrecoupées d'une heure de pause. Une fois devant son clavier, l'employé clique sur une icône lui indiquant le thème de la journée. Autrement dit, le sujet sur lequel doivent se répandre les fausses nouvelles. Il a ensuite pour consigne de poster au moins 135 commentaires par jour de 200 signes chacun. Et pas moyen de tricher. Tant que la longueur n'est pas atteinte, le texte demeure en rouge. Des surveillants se tiennent derrière les écrans et veillent au respect de la norme.

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Des discussions factices sont également organisées entre trois ou quatre intervenants. Les uns reflétant l'opinion occidentale, les autres incarnant le patriotisme russe. Un échange dont le dernier mot doit, bien sûr, revenir aux tenants de la ligne russe. Une atmosphère besogneuse maintenue grâce à des salaires plutôt élevés (plus de 1 000 euros) pour des postes sans réelle qualification, et s'accompagnant d'un bonus équivalent à 30 % de la rémunération en cas de messages abondamment relayés. Ou d'amendes si le commentaire pro-russe ne ressort pas victorieux d'un débat.

Tout ne s'opère cependant pas à distance. L'enquête de Robert Mueller a révélé que des fidèles de Prigozhin sillonnent les États-Unis. Deux ans avant l'élection présidentielle, l'une d'elles, Anna Bogacheva, a visité neuf États en trois semaines. Et récupéré un grand nombre d'équipements électroniques. En octobre celle-ci a été arrêtée à l'aéroport de Minsk à la demande d'Interpol. Et rapidement relâchée après une mise garde amicale adressée par Moscou à son allié biélorusse.

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Commentaires (69)

  • jojojiji

    ... Les commentaires, comme celui de "petit malin". A se demander si c'est l'un de ces fameux trolls ou juste l'explication de pourquoi cela marche aussi bien.
    Evidemment, même à 200 commentaires jours, ce n'est pas ça qui créé des événements. Mais cela accentue les effets. Ce qui a fait gagner Trump, c'est avant tout la médiocrité et l'autosuffisance de son opposante et le fait qu'elle représente un type de politicien dont les gens ne veulent plus. Mais la Russie a bel et bien participé à la division des américains dans cette campagne, via cette guerilla de faux comptes et de fake news notamment. Cela ne change rien à la réalité de cette usine à trolls. Ni au fait que cela à un impact sur les démocraties.
    Et pourtant dans ce commentaire, on retrouve l'habituel comparaison avec les USA. En gros, le puéril "oui mais eux c'est pas mieux". Peut-être, mais rien ne vous empêche de vous indigner de deux choses à la fois. L'un n'annule pas l'autre. Et pourtant, on frôle le complotisme quand il nous parle de "politiques qui veulent nous faire avaler cette théorie". Pourquoi parler de théorie ? C'est un fait établi, une réalité. Dont vous pouvez amoindrir la portée si vous voulez, mais pas nier l'existence.
    En tout cas, la et les réactions sont assez intéressantes.

  • Petit malin

    D'abord ce serait bien qu'un journaliste diplômé de l'université écrive en français et ne répète tout au long de cet articles "usine à trolls" par ci, "usine à trolls" par là...
    Usine de désinformation, agents, fausses nouvelles, déstabilisation, désinformation pourraient être employés plus judicieusement sur le sujet.

    Dans quel monde vivons nous si le résultat d'élections nationales dans les grands pays démocratiques occidentaux, concernant des dizaine de millions d'électeurs de tous bords, pouvaient être "réellement" modifié par ces entreprises ?!
    Prend-t-on l'électeur occidental du XXI° siècle pour un benêt illettré et inculte ?

    En niant toute implication, mine de rien, M Nexon parle tout de même de Griveaux dont tous les malheurs viennent d'un russe... Mais BJ s'est passé la corde au cou tout seul.
    Et même si la belle Alexandra, était un agent russe, il n'en reste pas moins que les faits sont avérés et même reconnus. On ne peut donc le qualifier de mensonge (fakenews) et les "trolls" ne seraient que des lanceurs d'alerte nous mettant en garde contre un politicien peu fiable et fragile.

    Enfin, je souris de voir ces politiques s'offusquer des "russes", quand les états-uniens écoutaient sans vergogne les communications de nos dirigeants !
    Il est évident (au moins pour moi) que dans cette espèce de guerre froide permanente, chacun essaye de circonvenir et déstabiliser l'autre en fonction de ses intérêts. Et tous le moyens sont bons. Et tous le font...
    Une démarche qui se répand, et qui a aussi trouvé son point d'orgue en France avec l'affaire Fillon. Je doute qu'il soit le fait d'une "usine à trolls" russes, mais il y a un bien un "groupe" français qui a été à l'origine de cette entreprise bien documentée et menée.

    En fait, les politiques aimeraient bien nous faire avaler cette théorie de "l'usine à fausse nouvelles", qui arriverait à justifier leurs défaites (comme l'a fait H. CLinton... ), et les déboires scandaleux de leurs paires.

  • pere_plex

    "qui ne prend jamais en compte nos formidables capacités à évoluer pour le mieux. "
    Certes !
    On pourrait aussi sans difficulté multiplier les exemples historiques de formidables capacités à évoluer vers le pire.
    Et à moins de croire que l'humanité s'améliore, ce qui relèverait d'un acte de foi et donc d'un catéchisme comme un autre mais en bien naïf, qui peut prétendre que l'humanité évolue ou va évoluer vers le mieux ?
    Pour ma part, j'ai déjà entendu l'air de la "der des ders".
    Bien cordialement