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Décès de Jean Daniel, écrivain et fondateur du Nouvel Observateur

L'ancien journaliste de Combat et de L'Express, proche d'Albert Camus, était un compagnon de la gauche et un fervent défenseur de la presse.

Le fondateur, directeur et éditorialiste du Nouvel Observateur s’est éteint hier soir, a annoncé L'Obs. Il avait 99 ans. «L’Obs a l’immense tristesse d’apprendre la mort de son fondateur et éditorialiste Jean Daniel, peut-on lire sur le site de l'Obs. Il est décédé mercredi soir à l’âge de 99 ans après une longue vie de passion, d’engagement et de création. Le plus prestigieux journaliste français s’est éteint. Il fut à la fois un témoin, un acteur et une conscience de ce monde».

Avec Jean Daniel, c’est une des figures historiques de la gauche et du journalisme français qui vient de disparaître. Né le 21 juillet 1920 à Blida, près d’Alger, Jean Daniel, patron du Nouvel Observateur (devenu L’Obs), qu’il avait fondé en 1964, a indéniablement marqué son époque par ses engagements politiques, notamment à travers un soutien à l’union de la gauche et à François Mitterrand. Dernier-né d’une famille juive de onze enfants, le jeune Jean Daniel, qui sera éduqué dans un milieu modeste, accède à la conscience politique à partir des années 1930, époque où il est sensible aux idées du Front populaire. Il s’intéresse au marxisme, découvre la littérature et se passionne pour l’œuvre d’André Gide, qui publie, en 1936, Retour de l’URSS, ouvrage d’une lucidité précoce sur le stalinisme qui évite à Jean Daniel de succomber à la fascination communiste. Après des débuts en philosophie à la faculté d’Alger, il est sensible à l’appel du général de Gaulle et s’engage à partir de 1942 dans un groupe de résistants qui participe à la libération d’Alger par les Américains. Il rejoint la division du général Leclerc, où il est affecté dans le bataillon du génie, et participe à la campagne de France jusqu’en 1945.

D'Albert Camus à Michel Foucault

Après la Libération, la politique et le journalisme ne vont plus quitter Jean Daniel. Il entre à 26 ans, en 1946, au cabinet du socialiste Félix Gouin, proche de Léon Blum, dont il rédige des mois durant les discours, publie des articles dans le journal Combat et fonde, en 1947, la revue Caliban, sous le parrainage d’Albert Camus, qui va devenir son mentor et sa référence. Une revue qui paraîtra jusqu’en 1952, où signeront Jules Roy, Emmanuel Roblès, Étiemble et Louis Guilloux. Résolument à gauche, Jean Daniel se situe selon ses propres dires « quelque part entre la SFIO et le PCF ».

Après avoir publié un roman, L’Erreur, il est engagé par Jean-Jacques Servan-Schreiber à L’Express en 1954 et soutient la politique de décolonisation de Pierre Mendès France. Partisan de l’indépendance algérienne, il sera inculpé à deux reprises pour atteinte à la sûreté de l’État et menacé de mort par les partisans de l’Algérie française. Journaliste de stature internationale, il rencontre des personnalités aussi importantes que Kennedy ou Fidel Castro. Divergeant d’avec JJSS, il rompt avec L’Express en 1964 et accepte la proposition de Claude Perdriel d’assumer la direction de la rédaction d’un nouveau journal, Le Nouvel Observateur, qui prend la succession de France Observateur.

Proche de ce que l’on a appelé la deuxième gauche, très réceptif à des syndicats comme la CFDT ou des partis comme le PSU, le magazine de Jean Daniel a réuni des signatures de talent, tels Maurice Clavel ou Jacques Julliard. De grands noms de l’intelligentsia, depuis Michel Foucault à Roland Barthes, signeront dans ce titre qui, après Mai-68, allait être le journal de référence d’une gauche engagée sur les questions du féminisme et la revendication homosexuelle. De son côté, Jean Daniel continuera une œuvre d’essayiste politique (De Gaulle et l’Algérie. La tragédie le héros et le témoin ; Les Religions d’un président. Regards sur les aventures du mitterrandisme ; Voyage au bout de la nation, etc.), commentant à la fois l’actualité internationale, en particulier celle du Moyen-Orient, pour laquelle il a une prédilection particulière et les aléas de la politique française.

« On ne gouverne pas la France contre Le Nouvel Observateur »

Charles de Gaulle

Si l’envergure et le rôle de Jean Daniel sont incontestables, les voix critiques n’ont pas manqué à son encontre. « On ne gouverne pas la France contre Le Nouvel Observateur », ironisera un jour de Gaulle pour critiquer la tendance de ce magazine à s’ériger en détenteur de vertu. Raymond Aron critiquera très vertement Jean Daniel, notamment durant l’affaire Soljenitsyne, lui reprochant de demander des comptes à un géant pour son anticommunisme.

Membre du conseil supérieur de l’Agence France-Presse et du Comité consultatif national d’éthique, Jean Daniel a incarné un journalisme aspirant à assumer une forme d’autorité morale. Sans doute l’affaiblissement du pouvoir de l’écrit et la diffusion de l’information tous azimuts, notamment à travers Internet, rendent-elles cette ambition plus improbable que par le passé.

Décès de Jean Daniel, écrivain et fondateur du Nouvel Observateur

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117 commentaires
  • ARIK

    le

    Il ne faut pas oublier que ce monsieur a été inculpé à 2 reprises pour attente à la sureté de l’État, et qu'il s'est réjouit publiquement de la prise de Phnom-Penh par les Khmers rouges qui ont perpétré le génocide du peuple cambodgien avec la mort d'un habitant sur trois..

  • CarloSolis

    le

    "Les Nouveaux Chiens de garde" de Serge Halimi.
    .
    Particulièrement actif durant la campagne référendaire de 2005, tapant à tout va sur qui avait l'audace de ne pas se courber devant les injonctions des béni-oui-ouistes.

  • stanaxeres

    le

    Pendant cinquante ans M. Bensaid a empoisonné la France avec son gauchisme systématique. Bye bye.

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