[Avis d’expert] L'hydrogène cherche sa place dans la voiture électrique
Pour Jean Fauconnier, consultant chez Colombus Consulting, les jeux ne sont pas totalement faits en matière de mobilité individuelle électrique. L’hydrogène a des atouts à faire valoir.
Mis à jour
17 février 2020
L’hydrogène entre dans une phase décisive de son développement, qui décidera de sa place à la grande table des énergies de la mobilité ou de sa relégation à celle des éternelles "énergies d’avenir". Face à l’électrique sur batterie, l’hydrogène peut se frayer une place. Il faut pour cela que les acteurs mutualisent leurs investissements.
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sourceEn 2050, date à laquelle la France devra atteindre la neutralité carbone pour respecter les Accords de Paris, la page des voitures thermiques devra-t-être refermée, laissant une place vacante aux nouvelles énergies de la mobilité : l’électricité et l’hydrogène.
Une fenêtre chez les constructeurs
D’un côté, la voiture à batterie gagne du terrain et apparaît comme le prince héritier des moteurs conventionnels thermiques. De l’autre, hydrogène tente de trouver sa place dans ce marché encore naissant. Si certains constructeurs semblent avoir fait un choix clair quant aux technologies qui équiperont leurs gammes, ce choix n’est jamais arrêté pour autant. Thierry Lespiaucq, directeur général de Volkswagen France concède : "Nous avons accéléré sur l’électrique mais investissons également une part significative sur l’hydrogène". Dans ce tumulte organisé, les solutions se décantent peu à peu, l’horizon s’éclaircit.
Autonomie et temps recharge vs coûts
Comparé aux meilleures technologies de voitures électriques à batteries, l’hydrogène garantit une autonomie significativement supérieure, pour un temps de recharge proche de l’essence. Il sait même être vert, s’il est fabriqué par électrolyse issue de sources décarbonées – le fameux Power-to-gas –.
Si l’adage de la technologie – ce qui est nouveau est cher – s’applique bien à l’hydrogène, son coût de fabrication suit néanmoins une courbe décroissante (1,40$ le kilogramme à l’horizon 2030 contre 2,50$ à 6,80$ aujourd’hui selon une étude BNEF). Quant au prix des infrastructures, une seule station de recharge coûte autour d’un million d’euros, soit jusqu’à 20 fois le prix d’une station de recharge électrique. Or pour convaincre le grand public, il faudra impérativement en déployer un réseau dense et homogène.
Coût et temps de recharge comparés hydrogène et électricité : la recharge d’un véhicule à hydrogène est quasi instantanée, mais coûte sept fois plus cher qu'un plein électrique
(Source : Automobile-propre, Izivia, Rapport Enedis, Consolidation Colombus Consulting)
Mobilité individuelle : The winner takes it all
Dans cette transition fortement capitalistique, la première solution énergétique qui se verra dotée d’un réseau de recharge dense, tout en offrant un aboutissement technologique satisfaisant, captera le marché automobile particulier.
D’une part, l’offre créera la demande. Parmi les principaux freins identifiés à l’achat d’une voiture électrique, "l’offre inadaptée" se place en 3ème position[1] juste derrière les problèmes de charge et l’autonomie. Il est ainsi probable que, dès lors que l’offre sera aboutie, la demande suivra.
D’autre part, les investissements sont tels, aussi bien pour les constructeurs automobiles que pour les acteurs de la recharge, qu’une réorientation technologique a posteriori serait compliquée, intenable financièrement.
En l’espèce, la mobilité électrique remporte la bataille : 33 milliards d’euros d’investissement sur 5 ans pour le groupe Volkswagen, 11 milliards du côté de Ford Motor Company (FCM), et jusqu’à 350 millions d’euros annuels débloqués par Enedis pour le compte de la mobilité électrique d‘ici 2035.
Nécessaire mutualisation des coûts
Le poids financier de l’hydrogène n’est cependant pas une règle immuable. En effet, si l’usage d’une station est intensif et son investissement est supporté entre plusieurs acteurs, alors le coût relatif de l’installation diminue. Ce qui est précisément possible dans les hubs de transports, où le balai régulier des poids lourds, bus, cars ou taxis, circulant d’une station à une autre, rentabilise l’installation. Les gestionnaires de flottes opérant au sein de réseaux nodaux gagneront alors à démocratiser l’hydrogène, devenu rentable.
C’est la stratégie adoptée par Air Liquide, IDEX, la Société du Taxi Electrique Parisien (STEP) et Toyota, qui ont créés "Hysetco". La jeune Joint-Venture œuvre pour le développement de l’hydrogène dans le territoire francilien, qui compte désormais 4 stations de recharge hydrogène et dynamise le développement de la compagnie de taxis hydrogène « Hype » dont la flotte atteindra 600 véhicules fin 2020.
Jean Fauconnier, consultant chez Colombus Consulting
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[1] https://www.automobile-propre.com/en-intention-dachat-la-voiture-electrique-est-encore-loin-de-faire-lunanimite/
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