La jeune femme, destinataire des vidéos à caractère sexuel de Benjamin Griveaux qui ont ensuite été diffusées par Piotr Pavlenski, a aussi été mise en examen dans cette affaire.

Benjamin Griveaux, le 14 février 2020 à Paris.

afp.com/Lionel BONAVENTURE

Si les rôles respectifs de l'activiste russe Piotr Pavlenski et de sa compagne Alexandra de Taddeo dans la diffusion des vidéos intimes de Benjamin Griveaux commencent à s'éclaircir, le mystère demeure sur celui de Juan Branco. Est-il avant tout un ami du couple comme il le dit ? Un avocat prodiguant de simples conseils à son client russe ? Ou bien un éventuel complice dans la mise en ligne des images en question, des enregistrements à caractère sexuel dont la diffusion ou le partage en l'absence d'accord de la personne concernée tombe sous le coup de la loi ? L'enquête devra le dire.

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D'ores et déjà, le bâtonnier de Paris a demandé au remuant jeune homme de renoncer à défendre Piotr Pavlenski. Le communiqué du Barreau de Paris diffusé mercredi 19 février souligne ainsi que "l'absence de distance manifestée par M. Juan Branco entre sa mission d'avocat et l'action reprochée à son client, ainsi que son absence de prudence lors de déclarations dans les médias l'exposaient à un risque de manquement aux principes essentiels, notamment d'indépendance et de prudence".

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La vraie question, sous-jacente, était en tout cas celle d'une éventuelle implication de Juan Branco dans les faits reprochés à Piotr Pavlenski et à Alexandra de Taddeo. Si l'avocat devait lui-même être éventuellement mis en cause, son rôle de défenseur d'une personne mise en examen dans le même dossier poserait évidemment souci.

Juan Branco

L'avocat Juan Branco.

© / AFP/Joël Saget

Selon les informations de L'Express, des messages échangés par Alexandra de Taddeo sur WhatsApp samedi 15 février 2020, quelques heures avant d'être placée en garde à vue, renforcent le mystère sur le rôle joué par Juan Branco dans toute l'affaire. Des messages désormais entre les mains des enquêteurs et de la justice. Discutant avec un interlocuteur, un peu avant 19 heures, elle évoque d'abord le lieu où habite Piotr Pavlenski, qu'elle aurait rencontré après sa sortie de prison, fin 2018 - l'activiste terminait de purger une peine pour avoir incendié un bâtiment de la Banque de France à Paris.

La "bagarre" du 31 décembre

Alors que son interlocuteur lui demande s'il vit dans un squat du XIXe arrondissement de la capitale, Alexandra de Taddeo répond: "Oui, c'est le cas, mais il n'y est plus! Depuis la bagarre". Il s'agit d'une allusion à la soirée du 31 décembre où l'activiste a blessé au couteau deux convives au cours d'une fête donnée dans un grand appartement de Saint-Germain-des-Prés.

Mais le plus intéressant reste à venir. Alors que son ami Pavlenski a été placé en garde à vue, quelques heures plus tôt dans l'après-midi, dans le cadre de l'enquête sur des violences commises le 31 décembre, Taddeo s'inquiète.

Piotr Pavlenski lors d'une interview à l'AFP le 14 février 2020, dans le cabinet parisien de son avocat

Piotr Pavlenski lors d'une interview à l'AFP le 14 février 2020, dans le cabinet parisien de son avocat

© / afp.com/Lionel BONAVENTURE

"Il doit refuser l'extraction des données de son tel", indique-t-elle sur WhatsApp, sur l'un des quatre téléphones dont elle dispose.

"Il y a des conv [conversations] de Juan sur la stratégie de com dedans", enchaîne la jeune femme. "Concernant l'autre affaire". L'étudiante de 29 ans signifie par cette dernière précision qu'elle évoque bien le dossier des vidéos à l'origine du retrait de Benjamin Griveaux.

Mystérieuse "stratégie de com"

L'avocat et auteur à succès a jusqu'à présent affirmé avoir "conseillé" Piotr Pavlenski sur le statut juridique d'une éventuelle diffusion des fameuses vidéos. Mais "conseillé" jusqu'à quel point ? Si des discussions tenues entre lui et le réfugié politique russe sont susceptibles d'être embarrassantes, selon la jeune femme, au point de faire en sorte qu'il faudrait éviter qu'elles tombent entre les mains de la police, est-ce que cela signifie que Juan Branco serait sorti de son rôle d'avocat ? Quelle est cette "stratégie de com" dont auraient discuté Branco et Pavlenski ? S'agirait-il de discussions entre eux portant sur la conception du site créé pour diffuser les vidéos? De conversations relatives au financement de la création de ce site ? Du choix de la date retenue pour révéler les images au public ? Voire d'une concertation portant sur l'ensemble de l'affaire ?

Sollicité par L'Express, Juan Branco a assuré qu'il s'agissait pour lui d'expliquer à Pavlenski "ce qu'il avait fait, quelle stratégie de défense il fallait avoir dans l'espace public, comment mettre en scène la conflictualité avec le parquet sur la question des désignations, s'il fallait être agressif ou pas, et ainsi de suite".

Noémie Saidi-Cottier, avocate d'Alexandra de Taddeo, à Paris le 18 février 2019

Noémie Saidi-Cottier, avocate d'Alexandra de Taddeo, à Paris le 18 février 2020

© / afp.com/FRANCOIS GUILLOT

L'avocate d'Alexandra de Taddeo, Noémie Saidi-Cottier, n'a pas répondu à notre demande de commentaires sur ce point. La jeune femme et son compagnon sont mis en examen pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" et "diffusion sans l'accord de la personne d'un enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenues avec son consentement ou par elle-même". Alexandra de Taddeo a confirmé au cours de son audition être la destinataire des images, mais a nié toute implication dans leur diffusion, selon son avocate, qui s'était exprimée à la sortie de l'audition chez le juge. "Elle les a gardées, pas pour les diffuser sur un site internet, elle les a gardées pour les garder".

Originaire de Metz, la jeune femme vit depuis 2010 à Paris dans un appartement du XVIe arrondissement. Après une formation d'attachée de presse, elle suit un double cursus à l'Institut d'études politiques de Toulouse et à l'Université Paris-II-Panthéon-Assas. Quant aux mois à venir, ils risquent d'être plus agités que ceux qu'elle vient de passer en tant que stagiaire à l'Unesco...

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