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Interview

Stéphane Richard : « Orange va investir une centaine de millions d'euros dans les énergies renouvelables »

Le patron de l'opérateur télécoms tricolore a fait de l'environnement un des axes de son plan stratégique pour 2025. Orange, qui émet 1,5 million de tonnes de CO2 par an, compte atteindre le « Net Zéro Carbone » dix ans avant le reste de l'industrie. Son PDG explique aux « Echos » pourquoi et comment.

Stéphane Richard aimerait éteindre les réseaux 2G d'ici à 2025.
Stéphane Richard aimerait éteindre les réseaux 2G d'ici à 2025. (Bruno Delessard/Challenges-REA)

Par Sébastien Dumoulin, David Barroux

Publié le 1 févr. 2020 à 12:30Mis à jour le 1 févr. 2020 à 12:40

Pourquoi est-ce important que les télécoms réduisent leur empreinte environnementale ?

Les télécoms ne sont pas le principal problème. Le poids du numérique dans les émissions mondiales de CO2 est de 3,5 %. C'est loin derrière le transport, le bâtiment ou l'énergie. Et au sein du numérique, les réseaux et les data centers ne comptent chacun que pour 20 % du total. Mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire. D'autant plus que nous faisons face à une explosion des usages numériques, qui nécessite que les télécoms se préoccupent de leur empreinte environnementale.

Vous avez annoncé en décembre qu'Orange serait « Net Zéro Carbone » en 2040. Qu'est-ce que cela signifie ?

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Cela veut dire qu'à l'échelle du groupe, d'ici vingt ans, nous aurons réduit drastiquement notre empreinte CO2. Nos émissions résiduelles feront l'objet de programmes de séquestration carbone. Il ne s'agit en aucun cas d'acheter des droits à polluer. C'est un effort considérable. Orange sera dix ans en avance sur l'accord de Paris ou sur l'industrie des télécoms, qui visent 2050. Nous avons une première étape en 2025, avec 30 % de baisse de nos émissions. Entre 2016 et 2018, nous les avons baissées de 3 %, alors même que notre parc client augmentait. Il faut multiplier cet effort par six, dès maintenant.

Sur 1,5 million de tonnes de CO2 émises chaque année par Orange, la Pologne en représente un tiers. Y a-t-il un plan spécifique pour ce pays ?

Nous sommes tributaires du mix énergétique polonais, qui repose beaucoup sur le charbon. En France, nous avons la chance d'avoir une énergie largement décarbonée, grâce au nucléaire. Orange contribuera au développement d'énergies renouvelables ou décarbonées en Pologne comme dans d'autres pays.

Combien allez-vous investir dans le renouvelable ?

Pour atteindre notre objectif de 50 % d'énergie renouvelable à l'échelle du groupe en 2025, contre 18 % aujourd'hui, nous allons développer le solaire en Afrique - c'est le plus important - mais aussi en Espagne, et l'éolien en Pologne. Nous achèterons à des fournisseurs d'énergie propre, ou nous monterons des projets en partenariat, comme nous l'avons fait en Jordanie où nos fermes solaires produisent 75 % de l'électricité consommée par Orange et bientôt 100 %. D'ici à 2025, ces investissements représentent une centaine de millions d'euros. Ils sont déjà intégrés dans nos prévisions d'investissement dans les réseaux.

En 2018, la consommation énergétique d'Orange équivalait à 5,6 TWh, soit la production d'une centrale nucléaire à vous seuls. Et elle augmentait très légèrement. Quels sont vos leviers d'économies ?

L'évolution des technologies va beaucoup nous aider. 80 % de notre consommation provient des réseaux. Or, la fibre consomme trois fois moins d'électricité que l'ADSL . Et la 5G, qui suscite beaucoup de débats sur ce thème, sera un réseau mobile plus performant du point de vue énergétique, avec des économies de l'ordre de 30 % à usage constant.

Le problème n'est-il pas justement que les usages explosent ? Il y a une contradiction à agir pour le climat en poussant les consommateurs à streamer des vidéos en 4K dans le métro…

Il faut éduquer les consommateurs, les pousser à la sobriété numérique, comme nous l'avons fait avec une campagne intitulée « Bien vivre le digital ». La responsabilité des opérateurs existe. Nous ne pouvons pas avoir un double discours.

Faudrait-il construire un seul réseau 5G national pour diminuer la consommation ?

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Un seul, sans doute pas. Mais la question d'une mutualisation poussée se pose. Ce n'est pas un hasard si des accords de ce genre se multiplient entre opérateurs dans le monde. Orange en a signé en Espagne, en Pologne ou en Belgique. En France, certains de nos concurrents partagent déjà largement leurs réseaux ; nous y réfléchissons également.

Pourquoi ne pas éteindre les vieux réseaux 2G et 3G ?

La question doit se poser. On ne va pas empiler indéfiniment les réseaux. L'utilisation de la 2G baisse fortement et des technologies alternatives peuvent prendre en charge ses usages. D'ici à 2025, en Europe, on peut envisager une extinction de la 2G, au moins pour le grand public.

Les personnels d'Orange parcourent chaque année 250 millions de kilomètres en avion, sans parler de la voiture. Faut-il remplacer tous ces déplacements par la visioconférence et le télétravail ?

Je ne crois pas que ce soit souhaitable. En France, 21 % de nos salariés pratiquent régulièrement le télétravail. Le généraliser partout et tout le temps serait déshumanisant. Mais nous avons des efforts à faire. Les déplacements représentent 7 % de notre consommation énergétique. Nous avons déjà recours à la visioconférence pour tous les reportings trimestriels avec les pays. Dès cette année, nous allons baisser le nombre de trajets entre l'Europe et l'Afrique de 20 %. Nous allons aussi électrifier notre flotte de véhicules professionnels : 5 % du parc aujourd'hui, 45 % en 2025.

Un opérateur plus écolo, cela se traduira-t-il par une augmentation des prix pour le consommateur ?

Non. Les gains de productivité doivent pouvoir absorber cet effort sans répercussion sur les prix.

Vous voulez collecter et recycler 30 % des mobiles mis en service par Orange en Europe d'ici à 2025, 20 % en Afrique. Aujourd'hui, rien n'est récupéré dans une majorité de pays - y compris en Belgique ou en Pologne. La marche est haute…

On estime que 100 millions de téléphones dorment dans des tiroirs, rien qu'en France. Orange en a collecté 1,1 million l'an passé. C'est plus que tous nos concurrents réunis, mais nous avons de la marge. Nous allons multiplier les points de récupération, en priorisant les pays où rien n'existe aujourd'hui.

David Barroux

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