Soupçons de radicalisation dans la police : le premier policier suspendu et désarmé, réintégré

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Soupçons de radicalisation dans la police : le premier policier suspendu et désarmé, réintégré

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Le premier policier et seul officier musulman suspendu et désarmé fin octobre après des suspicions de radicalisation au lendemain de l'attaque à la préfecture de police de Paris est réintégré
Le premier policier et seul officier musulman suspendu et désarmé fin octobre après des suspicions de radicalisation au lendemain de l'attaque à la préfecture de police de Paris est réintégré
© AFP - Martin BUREAU

INFORMATION FRANCE INTER | Le premier officier de police suspendu et désarmé fin octobre, pour des suspicions de radicalisation au lendemain de l'attaque à la préfecture de police de Paris, est réintégré à compter de ce vendredi. Il va contester sa suspension devant le Conseil d'État.

Début octobre dernier, après plusieurs signalements au sein de la police judiciaire parisienne pour des soupçons de radicalisation d'un chef de groupe, le préfet de police de Paris Didier Lallement avait demandé la suspension et le désarmement du capitaine Hervé C. Cet officier, musulman converti, qui était en charge de la recherche de fugitifs avait à ce titre accès aux fichiers antiterroristes. Le 28 octobre, cette mesure conservatoire était entérinée par le ministre de l'Intérieur et signée par le directeur de cabinet de l'ancien directeur général de la police nationale Eric Morvan. 

La suspension administrative ne peut dépasser quatre mois sans éléments justifiant une prolongation. Ces éléments n'ayant pas été versés à son dossier, le capitaine va rejoindre, ce vendredi, les effectifs de la police judiciaire parisienne.

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Hervé C. n’est plus suspendu à partir de ce vendredi matin, et reprendra son travail lundi 2 mars. Avec une nouvelle affectation, dans un autre service que celui qu'il occupait à la brigade des fugitifs : "Il aura en charge la fraude fiscale", selon son avocat maître Annass Kahfif. "Ça arrange tout le monde," confiait, soulagée, en début de semaine, une syndicaliste qui soutient et défend Hervé C. depuis le mois d'octobre. "Je sais déjà qu'il n'y a aucun problème au sein de ce service pour l'accueillir," d’autant que le poste était vacant et il n'y avait pas de candidat à ce jour... 

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Hervé C. reprend donc son travail de policier sur une mesure de réintégration automatique. Personne ne lui a communiqué les résultats de l'enquête. Celle-ci avait pourtant conclu qu'on n’avait rien à lui reprocher, et qu'il n'avait rien à voir avec Mickael Harpon, contrairement à ce qu'avait laissé entendre la directrice adjointe des services juridiques du ministère de l'intérieur, Pascale Léglise, lors de sa plaidoirie fin décembre devant le tribunal administratif.

Pas informé des résultats de l'enquête pour des soupçons de radicalisation

A l'époque, le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner avait annoncé des enquêtes "flashs", pour lever (ou confirmer) le doute, sur la douzaine d'agents suspendus pour soupçons de radicalisation après l'attaque perpétrée au sein de la préfecture de police de Paris par Mickaël Harpon. 

Selon nos informations, le préfet de police de Paris était ainsi au courant dès le mois de novembre que cette enquête flash (appelé aussi un "criblage", effectué par la commission spéciale, composée de membres de tous les services de renseignement) avait écarté tout risque de radicalisation chez ce capitaine musulman converti. Mais le préfet Lallement n'a pas souhaité le réintégrer et le réarmer, dans l'attente d'une autre enquête administrative portant sur une possible atteinte à la laïcité. Celle-ci devrait être bouclée d'ici deux semaines (le préfet de police n'a pas donné suite à notre demande d'interview). 

Selon une source proche du dossier, les enquêteurs de l'IGPN ont un témoignage sur procès-verbal – un seul donc - d'une fonctionnaire qui dit avoir déjà vu le capitaine prier dans son bureau alors que sept autres collègues, hommes et femmes, ont témoigné ne l’avoir jamais vu prier au bureau ces dernières années (il a reconnu avoir prié discrètement en 2012). Ça ressemble surtout à une "cabale", affirme l'une de nos sources au ministère de l'Intérieur. L'attaque de la préfecture peut expliquer une "forme de panique collective", souligne pour sa part une source syndicale au sein des gardiens de la paix.    

Le capitaine de police va contester sa suspension

D'ici peu, ce capitaine de police judiciaire, Hervé C., va contester sa suspension et son désarmement devant le conseil d’État. Il veut aussi savoir qui sont celles et ceux qui l'ont dénoncé. Son avocat, Anass Khafif, explique que son client ne compte pas en rester là, sans réagir face à "ces courageux anonymes, ces délateurs de l'ombre". Il ne se voit pas reprendre son travail et ne rien dire. 

Il veut comprendre pourquoi des collègues qui l'avaient déjà critiqué pour sa pratique religieuse en 2012 (il avait reconnu avoir prié au sous-sol dans un local des femmes de ménage), ont pu penser qu'il pouvait être désormais un terroriste en puissance. Il a donc porté plainte pour discrimination auprès de la police des polices et saisi le défenseur des droits, en attendant une éventuelle plainte au pénal en fonction des résultats des enquêtes en cours.

"Hervé C. déplore profondément que des fonctionnaires qui sont là pour servir l'intérêt des Français, ne sachent pas eux-mêmes déceler ce qu'est un phénomène de radicalisation. On mêle des fonctionnaires intègres à ceux qui ont commis l'irréparable", regrette Anass Khafif, l'avocat du capitaine de police Hervé C.

Me Anass Khafif, l'avocat d'Hervé C

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