Les négociations de paix avec les talibans ne datent pas d’hier, rappelle The Atlantic. Alors qu’elle était secrétaire d’État, Hillary Clinton avait révélé que le gouvernement américain discutait déjà d’un éventuel cessez-le-feu, assorti de conditions strictes : “Les insurgents doivent renoncer à la violence, abandonner Al-Qaida et respecter la constitution afghane, notamment ses dispositions en matière de protection des femmes et des minorités”, avait averti Mme Clinton. Les négociations avaient échoué.

L’accord signé samedi par l’administration Trump exige des talibans qu’ils ne mènent plus d’actions terroristes depuis leur territoire, et qu’ils ouvrent des négociations avec le gouvernement afghan. Mais pas un mot sur les femmes ni les droits civils, au cas où ces négociations interafghanes se solderaient par un retour au pouvoir des extrémistes.

Sous le régime des talibans, de 1996 à 2001, les femmes étaient privées des libertés fondamentales : interdiction de circuler, de travailler ou d’aller à l’école et à l’université. Les progrès depuis ont été lents mais réels, notamment grâce à la constitution de 2004, qui garantit l’égalité des droits.

Mardi, lors de la présentation de l’accord à la presse, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, “a été interrogé sur le fait de savoir si les États-Unis étaient déterminés à garantir la défense des droits des femmes dans un futur gouvernement afghan. Mais il a répondu que ce serait aux négociateurs afghans de décider”, selon ABC News.

“Et même si Pompeo s’est déclaré ‘très confiant’ dans le fait que les droits des femmes ‘seraient abordés dans le cadre des discussions’, ce n’est pas une condition au retrait des troupes – et c’est ce qui inquiète le plus les militantes des droits des femmes”, ajoute la chaîne américaine.

“Lignes rouges”

“Beaucoup de femmes afghanes s’alarment d’avoir été mises à l’écart des discussions, et craignent que les protections qui leur ont été accordées ces 18 dernières années puissent être une variable d’ajustement dans les négociations avec le mouvement ultraconservateur taliban”, remarque le New York Times.

“Les premiers signes ne sont pas encourageants”, déplore El País. “Durant les réunions entre extrémistes et représentants de la société civile qui se sont tenues tout au long de l’année dernière, les talibans ont dit qu’ils respectaient le droit des Afghanes à l’éducation, au travail et à la santé, mais seulement ‘dans les limites de la loi islamique et de la culture afghane’. Pour beaucoup de militantes, c’est très ambigu”.

Daniel Feldman, en charge de l’Afghanistan et du Pakistan au département d’État sous Barack Obama, se montre assez pessimiste, dans les colonnes du Washington Post.

“Le fait que nos troupes puissent se retirer complètement avant que tout accord entre les talibans et le gouvernement afghan ne soit finalisé – encore moins mis en œuvre – ne nous donne aucun moyen de pression pour nous assurer que l’Afghanistan est sur la voie d’une paix durable”. Une situation qui “menace particulièrement les avancées obtenues par les femmes et la société civile”.

El Mundo a parlé à la journaliste afghane Farahnaz Forotan, qui sillonne le pays avec un cahier de doléances compilant les “lignes rouges” à ne pas franchir pour les prochains gouvernements, aux yeux de la population afghane.

“La simple mention du nom ‘taliban’ est une insulte pour les femmes”, dit-elle. “Les talibans ont éradiqué une génération entière de femmes, privées des droits les plus basiques. Leurs effets se ressentent encore aujourd’hui, sous forme de discrimination. C’est pourquoi l’une de nos plus grandes craines est qu’en revenant au pouvoir, les talibans ne finissent par effacer complètement notre identité”.