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Hygiène : comment combattre la propagation du coronavirus ?
Crédits ; Julien Mattia / ANADOLU AGENCY

Hygiène : comment combattre la propagation du coronavirus ?

Par Stéphane Gayet

Publié le

L'infectiologue Stéphane Gayet explique comment lutter simplement contre la propagation du nouveau coronavirus SARS-CoV-2.

On a souvent l’impression de connaître les virus. Chacun sait qu’ils sont différents des bactéries, déjà parce qu'ils sont insensibles aux antibiotiques. On a enregistré le fait que la grippe soit une maladie virale, tout comme les maladies infectieuses dont le nom indique qu’elles sont dues à un virus : hépatites virales, gastroentérite aiguë virale, conjonctivite virale, etc. Mais quant à savoir ce qu’est précisément un virus, c’est là une tout autre affaire.

On ne peut pas faire l'économie de quelques notions basiques sur les virus

Le vent de panique qui souffle sur une grande partie du monde depuis début 2020, est lié au fait que les virus émergents font peur. Surtout s’ils viennent de Chine, un pays totalitaire qui ne nous a pas habitués à la transparence. Surtout s’ils viennent de l’animal. Surtout si l’on n’a ni traitement, ni vaccin contre eux. Surtout s’ils sont présentés comme des tueurs potentiels. Et ces craintes s'amplifient lorsque l’on ne sait pas très bien comment les virus nous infectent et nous tuent. Or, ce nouveau coronavirus SARS-CoV-2, c’est justement tout cela à la fois.

On veut lutter contre cet agent infectieux : apprenons à le connaître

On ne peut pas faire l'économie de quelques notions basiques sur les virus, si l'on veut être en mesure de lutter contre la propagation des coronavirus. Un virus est une particule biologique sensu stricto non douée de vie, car la vie est constituée de cellules vivantes qui ont un génome à ADN, un cytoplasme - le gel dans lequel baignent les constituants cellulaires - et une membrane cytoplasmique, une sorte de sac qui les enveloppe. Une cellule vivante a un métabolisme : elle respire, se multiplie, se déplace parfois – dans le cas des bactéries mobiles -, synthétise des molécules ; alors qu'un virus n'est qu'une particule biologique dotée d'un génome à ADN ou ARN, mais sans aucun métabolisme : il est en quelque sorte inerte ; il ne peut exprimer son potentiel infectieux qu'à condition qu'il soit acheminé jusqu'au contact de la surface d'une cellule (vivante) et que celle-ci le reconnaisse, l'adsorbe et l'absorbe. Il faut voir le virus comme ni plus ni moins qu'un génome infectieux, protégé par une capside et accompagné de quelques enzymes indispensables que la cellule ne possède pas.

Les virus ne peuvent produire un effet qu'à l'intérieur d'une cellule. Quand ils se trouvent dans l'environnement, ils ne peuvent que persister quelque temps, puis s'inactiver naturellement par dessiccation et dégradation organique. Or, les virus comme le coronavirus font partie des virus fragiles sur le plan physique : une fois dans l'environnement, leur persistance n'excède pas en général quelques heures.

Une personne infectée par CoVid-19 produit des milliards et des milliards de virus qui sont émis dans l'air par l'éternuement, la toux, la parole, les cris et le chant

La taille des virus est utile à considérer. Notre corps est constitué de plus de 10.000 milliards de cellules de tailles très différentes. Si l'on estime à 60 millièmes de mm (microns ou micromètres) la taille moyenne de nos cellules et à 3 microns celle des bactéries, le fait de savoir que le coronavirus a une taille de l'ordre de 0,15 micron permet de se représenter les choses : ce virus est 400 fois plus petit que nos cellules selon une dimension, et donc 64 millions de fois plus petit qu'elles, en volume.

La production et l'émission des particules virales par un malade

Une personne infectée par CoVid-19 produit des milliards et des milliards de virus (virions ou particules virales) qui sont émis dans l'air par l'éternuement, la toux, la parole, les cris et le chant. L'émission par la seule expiration est très faible ; elle ne constitue pas un réel danger. Les virions ne se trouvent pratiquement jamais libres en dehors du corps humain, mais au sein d'amas de débris cellulaires et mucosités. Et leur émission par l'appareil respiratoire s'effectue grâce à des microgouttelettes (particules G) qui sont formées à partir de ces éléments ; elles sont invisibles, leur diamètre se situant entre 5 et 150 microns. Dans toutes les infections pulmonaires bactériennes ou virales, la contagion ou contamination interhumaine se produit à partir de ces particules G invisibles qui forment un aérosol. Mais pour un très petit nombre d'infections, elle peut se produire de plus à partir d'autres microparticules beaucoup plus dangereuses, appelées particules aéroportées (particules A), dont le diamètre se situe en-dessous de 5 microns.

L'incertitude concernant les supports des coronavirus dans l'air

Alors que les particules G sont denses (riches en eau) et ont une faible portée (de l'ordre de 1 mètre à 1,5 mètre, au grand maximum 2 mètres), les particules A sont peu denses (pauvres en eau) et ont une plus grande portée ; surtout, elles ont la caractéristique de rester en suspension dans l'air, à la différence des particules G.

C'est là un point clef de la lutte contre la propagation des coronavirus ; car il existe une incertitude qui divise les virologistes et les épidémiologistes. En effet, lors des épidémies d'infection à SARS-CoV en 2003 et à MERS-CoV en 2013, il existait un relatif consensus pour dire que le coronavirus respiratoire pouvait être émis dans des particules A. Or, cela modifie considérablement les dispositions préventives à prendre : les particules contaminantes de type A (aéroportées) demeurent dans l'air pendant plusieurs heures et l'on peut donc en principe se contaminer uniquement en inhalant l'air d'une pièce occupée quelque temps auparavant par une personne malade, infectée par le SARS-CoV (SARS-CoV, MERS-CoV ou SARS-CoV-2, il s'agit toujours de coronavirus qui ont les mêmes propriétés physiques).

la chaîne épidémiologique de l'infection par le coronavirus

Qu'il s'agisse de particules G ou A, elles doivent parvenir à une muqueuse pour que le cycle infectieux puisse débuter. Deux possibilités : soit le sujet contagieux est à distance dangereuse et il tousse ou parle fort ; il émet un aérosol de particules dont certaines vont pouvoir s'impacter directement sur les yeux, les narines, les lèvres ou même l'intérieur de la bouche si elle est ouverte, d'une personne saine réceptive ; d'autres particules vont s'impacter sur la peau du visage (front, nez, joues) ou celle des mains et poignets. Dans ce second cas, le sujet récepteur potentiel devra, pour se contaminer, acheminer des particules jusqu'à l'une des muqueuses de son visage (cela se fait par les mains). On l'a donc bien compris, la peau (saine) n'est pas une porte d'entrée pour un virus respiratoire : il lui faut une muqueuse.

Quand il est à la surface d'une cellule muqueuse appartenant au tractus respiratoire (narines, fosses nasales, cavité buccale, pharynx ou arrière-gorge, larynx, trachée artère), le virus doit être reconnu par la cellule muqueuse qui va ensuite l'adsorber, l'absorber, ouvrir sa capside, lire son génome et commencer sa réplication, qui est donc passive sur le plan du virus. Cette réplication virale est en général intense et elle aboutit à la mort de la cellule qui libère des millions de virions.

Que faire en pratique pour éviter la contamination interhumaine ?

Une personne qui est fébrile (au-dessus de 37°5 C au repos, la température s'élevant à l'effort), tousse et se sent fatiguée, doit penser à protéger les autres. Il faut qu'elle évite de se trouver à proximité d'autres personnes et le cas échéant qu'elle parle le moins possible et le plus doucement possible, de préférence en tournant la tête. La mesure préventive essentielle étant bien entendu le port d'un masque chirurgical (masque de soins, masque anti-projection), bien ajusté sur le nez et les joues. Il faut savoir qu'un tel masque a une durée limitée d'efficacité, car son média filtrant est amené à se saturer par absorption des microgouttelettes et macro-gouttelettes.

Le masque chirurgical est une protection faiblement efficace pour la personne qui le porte et un tel usage n'est pas recommandé

Il est recommandé de le remplacer après quelques heures d'utilisation. En revanche, le masque chirurgical est une protection faiblement efficace pour la personne qui le porte et un tel usage n'est pas recommandé. C'est encore plus vrai s'il se confirme que le coronavirus respiratoire peut être émis par des particules A. Il faut donc acquérir et appliquer le réflexe de la distance de sécurité (1,5 mètre).

La responsabilité de la personne qui est f��brile, tousse et se sent fatiguée est grande dans la lutte contre la contamination. Du côté de la personne saine, il faut éviter les lieux où il existe une forte concentration humaine : les transports en commun, files d'attente dans les commerces, bars et brasseries, discothèques, concerts et ainsi que tous les attroupements. Pour se protéger, on peut enfoncer une petite noisette de coton hydrophile (pas trop loin) dans chaque narine, qui va arrêter une partie des particules G et probablement des particules A, car l'inspiration s'effectue de façon physiologique par les narines et la muqueuse nasale est plus fragile que la buccale.

Partant de la constatation que les virions circulent beaucoup par les mains, il faut éviter de serrer des mains et se faire la bise avec parcimonie. Tous les contacts que l'on a avec ses mains sont susceptibles de récolter des particules G ou A, puis de les mettre au contact d'une muqueuse du visage. Dès lors, ce qui est efficace est, non pas de se laver ou se frictionner les mains régulièrement, mais de le faire avant de les porter à sa bouche ou de toucher quelque chose qui va entrer en contact avec sa bouche : cigarette, chewing-gum, bonbon, arachide, morceau de pain, gâteau sec et toute forme de nourriture que l'on touche avec les doigts. Cela doit devenir un vrai réflexe, c'est le point essentiel. Il y a aussi les tics gestuels qui consistent à toucher ses lèvres avec ses doigts, tout aussi dangereux.

En revanche, ce qu'il ne faut pas faire (inutile et toxique) : désinfecter tout ce qui nous entoure (environnement inerte). Car les coronavirus sont des virus fragiles sur le plan physique, étant donné que leur enveloppe lipidique est vulnérable (un virus enveloppé ayant perdu son enveloppe n'est plus reconnu par les cellules). Il est tout à fait déplorable que l'on nous montre des photos et vidéos de désinfection de l'environnement pour lutter contre ce virus, ce qui est une illusion toxique. La transmission de ce virus est avant tout interhumaine directe (particules G, voire A) et indirecte (par les mains).

Dans le cas où l'on penserait avoir été contaminé (muqueuse buccale et pharyngée), on peut essayer de neutraliser cette contamination en effectuant un gargarisme et un bain de bouche avec de la BETADINE ORL verte ou de l'ELUDRIL.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne