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TURQUIE

Vague d'agressions de Syriens en Turquie : "À chaque fois que des soldats turcs meurent en Syrie, les violences reprennent"

Captures d'écran de vidéos montrant des incidents survenus dans les villes turques de Samsun et Kahramanmaras.
Captures d'écran de vidéos montrant des incidents survenus dans les villes turques de Samsun et Kahramanmaras.
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Alors que 33 soldats turcs ont perdu la vie dans un raid aérien mené par l'aviation russe dans le nord de la Syrie le 27 février, plusieurs éruptions de violences ont visé la communauté syrienne de Turquie dans les jours qui ont suivi. Les 3,5 millions de Syriens réfugiés dans ce pays sont confrontés à une vague de racisme grandissante, alimentée par les politiques et les réseaux sociaux.

"Hier, nous avons perdu 33 martyrs, ils ne nous ont pas offert leurs condoléances", écrit un internaute turc sur Twitter en référence aux Syriens que lui et d'autres jugent "ingrats" face à l'accueil qui leur a été offert en Turquie depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011.

"Maintenant ils courent vers l'Europe", poursuit-il en référence à l'ouverture annoncée des frontières de la Turquie avec la Grèce et la Bulgarie par le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan le 28 février. Ce dernier a sommé lundi 2 mars l'Europe de "prendre sa part du fardeau" dans l'accueil des migrants, alors qu'environ 3,5 millions de réfugiés syriens vivent actuellement en Turquie, contre 1 million dans toute l'Europe.

Le week-end du 29 février, plus de 10 000 migrants ont convergé vers la frontière entre la Grèce et la Turquie, après qu'Ankara a annoncé qu'elle ne les empêcherait plus de la traverser. De l'autre côté, les autorités grecques ont placé leurs frontières en état de sécurité maximale.

Agressions et violences dans plusieurs villes turques

Dans ce climat tendu, la communauté syrienne, et plus largement les migrants établis en Turquie, ont été visés par des violences.

Le 29 février, un des militaires turcs tué à Idleb a été enterré dans la ville de Kahramanmaras, située dans le sud-est du pays. S'en est suivi un mouvement de foule qui s'en est pris aux commerces syriens de la ville.

Dans cette vidéo, on voit plusieurs hommes donner des coups de pied dans les rideaux de fer de magasins syriens fermés du boulevard Atatürk, au centre-ville. On voit également un cordon de policiers turcs protéger ces commerces et on entend la foule huer, sans qu'on comprenne exactement si elle s'adresse aux commerçants syriens ou aux policiers qui les protègent. Selon la presse locale, la police a fini par disperser la foule et rétablir le calme dans la zone.

Redoutant des scènes similaires, les commerçants syriens de la ville de Sanliurfa, située 200 kilomètres plus à l'est, ont fermé leurs boutiques par précaution dès le 28 février, détaille le journal local Urfa Birlik.

Dans la ville de Samsun, située au nord, sur les rives de la mer Noire, deux adolescents ont été frappés par un groupe d'autres adolescents turcs dans ce même contexte le 1er mars. Selon un site d'information locale, les deux victimes seraient Irakiennes. Selon le site d'information turc T24, la scène s'est déroulée dans le quartier Zafer.

Dans cette vidéo montrant la scène de bagarre, on entend de nombreuses insultes en turc.

Interrogé par T24, le maire de ce quartier, Nursen Açar, a détaillé les faits : "C'était une bagarre entre des adolescents de 15 à 16 ans, ils criaient 'à cause de vous nos soldats meurent' et pourchassaient les réfugiés. Il n'y a pas eu de blessé".

Si ces cas de violences ne sont pas aussi graves que celles survenues en juin 2019 dans le quartier Ikitelli d'Istanbul, elles obéissent aux même dynamiques.

LIRE SUR LES OBSERVATEURS >> Une rumeur d'agression sexuelle provoque une flambée de violences contre les Syriens de Turquie

 

"Tout cela est aussi nourri par un racisme plus ancien qui vise les Arabes en général"

C'est l'avis d'Uraz Aydin, membre de l'initiative "Nous voulons vivre ensemble" (Birlikte Yasamak Istiyoruz) qui combat le racisme anti-Syriens en Turquie, et par ailleurs journaliste.

 

Le racisme que subissent les Syriens, et les migrants en général en Turquie, traverse tout le spectre politique, de la gauche laïque aux islamo-conservateurs de l'AKP [Parti de la justice et du développement, au pouvoir, NDLR]. Les citoyens turcs estiment que l'État a accueilli trop de monde, environ 4 millions de Syriens, et que ces derniers ont par exemple volé le travail des Turcs ou contribué à l'effondrement de l'économie.

Tout cela est aussi nourri par un racisme plus ancien qui vise les Arabes en général et des tonnes de clichés qui circulent sur les réseaux sociaux, comme les photos de Syriens en train de fumer la chicha à la plage pendant que les soldats turcs meurent au front en Syrie.

Toutes ces agressions et ces violences sont récurrentes et reviennent quasi systématiquement quand des soldats turcs meurent sur le front syrien.

Le problèmen c'est que la population préfère faire des Syriens les boucs émissaires de la situation, alors que selon moi, il faudrait mieux critiquer l'intervention militaire en tant que telle.

Khadiga A., une étudiante d'origine syrienne installée à Istanbul, fait la même observation.

 

C'est vrai que ces agressions surviennent à chaque fois qu'un soldat turc meurt en Syrie, mais j'ai l'impression que cette fois, c'est plus intense parce qu'un grand nombre de soldats sont décédés en même temps. D'une manière générale, j'ai quand même l'impression que les choses se sont un peu calmées depuis juin et cette période électorale intense où les Syriens étaient au cœur du débat.

Il y a aussi beaucoup de Turcs qui nous soutiennent, il ne faut pas l'oublier. Et je pense que la situation est bien pire pour les Syriens partis en Europe ou particulièrement pour ceux qui sont en Grèce en ce moment.

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