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Les troublants rapports de Rachida Dati avec l’Azerbaïdjan

Les troublants rapports de Rachida Dati avec l’Azerbaïdjan

Par Mourad Papazian , Ara Toranian et Patrick Karam

Publié le

Mourad Papazian, Ara Toranian et Patrick Karam alertent quant aux relations de la candidate à la Mairie de Paris avec les dirigeants azerbaïdjanais.

Comment ne pas s’inquiéter de la candidature de Rachida Dati lorsque l’on est à la fois attaché à la question arménienne, à celle des Chrétiens d’Orient, à la défense des droits de l’Homme et à l’image de Paris ?

La maire du 7e arrondissement est en effet connue pour sa grande proximité avec l’Etat autoritaire et antidémocratique azerbaïdjanais. Elle a été membre du Conseil d’administration de l’Association des amis de l’Azerbaïdjan (AAA), considéré comme le « principal instrument » de la diplomatie du caviar en France. Or cette pétrodictature, qui foule au pied les droits de son peuple et fait peser un risque permanent pour la paix dans le Caucase - en menaçant notamment l’Arménie-, représente aussi un danger pour l’intégrité morale des instances européennes en butte à ses tentatives de corruption.

Faut-il rappeler que Madame Dati, qui affirme son soutien à Bakou, s’était opposée en 2017, à une enquête du Parlement européen sur « les tentatives de l'Azerbaïdjan (…) d'influencer les décideurs européens par des moyens illégaux » ?

Diners

L’engagement de Rachida Dati envers le régime Aliev s’était spectaculairement manifesté lors du dîner fastueux (350 invités) qu’elle avait organisé dans les jardins du Musée Rodin le 15 septembre 2011, en l’honneur de la Première Dame d’Azerbaïdjan, Mme Merhiban Aliyeva, épouse du despote et élevée il y a deux ans au rang de « vice-présidente ».

Son soutien à ce régime ne s’est depuis jamais démenti, comme en témoignent les félicitations qu’elle avait envoyées à son dirigeant Ilham Aliev le 11 avril 2017 à la suite de son élection à une présidentielle boycottée par son opposition et dénoncée par les défenseurs des droits de l’homme : « Je tiens à vous adresser mes sincères félicitations ainsi que tous mes vœux de succès pour ce nouveau mandat. Le renouvellement de la confiance d’une large majorité de citoyens azéris à votre égard confirme votre leadership (…) », avait-elle déclaré, apportant ainsi sa caution à des procédés frauduleux, lesquels se sont répétés tout récemment lors des législatives du 9 février 2020 (voir le rapport des observateurs de l’OSCE).

Estimant que «l’Azerbaïdjan est un exemple pour l’ensemble du monde musulman », et ce en dépit de ses turpitudes avérées elle lui a rendu un hommage appuyé en installant un « village de l’Azerbaïdjan » le 19 septembre 2016 sur le Champ-de-Mars, au cœur de son fief du très chic 7e arrondissement de Paris où a d’ailleurs élu domicile le «Centre culturel de l’ambassade d’Azerbaïdjan».

Ses relations privilégiées avec la dynastie au pouvoir à Bakou ont été à maintes reprises mises en exergue dans des articles de presse et des émissions comme Cash Investigation (7 septembre 2015), produit par Elise Lucet, aux questions de laquelle Madame Dati a refusé de répondre la traitant par la suite de « pauvre fille », à la carrière « pathétique ».

Tout aussi choquant, cette élue fait preuve d’un double discours navrant. Dans son arrondissement, elle a à cœur de s’afficher dans les églises et les paroisses, et de clamer haut et fort son soutien inconditionnel aux Chrétiens d’Orient et, pourtant, prend position contre les premiers chrétiens d'Orients, les Arméniens du Haut-Karabakh en particulier après la « guerre des 4 jours» d’avril 2016 déclenchée par Bakou.

Une candidature qui questionne nos valeurs

Elle avait notamment signé à cette occasion un texte qui prenait fait et cause pour l’agresseur. Faut-il rappeler que ce pays a été depuis condamné à plusieurs reprises par la CEDH, notamment le 30 janvier 2020 pour «tortures ayant entraîné la mort » sur un prisonnier arménien ?

Sachant qu’Amnesty International dresse chaque année un bilan accablant sur le respect des droits de l’Homme dans ce pays classé par RSF à la 166e place sur 180 dans le baromètre sur la liberté de la presse et 122e sur 180 dans celui de Transparency international sur la corruption dans le monde, il serait pour le moins souhaitable que cette élue qui prétend aux plus hautes fonctions renonce à toute complaisance avec cette dictature.

Il en va de l’image de Paris sur la scène internationale. Il en va des risques que pourraient faire peser cette proximité avec un État corrupteur sur la probité de ses institutions. Il en va enfin de la poursuite des commémorations du génocide arménien par la Mairie de Paris, étant donné que pour messieurs Erdogan et Aliev « la Turquie et l’Azerbaïdjan représentent deux Etats pour une seule nation ». On rappelle que Mme Dati n’a jamais assisté à aucune de ces cérémonies et qu’elle est l’une des rares personnalités politiques de ce niveau à ne s’être jamais prononcée sur le sujet.

Cette candidature questionne nos valeurs et suscite l’inquiétude des descendants du génocide arménien, des défenseurs des chrétiens d’Orient et des droits de l’homme.

Madame Dati s’étant refusée à répondre publiquement à nos diverses sollicitations privées pour obtenir des clarifications et des engagements écrits sur les points évoqués dans cette tribune, ce que nous regrettons, nous nous sommes donc résolus à l’interpeller par voie de presse.

La balle est désormais dans son camp. Elle doit assumer ses responsabilités.

Nous attendons de la candidate à la mairie de Paris qu’elle mette un terme à ses relations privilégiées avec les dirigeants azerbaïdjanais.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne