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Sahel : le HCR renforce son aide aux populations déplacées par les violences

Les populations souffrent d'une grave insécurité alimentaire au Burkina Faso, notamment dans les régions du nord touchées par le conflit.
OCHA/Otto Bakano
Les populations souffrent d'une grave insécurité alimentaire au Burkina Faso, notamment dans les régions du nord touchées par le conflit.

Sahel : le HCR renforce son aide aux populations déplacées par les violences

Migrants et réfugiés

L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) renforce ses opérations dans la région du Sahel où l’insécurité grandissante a contraint un nombre croissant de personnes à fuir leurs foyers.

« L’urgence est ici, dans le Sahel, là où les gens souffrent, sont tués, où les femmes sont violées, où les enfants ne peuvent pas aller à l’école », a déclaré le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, qui a conclu une visite de trois jours qui l’a menée en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso.

Le Haut-Commissaire souligne que la communauté internationale doit intervenir au Sahel avant que « cette crise ne devienne ingérable ».

« Alors que l’insécurité gagne du terrain, il est essentiel d’éviter le risque d’une déstabilisation de la région de l’Afrique de l’Ouest dans son ensemble », a souligné M. Grandi.

Dans la région, les attaques aveugles commises par des groupes armés et des factions terroristes contre les institutions de l’État, les forces de sécurité, les écoles et les centres de santé se succèdent à une « fréquence alarmante ». Selon le HCR, ces attaques exacerbent les tensions sociales existantes et la pauvreté généralisée, alors même que les communautés locales sont souvent les premières à y répondre.

Des témoignages de meurtres commis par des groupes armés

Dans la région du Liptako-Gourma, où le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont des frontières communes, les réfugiés qui ont fui le Mali et le Burkina Faso se retrouvent souvent en quête de sécurité et d’un abri dans des zones également en proie à la violence. La majorité des personnes fuyant la violence dans la région sont des femmes et des enfants, nombre d’entre elles ayant été déplacées à plusieurs reprises.

À Ouallam, dans la région de Tillabéry, au Niger, Filippo Grandi a visité une communauté de 5.000 réfugiés, dont beaucoup vivaient sous des tentes depuis 2012, dans un camp proche de la frontière malienne, et ce jusqu’à ce que les récentes violences les obligent à se déplacer de nouveau. Cette même violence a également contraint des Nigériens à quitter leurs foyers.

Au Sahel, le Haut-Commissaire a pu écouter des « récits bouleversants » au Niger, en Mauritanie et au Burkina Faso. Filippo Grandi a été témoin de récits douloureux sur les menaces que les populations ont endurées de la part de groupes armés qui les ont obligés à quitter rapidement leurs villages en n’emportant guère plus que les vêtements qu’ils portaient. « Des témoignages de meurtres commis par des groupes armés, des récits de destruction de maisons, d’écoles et de centres de santé, des cas de violence contre les femmes », a soutenu le Haut-Commissaire.

Comme au Niger, M. Grandi a écouté ces mêmes récits d’horreur au Burkina Faso. A Kaya et à Dori, le Haut-Commissaire a rencontré les survivants d’une attaque menée quelques jours auparavant contre un village voisin, au cours de laquelle une vingtaine de personnes ont été tuées. Leurs récits bouleversants ont détaillé une attaque nocturne effroyable au cours de laquelle des hommes et de jeunes garçons ont été tués, des femmes violées, des maisons pillées et des écoles ainsi que d’autres infrastructures détruites.

Zore Yusef partage un repas avec un de ses enfants. Le conflit armé a forcé sa famille à fuir la région nord du Burkina Faso.
Photo : PAM/Marwa Awad
Zore Yusef partage un repas avec un de ses enfants. Le conflit armé a forcé sa famille à fuir la région nord du Burkina Faso.

La leçon de générosité des pays du Sahel

L’insécurité généralisée au Sahel a un effet déplorable sur les efforts de réponse des agences humanitaires car elle entrave sérieusement leur accès aux personnes en difficulté.

Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du Burkina Faso a été ainsi multiplié par 10 durant la seule année 2019, pour atteindre un nombre total de 560.000. En 2019 également, 70.000 personnes supplémentaires ont été déplacées au Mali, l’un des pays voisins, où la population déplacée dépasse aujourd’hui 200.000 personnes. Au total, la région du Sahel central abrite actuellement plus d’un million de réfugiés et de personnes déplacées.

Malgré l’insécurité qui oblige un nombre toujours plus important de personnes à se déplacer à l’intérieur de leur propre pays, la région fait également preuve d’une solidarité exemplaire envers les réfugiés. Lors de ses rencontres avec les présidents du Burkina Faso et du Niger, ainsi qu’avec le gouvernement de Mauritanie, le Haut-Commissaire a fait l’éloge de ces pays qui continuent d’accueillir des réfugiés alors qu’ils sont eux-mêmes confrontés à des urgences humanitaires, comme au Niger et au Burkina Faso.

« Dans le Sahel, certains des pays les plus pauvres au monde comptent aussi parmi les plus généreux », a déclaré Filippo Grandi, reconnaissant la solidarité que le Niger, la Mauritanie et le Burkina Faso manifestent envers les quelque 165.000 réfugiés qui ont fui le Mali, où la situation sécuritaire ne montre aucun signe d’amélioration.

Pourtant, les communautés locales, malgré leur générosité, ne peuvent offrir qu’un appui très limité, étant donné la pauvreté extrême qui sévit dans de nombreuses régions du Sahel. « Ce genre d’engagement est rare à l’échelle mondiale, et il est d’autant plus remarquable que les trois pays concernés sont aujourd’hui confrontés à de nombreux défis », a déclaré M. Grandi, plaidant pour des solutions durables aux problèmes des déplacements forcés qui favorisent la cohésion sociale entre les communautés d’accueil, les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

La réponse ne peut être exclusivement sécuritaire

Par ailleurs, le chef du HCR est d’avis qu’au Sahel, la réponse à la crise ne doit pas se limiter aux seules questions sécuritaires. « La protection des personnes contraintes de fuir doit rester au cœur de notre réponse à cette crise de déplacement », a déclaré Filippo Grandi. Ceci implique une meilleure coordination entre les autorités civiles et militaires, afin de garantir l’accès humanitaire et permettre une assistance immédiate. Il est également essentiel de créer les conditions permettant aux acteurs humanitaires et du développement de contribuer à trouver des solutions pour les populations touchées.

« La paix, la sécurité et le développement sont des éléments clés de la coexistence entre ceux qui ont été forcés de fuir et les communautés qui les accueillent », a insisté M. Grandi. Mais, « lutter contre les causes profondes de cette crise permettra de trouver des solutions durables. Pour le HCR, cela signifie également qu’il faut contrer les principaux effets du changement climatique ainsi que les conséquences de ces déplacements sur la nature.

Le HCR intensifie sa réponse humanitaire au Sahel mais souligne qu’elle ne doit pas se faire au détriment d’autres crises régionales. Dans la région voisine du lac Tchad, 2,8 millions de personnes sont déracinées par les violences. L’agence onusienne souligne qu’il est tout aussi nécessaire de garantir l’accès humanitaire et la protection des personnes contraintes de fuir cette région.