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Le combat de six mères privées de chômage pendant leur maternité

Privées de chômage pendant leur maternité, elles se battent devant les tribunaux

Laurie Chalifour-Racine
Laurie Chalifour-Racine a eu une mauvaise surprise après avoir perdu son emploi durant son congé de maternité en 2017. On la voit avec son fils de trois ans et demi, Cayden Hamzeh, à Candiac, en Montérégie. Photo Pierre-Paul Poulin


Six mères de jeunes enfants iront devant les tribunaux pour contester les règles de l’assurance-emploi qui les ont privées de prestations après leurs congés de maternité.   

« C’est un problème de discrimination systémique », dénonce l’avocate de Mouvement Action-Chômage de Montréal (MAC) responsable du dossier, Me Kim Bouchard.    

En effet, l’admissibilité à l’assurance-emploi est calculée en fonction du nombre d’heures travaillées au cours de l’année précédente. Et comme les mères québécoises s’absentent en moyenne 46 semaines après la naissance d’un enfant, il devient mathématiquement impossible pour elles de bénéficier des prestations si elles perdent leur emploi pendant leur congé ou à leur retour.    

Mauvaise surprise  

De plus, Ottawa considère que le Régime québécois d’assurance parentale remplace techniquement les prestations de chômage auxquelles les nouvelles mères canadiennes ont droit, même si celui-ci est financé indépendamment par les employeurs et travailleurs québécois.    

Laurie Chalifour-Racine croyait pourtant être protégée quand l’institution financière pour laquelle elle travaillait a aboli son poste deux mois après son accouchement en 2017. Au bout des 50 semaines de RQAP, le gouvernement fédéral a toutefois refusé de lui verser des prestations d’assurance-emploi. « J’ai trouvé cela absolument injuste », dit-elle.    

Même les fonctionnaires de Service Canada étaient incapables de lui confirmer si elle aurait droit à des prestations. Ce n’est qu’une fois son congé de maternité terminé que Mme Chalifour-Racine a appris qu’elle ne recevrait pas un sou supplémentaire. Heureusement, le revenu de son conjoint permettait au couple de bien vivre.    

Martine Théramène n’a pas eu la même chance. Infirmière auxiliaire au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, elle perd son emploi en juillet 2018, après avoir donné naissance à son troisième enfant. Sans conjoint pour l’aider financièrement ni prestations d’assurance-emploi, elle a dû se résigner à accepter rapidement un poste de préposé aux bénéficiaires, moins bien rémunéré.    

« C’est tout ce que j’ai pu accepter parce que je ne peux pas travailler de soir et de nuit » — en raison de ses enfants à la maison —, explique-t-elle.   

Mieux protéger les mères  

Conjointement avec quatre autres mères de jeunes enfants, elles intenteront donc un appel en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. En cas de jugement défavorable, Kim Bouchard se dit déjà prête à porter la cause jusqu’en Cour suprême. « On prétend qu’être travailleuse et mère, c’est un risque social qui devrait être protégé », dit-elle. Me Bouchard compare la cause à celle de l’équité salariale, puisque les femmes demeurent plus nombreuses que les hommes à s’absenter du travail après la naissance d’un enfant.    

L’avocate propose donc que le gouvernement fédéral permette d’ajouter le chômage habituel aux prestations reçues durant un congé de maternité, prolongeant ainsi la période de prestations jusqu’à 102 semaines.    

Surplus  

Cette modification pourrait être financée sans hausser les cotisations, croit-elle. « Il y a des surplus chaque année dans la caisse [de l’assurance-emploi] et, au lieu d’être protégés, ils servent à éponger le déficit fédéral », souligne Me Bouchard. De plus, peu de femmes vivent cette situation exceptionnelle, fait-elle valoir. Impossible, toutefois, de chiffrer le phénomène, puisque Emploi et Développement social Canada ne compile pas de données à ce sujet.     

D’autres cas  

Caroline Langevin  

Laurie Chalifour-Racine
Photo courtoisie
  • Camerawoman pigiste en télévision, elle peut travailler 60 heures par semaine lorsqu’elle a des contrats.    
  • Toutefois, l’industrie est aussi faite de « périodes creuses », sans travail.    
  • Après ses deux accouchements, Mme Langevin s’est retrouvée sans contrats ni chômage, même si elle avait atteint le nombre d’heures assurables avant son congé de maternité.       

Véronique Dubois   

  • Enceinte de quatre mois, elle perd son emploi dans une municipalité de l’Ouest-de-l’Île de Montréal en avril 2017.    
  • « Étant enceinte, je ne pouvais pas me trouver un autre emploi rapidement », souligne-t-elle.    
  • Même si elle se qualifiait pour 38 semaines d’assurance-emploi, elle en recevra seulement 13 jusqu’à son accouchement, puis aucune à son retour sur le marché du travail.       

Émilie Bellemare  

Laurie Chalifour-Racine
Photo courtoisie
  • Éducatrice spécialisée de formation, son contrat dans un centre pour femmes sur la Côte-Nord prend fin durant sa grossesse en 2015. L’année suivante, elle accouche d’un second enfant.    
  • « Ce que je demandais, c’était simplement de reculer avant mes congés de maternité pour aller chercher les heures assurables », dit-elle, en faisant valoir que son absence du marché du travail était seulement liée à ses deux accouchements.    
  • En fin de compte, elle a retrouvé un travail rapidement. Elle aurait seulement eu besoin de quatre semaines de prestations d’assurance-emploi.      

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