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La Mort a mis Max von Sydow mat

Indissociable du «Septième Sceau» de Bergman, l’acteur suédois a joué dans plus de 80 films en Europe et aux Etats-Unis. Il est décédé à l’âge de 90 ans

Max von Sydow en 1982. — © Wally Fong
Max von Sydow en 1982. — © Wally Fong

Les plus jeunes l’ont découvert en 2015 dans Star Wars, épisode VII: Le Réveil de la force: il y incarne Lor San Tekka, le vieux résistant de la planète Jakku qui file à Poe Dameron la clé usb permettant de retrouver Luke Skywalker. Pour leurs aînés, le souvenir de Max von Sydow reste à jamais lié à son premier grand rôle au cinéma et sa première collaboration avec Ingmar Bergman: Le Septième Sceau. Il est un chevalier de retour des croisades qui traverse des contrées ravagées par la peste et le chaos spirituel. La Mort lui apparaît. Pour différer la fatalité, le chevalier lui propose une partie d’échecs. Il la perd, inexorablement… Le comédien incarne l’humanité en quête de sens; il se pose en frère universel.

D’une blondeur de jeune premier viking, frôlant le double mètre, regard bleu vif dans un visage long comme un jour sans pain au nord de la Suède, Max von Sydow a joué dans dix films de Bergman dont La Source, Les Fraises sauvages, Les Communiants ou L’Heure du loup. Il reste à jamais associé au génial cinéaste – «Vous devez vous impliquer dans un film de Bergman davantage que dans les autres car il aborde des questions beaucoup plus profondes et philosophiques que la moyenne», expliquait-il.

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«Pelle le Conquérant»

Ce compagnonnage n’empêche pas Max von Sydow de s’exporter abondamment et avec beaucoup de discernement. S’il concède à la Scandinavie Pelle le Conquérant et Les Meilleurs Intentions, de Bille August, ou Les Emigrants, de Jan Troell, il fait le tour du monde des genres cinématographiques et des registres dramatiques. Il travaille avec les plus grands, Francesco Rosi, John Huston, Sydney Pollack, Mauro Bolognini, Lars von Trier, Wim Wenders, David Lynch (Dune), Steven Spielberg (Minority Report), Woody Allen (Hannah et ses sœurs), mais aussi, nul n’étant parfait, chez de gros nuls comme Eric-Emmanuel Schmitt (Oscar et la dame rose) ou Francis Huster (Un Homme et son chien)…

«De nombreuses personnes pensent qu’un acteur doit s’identifier au personnage. Moi pas, même si j’implique une part de moi-même quand je joue. J’estime que c’est une vertu de faire des choses qui ne viennent pas de soi. Telle est la conception suédoise de l’acteur», disait-il. Cette conception alliant la neutralité à l’efficacité a permis à Max von Sydow d’exceller dans 84 films et camper des personnages durablement installés dans l’imaginaire collectif, comme le prêtre de L’Exorciste.

L’empereur Ming

S’il peut se targuer d’avoir eu le redoutable honneur d’incarner Jésus (La Plus Grande Histoire jamais contée, 1965) et le diable (Le Bazaar de l’épouvante, 1993), Max von Sydow avait l’art de composer des méchants très convaincants. Il y a bien sûr l’empereur Ming dans Flash Gordon et le roi Osric dans Conan le Barbare mais aussi, plus sérieusement, le tueur à gages efficace et cynique des Trois Jours du condor, le vieux médecin nazi de Shutter Island et l’amiral Petrenko, son dernier rôle, antique ganache soviétique, dans Kursk. Il a même été pressenti pour tenir le rôle du Dr. No dans le premier James Bond, et pris sa revanche en 1983 en incarnant un autre ennemi de 007, Ernst Stavro Blofeld dans Jamais plus jamais.

Parmi les petits jobs pittoresques que l’immense comédien a décrochés, il faut mentionner la voix d’un fantôme dans Ghostbusters II et celle de la Corneille à trois yeux dans Game of Thrones. «Comédien, c’est une profession tellement étrange. Une chose si futile. Ce n’est pas comme fabriquer un meuble ou écrire un livre», affirmait celui qui avait l’ambition de rester un mystère. Aujourd’hui, la Mort a mis Max mat. Il avait presque 91 ans.