Coronavirus : des présidents de régions demandent le report des municipales

Ces élus ne souhaitent pas que le premier tour se tienne ce dimanche tandis que des maires nous confient ne pas comprendre le timing des annonces d’Edouard Philippe.

 Des mesures de sécurité dans les bureaux de vote ont été prises contre l’épidémie de coronavirus.
Des mesures de sécurité dans les bureaux de vote ont été prises contre l’épidémie de coronavirus. LP/Yann Foreix

    Combien de Français iront encore aux urnes ce dimanche? « Je crains une abstention très forte. Avec les dernières annonces, les gens risquent de rester confinés… », anticipe en s'en désolant Christophe Bouillon, le président de l'association des petites villes de France (APVF). Ces « annonces », ce sont celles d'Edouard Philippe ce samedi soir. Pour faire face à la propagation de l'épidémie de coronavirus, le Premier ministre a annoncé la fermeture, à partir de minuit, de « tous les lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays », comme les restaurants, les bars et les commerces autres que les pharmacies, magasins d'alimentation ou encore marchands de tabac.

    Mais, dans le même temps, le Premier ministre a maintenu le premier tour des élections municipales ce dimanche, assurant que le comité scientifique mis en place par l'Elysée n'avait toujours pas recommandé de report.

    « Raisonnable, cohérent et même nécessaire de reporter »

    De quoi faire s'insurger pas moins de six présidents de régions. Ils ont demandé, sur Twitter, un report du premier tour. C'est le cas de Carole Delga (Occitanie), contactée par Le Parisien, Valérie Pécresse (Ile-de-France), Renaud Muselier (Provence Alpes Côte d'Azur), Hervé Morin (Normandie), Xavier Bertrand (Haut-de-France) et Gilles Simeoni (président du conseil exécutif de Corse). « Les Français ne comprendraient pas qu'on leur demande d'aller voter ce dimanche. Même si l'organisation avait été bien faite, que les maires respectaient les consignes pour que tout se passe bien, le climat sera tellement particulier qu'il ne sera pas propice à un débat démocratique apaisé avant le second tour », argue la première. « Il devient raisonnable, cohérent et même nécessaire de reporter le scrutin municipal. Il devra se tenir une fois l'épidémie vaincue collectivement », a jugé Renaud Muselier sur les réseaux sociaux. Quant à Valérie Pécresse, elle « demande au gouvernement de prendre ses responsabilités et de protéger les Français ».

    Dix-sept médecins, dont de nombreux docteurs en médecine ou en réanimation, ont également signé une lettre ouverte dans laquelle ils jugent « indispensable de repousser les élections », rapporte Le Figaro. Tandis que le maire de Reims, Arnaud Robinet, s'est insurgé : « La position n'est pas tenable. »

    Mais on imagine mal, juridiquement et en pratique, comment le scrutin pourrait être annulé moins de douze heures avant l'heure prévue d'ouverture des 70 000 bureaux de vote. « Des ténors de l'opposition demandent un report des municipales impossible à quelques heures de l'ouverture des bureaux. Il y a 48h, les mêmes ont tout fait pour qu'aucun report ne puisse être envisagé. Relayer les consignes sanitaires serait plus utile qu'un coup politique », s'est aussi insurgé, sur Twitter, le macroniste Stéphane Séjourné, chef de files des eurodéputés français du groupe Renaissance.

    Reste que ce maintien inquiète plusieurs maires, qui ont passé ces derniers jours à suivre les préconisations du ministère de l'Intérieur pour organiser leurs bureaux de vote : marquages au sol, isoloirs sans rideaux, mise à disposition de gel hydroalcoolique… « On est un peu désemparés, on a fait un effort considérable pour l'organisation. Depuis plusieurs jours, je n'avais même pas fini d'écrire un communiqué que des instructions nouvelles arrivaient. Cela me paraît évident que l'abstention sera énorme », témoigne Jean-Paul Legendre, maire d'Iville (Eure). En tant que président de l'association départementale des maires, l'élu a reçu, ces dernières 24 heures, de nombreux coups de fil de maires, inquiets. « Ça n'a pas arrêté toute la journée, ils ont plein de questions, notamment ceux qui manquent de masques », témoigne-t-il.

    « Cela devient de plus en plus compliqué… »

    « Je trouve bizarre que le Premier ministre ait annoncé tout cela dès ce soir. Ça brouille le message que de dire : aller voter n'est pas pire que d'aller acheter son pain à la boulangerie », renchérit Philippe Laurent, maire de Sceaux et secrétaire général de l'association des maires de France (AMF). « Cela devient de plus en plus compliqué d'expliquer que la vie associative et la vie sociale sont réduites au strict minimum et que la vie électorale n'est pas concernée », résume Christophe Bouillon.

    Ces élus n'imaginent pas pour autant annuler le scrutin dans leur commune. Mais ils pourraient manquer de personnel dans les bureaux de vote : à Paris, le directeur de campagne du candidat dissident issu de LREM, Cédric Villani, a indiqué faire face à des « démissions qui, en cohérence, se multiplient parmi [nos] assesseurs et présidents de bureaux de vote ».

    Malgré ces conditions extrêmement particulières, et même si beaucoup d'électeurs (en particulier les plus âgés) risquent bien de ne pas aller voter, le scrutin devrait donc avoir lieu. Mais de gros doutes apparaissent sur la tenue du second tour, prévu dans les textes « le dimanche suivant le premier tour », c'est-à-dire dimanche prochain. Ce samedi soir, et contrairement à la veille, Edouard Philippe ne s'est pas prononcé sur sa tenue à la date prévue.