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Est-il possible d’attraper la COVID-19 deux fois de suite? Pendant combien de temps une personne guérie est-elle immunisée? On manque encore de recul pour le savoir, ce qui n’a pas empêché le Royaume-Uni de faire un pari risqué.
Le gouvernement britannique de Boris Johnson a annoncé cette semaine qu’il misait sur l’immunité de groupe plutôt que sur la distanciation sociale pour contrer l’épidémie et éviter un second pic de cas l’hiver prochain.
Le principe est celui du « laissez-faire » : on laisse le virus courir dans la population pour que suffisamment de personnes l’attrapent et développent une immunité. Cette immunité collective fera finalement barrage à la propagation, sur le même principe que la vaccination (plus il y a de gens vaccinés, moins la maladie circule).
En l’absence de vaccin, il faut que 60 à 70% des gens aient été infectés par le coronavirus pour que les plus à risque soient protégés par l’immunité de groupe, estiment les experts britanniques. Au total, au Royaume-Uni, cela représente 36 millions de personnes infectées puis guéries. Et un nombre de morts difficilement acceptable. Beaucoup de médecins britanniques s’inquiètent de la décision gouvernementale, d’autant qu’on ne connait pas la durée de la protection conférée par une première infection. Le gouvernement a d’ailleurs fait marche arrière face à la levée de boucliers des médecins.
« Il y a beaucoup d’inconnues relatives à la façon dont le virus SRAS-CoV-2 interagit avec le système immunitaire et comment cela influera sur les scénarios […]. Il serait donc prudent de prévenir les infections en premier lieu », avertit le professeur Arne Akbar, président de la Société britannique d’immunologie, dans une lettre ouverte au gouvernement parue le 14 mars. La distanciation sociale reste donc une priorité, plaide-t-il, notamment pour éviter d’engorger les urgences.
Les réponses à ces questions sont d’autant plus pressantes que des personnes semblent avoir contracté deux fois de suite le virus. Aucune étude claire ne le confirme pour l’instant, mais on sait que plusieurs patients chinois et un Japonais ont testé positif deux fois, à plusieurs semaines d’écart. Selon de nombreux experts, il pourrait toutefois s’agir d’erreurs liées au test ou d’une résurgence virale chez une personne partiellement guérie. Il semble aussi que certains patients en apparence guéris continuent de propager le virus, selon des résultats très préliminaires parus dans JAMA.
Comment fonctionne le système immunitaire?
Pour comprendre les enjeux, il faut rappeler comment fonctionne notre système immunitaire. « C’est une collection de molécules, de cellules, d’organes et de tissus incroyablement complexes », rappelait il y a quelques semaines à Québec Science Andrew Lichtman, professeur de pathologie et immunologie à la Harvard Medical School, à Boston.
On distingue l’immunité innée et l’immunité adaptative. La première repose sur des cellules, comme les macrophages, toujours sur le qui-vive, qui défendent l’organisme contre tout ce qui l’attaque. « C’est un système qui s’active rapidement, quel que soit le microbe en cause. Notre survie au jour le jour dépend de cette immunité innée », explique le chercheur.
Cette première ligne de défense déclenche une inflammation et enrôle la réponse immunitaire dite adaptative, plus durable et plus spécifique, qui repose sur les lymphocytes T et B. C’est elle qui prend le relais, sur plusieurs jours, pour éradiquer les infections qui persistent. Elle constituera aussi la « mémoire », notamment en produisant des anticorps capables de reconnaître très rapidement un intrus déjà rencontré s’il se présente à nouveau.
« Combien de temps dure cette mémoire? Cela dépend beaucoup des infections. Le virus de la grippe, par exemple, est très malin. Il dérive génétiquement et se présente toujours avec un nouveau « visage », ce qui fait qu’on peut attraper la grippe plusieurs fois », explique Arlene Sharpe, elle aussi immunologiste à la Harvard Medical School et faisant partie des 80 chercheurs qui s’unissent à Boston pour contrer le coronavirus, grâce à des fonds privés débloqués récemment.
Qu’en est-il du SRAS-CoV-2? Pour l’instant, personne ne le sait.
« Comme ce virus est très récent, nous ne savons pas combien de temps la protection générée par une première infection va durer. D’autres virus de la famille des coronavirus, comme ceux qui causent le rhume, ont tendance à induire une immunité courte, autour de 3 mois seulement. Cependant, ces virus ont co-évolué avec le système immunitaire humain depuis des milliers d’années, ce qui signifie qu’ils ont peut-être développé des stratégies pour manipuler notre réponse immunitaire. Avec le nouveau SARS-CoV-2, la situation pourrait être très differente. Nous avons besoin d’étudier de façon urgente les réponses immunitaires des personnes qui ont guéri », commente Peter Openshaw, ancien président de la Société britannique d’immunologie.
Si l’on se fie au SRAS, qui a sévi en 2003, une étude rétrospective a montré que les niveaux d’anticorps restent stables pendant environ 2 ans, et donc qu’une réinfection serait possible après ce laps de temps.
Quoi qu’il en soit, il y a de fortes chances pour que le SRAS-CoV-2 s’inscrive dans la liste des infections récurrentes, à la manière de la grippe. Quatre autres coronavirus circulent déjà en boucle dans les populations humaines, causant jusqu’à un quart des rhumes, et quelques pneumonies (leurs petits noms : OC43, 229E, HKU1 et NL63).