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Quelques manifestants s'étaient rassemblés devant Tihar pour saluer cette exécution, a constaté l'Agence France-Presse (AFP). «Nous avons la satisfaction que ma fille ait enfin reçu justice au bout de sept ans. Les animaux ont été pendus», a déclaré à des journalistes Asha Devi, mère de la victime Jyoti Singh.
Une onde de choc dans l'opinion publique
Le dimanche 16 décembre 2012 au soir, l'étudiante de 23 ans sort d'une séance du film L'Odyssée de Pi dans un grand centre commercial avec un ami. Ils montent dans un bus privé tenu par une bande ivre de six hommes, croyant qu'il s'agit d'un transport collectif allant dans leur direction. A bord, son ami est passé à tabac. Pendant une vingtaine de minutes, la jeune femme est sauvagement violée à tour de rôle à l'arrière du bus roulant à travers Delhi, lumières éteintes, et grièvement blessée avec une barre de fer. Les agresseurs se débarrassent d'eux au bord d'une route.
Dès le lendemain, l'affaire provoque une onde de choc dans l'opinion publique et déclenche de gigantesques manifestations spontanées, qui redoublent avec la mort de la victime de ses blessures le 29 décembre dans un hôpital de Singapour. «Le mouvement qui a suivi le viol en réunion de 2012 a été comme un barrage qui cède», explique à l'AFP Kavita Krishnan, militante pour les droits des femmes.
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Car ce fait divers, survenu au coeur de la capitale, a touché une corde sensible auprès de la jeunesse indienne. Dans une société changée en profondeur par vingt ans de libéralisation de l'économie, nombre d'Indiennes et d'Indiens se sont identifiés à cette jeune femme souhaitant faire des études et avoir un travail, plutôt que de vivre sous la tutelle d'un mari et rester au foyer.
La législation contre les violences sexuelles durcie après le drame
Ce viol de «la fille de l'Inde» a vu le choc brutal de deux visions sociétales antagonistes. D'un côté, une classe moyenne émergente, aspirant à l'émancipation et à la liberté individuelle, en particulier pour les femmes. De l'autre, une conception conservatrice traditionnelle considérant les femmes comme inférieures aux hommes.
«Une fille décente ne traîne pas dehors à neuf heures du soir. Une fille est bien plus responsable du viol qu'un garçon», se justifiait ainsi Mukesh Singh, l'un des violeurs, dans un documentaire de la BBC sorti en 2015 et qui a fait scandale en Inde.
Le viol collectif de Delhi a forcé la société indienne à un examen de conscience. A la suite du drame, le gouvernement a durci la législation contre les violences sexuelles et prévu des procédures judiciaires accélérées. Le nombre de signalements de viols dans le pays de 1,3 milliard d'habitants s'est envolé les années suivantes, même si les experts estiment que ces chiffres ne restent encore que la partie émergée de l'iceberg.
Des six hommes arrêtés par les forces de l'ordre, le meneur présumé est mort en détention quelques semaines plus tard, officiellement à la suite d'un suicide. Un autre, encore mineur à l'époque, a bénéficié d'une peine réduite en raison de son âge et a été libéré au bout de trois ans.
De rares exécutions dans la plus grande démocratie du monde
Si près de 400 condamnés attendent actuellement dans le couloir de la mort en Inde, les autorités procèdent rarement aux exécutions, les réservant aux cas emblématiques. Les peines capitales sont normalement commuées en prison à vie. La précédente exécution en Inde remontait à 2015.