Vive le Printemps ! Au bonheur d’Agnès Varda

Vive le Printemps ! Au bonheur d’Agnès Varda
Agnès Varda, La Serre du Bonheur, installation dans les galeries de la cour des Jardiniers, Domaine de Chaumont-sur-Loire © Éric Sander

Confinés mais cultivés ! Faites entrer un peu de nature chez vous et célébrez le Printemps avec la Serre du Bonheur d'Agnès Varda, dernière installation de l'artiste, où dialoguent joyeusement tournesols et bobines.

Pour la Saison d’Art 2019 du Domaine de Chaumont-sur-Loire, Agnès Varda, disparue l’année dernière, a disposé ses œuvres dans les trois espaces de la cour des Jardiniers, qui évoque celle sur laquelle donnait sa maison, rue Daguerre, à Paris. Une semaine avant sa mort, la cinéaste âgée de 90 ans veillait encore à leur installation. C’est d’ailleurs elle qui avait proposé de participer à la Saison d’Art. « Elle se sentait en harmonie avec le lieu », se souvient Chantal Colleu-Dumond, directrice du Domaine de Chaumont. Et sur les bords de la Loire, elle a recréé son univers.

Agnès Varda, La Serre du Bonheur, installation dans les galeries de la cour des Jardiniers, Domaine de Chaumont-sur-Loire © Éric Sander

Une cabane de cinéma

On pénètre d’abord dans une cabane en forme de serre. Particularité : elle est constituée de l’assemblage des pellicules 35 mm d’une copie de son film, Le Bonheur. À l’intérieur poussent de joyeux tournesols (en plastique), évoquant ceux qui apparaissaient dans le générique du long-métrage sorti en 1965. Cette Serre du Bonheur, qui avait déjà été exposée au printemps 2018 à la galerie parisienne Nathalie Obadia, est la troisième « cabane de cinéma » imaginée par l’artiste, selon le principe du recyclage. En s’approchant de ses images, les plus avertis pourront se remémorer l’histoire heureuse de cette famille que vient broyer l’amour du mari pour une autre femme… Mais elle témoigne surtout de la passion d’Agnès Varda pour le septième art.

©Agnès Varda / Galerie Nathalie Obadia

Hommage à Nini

Elle avait également souhaité réaliser des pièces originales. À l’instar de L’Arbre de Nini, qui se dresse dans le deuxième espace. Composé d’un tronc sur lequel trône un chat de bronze, il ressuscite le souvenir de son chat Nini, qui avait l’habitude de se percher sur un arbre similaire, dans la cour de la rue Daguerre.

Agnès Varda, L’Arbre de Nini, installation dans les galeries de la cour des Jardiniers, Domaine de Chaumont, 2019. © ÉRIC SANDER.

Agnès Varda, L’Arbre de Nini, installation dans les galeries de la cour des Jardiniers, Domaine de Chaumont, 2019. © ÉRIC SANDER.

Amour et pommes de terre

Le plus émouvant est sans doute cette série de photos, À deux mains, accrochées dans le troisième espace. Le titre de chaque cliché est formé de deux prénoms, ceux des couples d’amoureux qui avaient accepté de joindre leurs mains devant son objectif, Annette (Messager) et Christian (Boltanski), JR et Prune (Nourry), Adel (Abdessemed) et Julie… Sur un fond de toile cirée, celle de sa table de cuisine, elles sont entourées d’une guirlande composée de patates en forme de cœur. Tout un symbole. Ces drôles de tubercules dont Agnès Varda avait fait un triptyque vidéo, en 2003, lors de la Biennale de Venise, l’avaient en effet introduite dans le monde de l’art.

Agnès Varda, À deux mains, photographie exposée dans les galeries de la cour des Jardiniers du Domaine de Chaumont, 2019 © ÉRIC SANDER.

Agnès Varda, À deux mains, photographie exposée dans les galeries de la cour des Jardiniers du Domaine de Chaumont, 2019 © ÉRIC SANDER.

Les trois vies d’Agnès Varda

« J’ai eu trois vies », disait Agnès Varda, photographe, cinéaste puis « artiste visuelle », et non « plasticienne », précisait-elle, espiègle, car un artiste ne « fabrique pas de plastique ». Elle a d’abord immortalisé Jean Vilar au Théâtre national Populaire (TNP) et, équipée d’un Leica, a parcouru la Chine et Cuba. Dans les années 1950, elle a ensuite bifurqué, « presque par hasard », vers le septième art. Elle est ainsi, en « autodidacte », devenue la seule réalisatrice estampillée « Nouvelle Vague », tournant parallèlement des documentaires dans ce style inimitable entre poésie et engagement social.
Mais c’est en 2003 qu’elle a entamé sa troisième existence, lorsque Hans Ulrich Obrist l’a conviée à la Biennale de Venise dont il était le commissaire. Pour sa plus grande joie. En effet, l’art la passionnait depuis longtemps. Avant même de pratiquer la photographie, elle avait suivi des cours à l’école du Louvre. Curieuse, elle aimait les musées, d’art ancien, moderne ou contemporain, les peintres flamands autant que Boltanski. Ses courts et longs métrages sont d’ailleurs truffés de clins d’oeil esthétiques. Le Bonheur, son premier film en couleurs (1965), s’inspirait de l’atmosphère des tableaux impressionnistes. Dans le portrait qu’elle avait brossé de Jane Birkin (1985), elle avait demandé à l’actrice de récréer des scènes puisées dans les toiles de Titien, Magritte ou Picasso. Et ce n’est pas un hasard si Patatutopia, la vidéo présentée à Venise, empruntait sa structure aux triptyques, référence aux retables de la Renaissance. Des pommes de terre rabougries en forme de coeur y tenaient la vedette…
Dès lors, les invitations se sont multipliées. En 2006, elle dévoilait à la Fondation Cartier sa première « cabane de cinéma », constituée des pellicules de ses films. Se sont enchaînées des expositions à la Biennale de Lyon ou au LACMA de Los Angeles et bien d’autres encore, de la Chine à la Suède. En 2017, elle coréalisait Visages, villages avec JR, qui l’avait entraînée sur les routes de France. L’aventure artistique d’Agnès Varda s’est achevée dans le merveilleux domaine de Chaumont- sur-Loire.

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