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De Marseille à Fox News : comment les essais de Didier Raoult sur la chloroquine ont convaincu Donald Trump
"Je suis comme Georges Brassens, mes travaux, s’ils n'en veulent pas, je les remets dans ma guitare."
Photo : La Provence/Valérie Vrel.

De Marseille à Fox News : comment les essais de Didier Raoult sur la chloroquine ont convaincu Donald Trump

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Le président des Etats-Unis a annoncé ce jeudi 19 mars avoir "approuvé" un recours à la chloroquine pour lutter contre le Covid-19 après des résultats "très encourageants". Ces résultats, ce sont ceux de Didier Raoult, nous assure le professeur français.

Ce pourrait être un tournant dans la lutte contre le coronavirus SARS-CoV-2. Ce jeudi 19 mars, lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, le président des États-Unis Donald Trump a "approuvé" un recours à la chloroquine pour lutter contre le Covid-19, expliquant aux Américains "pouvoir rendre ce médicament disponible quasiment immédiatement" car il a "montré des résultats préliminaires très encourageants". Mais quels sont ces résultats "très encourageants" ?
Le professeur Didier Raoult nous l'affirme : il a été mis au courant que c’est bien sur la base de ses travaux que Donald Trump a décidé de recourir à la chloroquine. "Je suis content à titre personnel, mais surtout pour les États-Unis et les vies potentiellement sauvées. J’aimerais avant tout que mon pays, la France, fasse de même." Il explique n'avoir aucun a priori politique : "Je n’ai jamais caché mes données à l’extérieur, tout en prévenant l’État français de ce que je faisais. Je ne suis pas responsables des démarches qui ont lieu par la suite."

L'influence des réseaux sociaux

Mais alors, comment les travaux de Didier Raoult seraient-ils arrivés entre les mains de Donald Trump ? Car il est vrai que fin février, le professeur Zhong Nanshan, un scientifique de renom et principal conseiller médical du gouvernement chinois, démontrait les effets positifs de la chloroquine sur le coronavirus. Mais quant à savoir qui a influencé Donald Trump, la temporalité plaide en la faveur de Didier Raoult.
Reprenons quelques temps en arrière : ce lundi 16 mars, le professeur marseillais a dévoilé les premiers résultats positifs de ses essais cliniques : sur 24 patients atteints du coronavirus, les trois quarts n'étaient plus porteurs du virus après six jours. Un succès qu'il attribue à la combinaison de la chloroquine avec une autre substance active, l’azithromycine, expliquait-il récemment à Marianne.

Dans la foulée de son annonce, les choses se sont accélérées : en France, le gouvernement a affirmé le lendemain qu’il allait "étendre cet essai clinique", avant que Sanofi annonce offrir des doses de Plaquenil (médicament à base de chloroquine) pour soigner 300.000 malades.

L'intérêt de Fox News

De l'autre côté de l'Atlantique, les travaux de Raoult ont aussi vivement attiré l'attention. Jusqu'à celle de Gregory Rigano, qui se présente comme "conseiller du programme de recherche translationnelle SPARK de l’Université de médecine de Stanford". Il n'est cependant pas médecin. Il n'est pas non plus affilié à l'école de médecine de Stanford - l'université tente activement de l'empêcher de revendiquer tout lien avec elle -, et est en réalité... avocat. L'homme est intervenu à plusieurs reprises dans l’émission du très influent Tucker Carlson ("Tucker Carlson Tonight"), et notamment ce jeudi 19 mars : "Le Président doit autoriser l’utilisation de l’hydroxychloroquine contre le coronavirus immédiatement. Ce médicament est sur le marché depuis 50 ans et son utilisation est sûre. Didier Raoult, l’un des meilleurs spécialistes au monde, basé dans le sud de la France, a obtenu des résultats très concluants."

Capture d'écran Fox News.

Et Carlson de répondre : "J'aimerais croire à cela, et je pense que si ce que vous dites est vrai, c'est une très grande nouvelle et nous devons tester ce médicament. Je vous remercie d'annoncer cela ici et j'espère que nous en entendrons parler rapidement."Et Tucker Carlson ne s'est pas trompé : Donald Trump annonçait le jour-même approuver le recours à la chloroquine. Il faut dire que Carlson, personnalité très influente dans les milieux conservateurs américains, s'enorgueillit d'avoir déjà fait changer d'avis le président des Etats-Unis. Après des semaines à minimiser les dégâts potentiels entraînés par le coronavirus, un monologue du présentateur avait fini par convaincre Donald Trump de prendre la crise au sérieux.

L'ATTENTION D'ELON MUSK

Dans la foulée de ses annonces sur Fox News, Gregory Rigano a auto-publié un article scientifique au format "Google Docs" pour reprendre et diffuser sur les réseaux sociaux américains les travaux du professeur Raoult Un article qui n'a, évidemment, alors jamais été approuvé par la communauté scientifique. Et ce lundi 16 mars, il recevait pourtant un soutien de poids, celui d’Elon Musk, 32,5 millions d’abonnés sur Twitter au compteur, et ancien membre du "conseil économique" que Donald Trump avait créé au début de son mandat.

"Il va peut-être falloir prendre la peine d'envisager la chloroquine pour traiter le C-19", écrit le milliardaire, accompagné d’un lien vers un document de Grégory Rigano, désormais inaccessible car ne respectant pas les conditions d'hébergement de Google. Le résumé de son étude reste néanmoins disponible sur son site. Mercredi 18 mars, Rigano a ensuite ajouté un lien vers les travaux de Didier Raoult dans un tweet partagé des milliers de fois.

Ce n'est que le lendemain que Donald Trump décide alors d'évoquer la chloroquine comme potentielle solution de sortie de crise. Dans la foulée de ses déclarations, le géant israélien des médicaments génériques Teva a annoncé qu'il allait offrir aux hôpitaux américains dix millions de doses d’hydroxychloroquine. Du côté de l’équipe de Didier Raoult, on garde ses précautions et la tête froide : "Nous sommes toujours au travail, on continue nos activités et la recherche sur le coronavirus, avec beaucoup de sollicitations des chercheurs européens. On travaille aussi à la santé des Marseillais, localement. Mais cette notoriété à l’international est appréciable."

"Je suis le spécialiste mondial de la chloroquine, mais si on ne m’écoute pas, je n’ai pas d’amertume, je m’en fiche"

"Quand Donald Trump parle de résultats prometteurs, il parle bien de nos travaux" affirme Didier Raoult à Marianne, même s'il concède qu'il est "difficile de savoir concrètement comment cela s'est passé". Concernant la situation française, il explique sa position : "J'ai du mal à comprendre pourquoi beaucoup de médecins français, notamment sur les plateaux de télévision, ne croient pas en mes travaux. Répéter que la chloroquine peut être dangereuse car on lui impute de potentiels effets secondaires sans même connaître la molécule, dans le contexte actuel, est irresponsable", déclare-t-il, avant d'ajouter : "Je suis le spécialiste mondial de la chloroquine, mais si on ne m’écoute pas, je n’ai pas d’amertume, je m’en fiche. Je suis comme Georges Brassens, mes travaux, s’ils n'en veulent pas je les remets dans ma guitare."

Reste que si la Food and Drug Administration (FDA) s'est dit prête à "abattre des barrières" pour favoriser les chances de soigner les patients américains, elle a aussi la responsabilité de garantir que les produits soient sûrs et efficaces. Stephen Hahn, son directeur, a déclaré ce jeudi qu’un "essai clinique étendu" allait être mis en place aux États-Unis. Du côté français, beaucoup de médecins sont toujours prudents quant à l'usage de la chloroquine, bien que le gouvernement ait lui aussi annoncé l’extension d’essais cliniques avec la chloroquine cette semaine. Didier Raoult restera-t-il blacklisté ? Réponses dans les jours à venir.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne