PIVERT Marceau, Souverain [nouvelle version]

Par Quentin Gasteuil

Né le 2 octobre 1895 à Montmachoux (Seine-et-Marne), mort le 3 juin 1958 à Paris (XVe arr.) ; instituteur puis professeur de mathématiques et de sciences physiques ; syndicaliste du SNI puis du SNEPS, militant associatif, membre du Parti socialiste-SFIO, dirigeant avec Jean Zyromski de la tendance Bataille socialiste, fondateur de la tendance Gauche révolutionnaire, fondateur du Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP), militant européiste, internationaliste, antistalinien, anticolonialiste.

Marceau Pivert (1932)
Marceau Pivert (1932)
cc Agence Meurisse

La trajectoire politique de Marceau Pivert est à bien des égards révélatrice des vicissitudes du socialisme français de l’entre-deux-guerres et de la IVe République. Représentant pendant plus de trente années de l’aile gauche du mouvement socialiste français, il a été, aux dires de tous ceux qui l’ont fréquenté, une personnalité marquante et attachante, tant par la constance de ses idées que par un dévouement et un désintéressement militants complets. Il s’est attaché, dans un XXe siècle troublé, à défendre sans discontinuer un socialisme révolutionnaire, scientifique, prolétarien et libérateur.

Marceau Pivert est le fils de Maximin Pivert, journalier agricole, et de Julie Aujard, bonne à tout faire chez l’instituteur de Montmachoux (Seine-et-Marne). Ils sont tous deux issus de familles de petits paysans dans lesquelles les traditions résistantes sont bien ancrées (athéisme, anticléricalisme). Le grand-père maternel de Marceau est libre penseur, son grand-père paternel militant radical-socialiste. Son père est lui militant de la « Libre pensée » et vote radical-socialiste, puis socialiste en 1914. Après la naissance de Marceau, Maximin et Julie prennent une petite boutique-bazar près de Montereau. Lorsque la moisson arrive, Maximin se fait embaucher comme journalier agricole afin de compléter les ressources du foyer. Après la naissance de leur deuxième fils Charles Pivert en 1899, Maximin et Julie prennent à Nemours en 1904 une pension-auberge de six chambres, au pied du château des Ducs. S’ils espéraient des revenus plus importants pour répondre aux besoins d’une famille agrandie, la vie reste difficile et Marceau, lorsqu’il n’est pas à l’école, occupe son temps entre le travail à l’auberge et le football pour lequel il se passionne. À la pension sont logés des typographes, des diamantaires, des ouvriers carriers parmi lesquels un dirigeant syndical guesdiste, ami de Maximin Pivert. Au sortir de l’école primaire de Nemours dirigée par un de ses cousins, l’instituteur Aujard, Marceau entre à l’école primaire supérieure (EPS) de Nemours et, bon élève, il y obtient en décembre 1911 son certificat d’études primaires. En 1912, il est admis à l’Ecole normale d’instituteurs de la Seine, à Auteuil. Deux ans plus tard, en juillet 1914, il obtient son brevet supérieur et, n’étant pas immédiatement mobilisable, il entre en octobre en stage comme élève maître à Malakoff-Centre. Cependant, il n’achève pas ses trois ans de scolarité normale car, à partir du 19 décembre 1914, il est encaserné près de Carcassonne avec la classe 1915. Il n’est pas à ce moment le jeune homme que sa trajectoire postérieure pourrait laisser imaginer. Farouchement patriote, c’est avec impatience qu’il attendait cette mobilisation. Il apprécie sa condition de soldat, l’armée, la hiérarchie qui y est à l’œuvre, et se montre fier de pouvoir combattre pour défendre la République contre l’ennemi qui la menace. Fin avril et début mai 1915, c’est dans le Bois-le-Prêtre, en Lorraine annexée, qu’il découvre le champ de bataille et les combats. Cependant, il est rapidement évacué pour jaunisse et hospitalisé à Toul. Contrairement à une légende tenace et largement reprise par l’historiographie, il n’a jamais été gazé. Sa situation s’aggrave, les maladies s’enchaînent, et il frôle la mort. Transféré à Voiron dans l’Isère, c’est à la fin de l’année 1915 qu’il sort enfin de l’hôpital. Le 1er octobre 1916, il est réformé temporaire avec un taux d’invalidité de 45% (qui montera jusqu’à 85% à la fin de sa vie), et définitivement réformé le 1er octobre 1917.

Dès 1916, il prend un poste d’instituteur à Montrouge et s’attache à compléter son bagage scientifique. A partir de 1917, il prépare parallèlement à sa mission d’enseignement le concours d’admission à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, qu’il intègre en 1919 dans la section des sciences. Curieux, avide de savoir, il suit en même temps les cours de philosophie du professeur Mélinand et élargit ses horizons : il lit Proudhon, Marx, Lafargue. Il suit divers enseignements de sciences humaines en Sorbonne (psychologie, sciences de l’éducation, sociologie). Preuve d’un esprit largement ouvert, le scientifique qu’il est soutient même en 1925 en Sorbonne un mémoire sur Constantin Pecqueur pour le diplôme d’études supérieures de philosophie. Les années 1919-1921 sont riches pour Pivert, sur le plan personnel comme sur celui de l’engagement. En 1919, il devient franc-maçon après avoir été initié en décembre à la loge Etoile Polaire (Grand Orient de France) et, en 1921, il se marie avec Germaine Boulleau. Avec des collègues, il crée une association de défense des instituteurs anciens combattants dont il est le secrétaire général, l’AGIFAC, qui se distingue par son corporatisme et son sexisme. L’AGIFAC fusionne avec les Compagnons de l’Université nouvelle, association qui s’occupe elle des anciens combattants du secondaire et du supérieur : c’est l’acte de naissance de la Fédération des anciens combattants de l’enseignement. Marceau Pivert en est le secrétaire général, Emile Borel le président. Preuve d’un engagement politique très modéré, il adhère également en 1920 ou 1921 au Parti socialiste français (PSF), scission de droite du Parti socialiste-SFIO créée en mars 1920 en opposition aux concessions faites à l’égard des futurs majoritaires qui créent quelques mois plus tard la SFIC.

A sa sortie de l’Ecole normale supérieure en 1921, il est affecté à l’Ecole primaire supérieure de Sens et chargé de la préparation en mathématiques du concours des Arts et métiers. Dans le cadre du PSF et de la Ligue de la République présidée par Paul Painlevé, il encourage le cartel des gauches (dont il exclut dans un premier temps les socialistes) et se frotte à la politique locale. Il écrit régulièrement entre 1922 et 1926 les « Chroniques du Père Charles » dans L’Avenir de l’Yonne, un petit journal servant de relais à l’opposition. Il s’agit de tribunes très virulentes contre les cinq députés Bloc national du département marquées par un ton laïque, anticlérical, et progressivement pacifiste voire antimilitariste. Cette activité politique n’est pas vue d’un bon œil par Pierre-Etienne Flandin, leader de la droite dans l’Yonne. Il demande au ministre de l’Instruction publique de sévir et, en 1922, l’inspecteur d’académie de l’Yonne demande le déplacement de Pivert pour « action révolutionnaire ». Le 10 janvier 1923, il est déféré devant le conseil départemental de l’enseignement primaire de l’Yonne. Il n’est pas déplacé d’office, mais la droite lui propose l’exil dans une petite localité du Jura. Pivert demande lui à être déplacé dans la Seine. Sa requête lui est accordée, mais à condition qu’il accepte de prendre un poste d’instituteur, ce qui signifie la rétrogradation ainsi que l’abandon de sa carrière de professeur et des titres acquis par ses deux années à l’ENS. Il accepte, peut-être parce que sa fille Jacqueline vient de naître et qu’il faut désormais assumer financièrement cette responsabilité. Politiquement, Pivert se déporte progressivement sur sa gauche. Il rompt en 1924 avec le PSF, et adhère en avril de la même année à la SFIO dans la fédération de l’Yonne qu’il s’attache à réorganiser. Il se situe dans l’aile la plus modérée et la plus participationniste, et se définit avant tout comme un républicain. Peu à peu, la politique du Cartel au pouvoir le déçoit, et ses propos prennent une coloration de plus en plus anticapitaliste, antimilitariste et classiste.
Désormais parisien (il réside dans le XVe arrondissement), il s’investit dans le militantisme laïque et se préoccupe majoritairement des questions d’enseignement. Il est membre de nombreuses associations (comité directeur des Compagnons de l’Université nouvelle, membre du bureau national du Syndicat national des instituteurs, membre de la Ligue des droits de l’homme, membre du conseil général de la Ligue de l’enseignement), et s’engage dans le combat en faveur de l’école unique et de la nationalisation de l’enseignement. En décembre 1931, il est élu membre du bureau national du SNI (qu’il quitte un an plus tard) et en 1932 il publie L’Eglise et l’Ecole (préfacé par Léon Blum). Il y plaide pour un anticléricalisme prolétarien opposé à la conception bourgeoise de la laïcité. A la rentrée 1932, il est réintégré dans son corps d’origine et enseigne à l’EPS de Rambouillet, après avoir été reçu quelques années plus tôt au concours national de l’inspection primaire et de la direction des Ecoles normales. Il n’occupera jamais de poste que lui aurait permis ce succès, refusant par exemple l’inspection primaire de Lannion en 1929. Il exerce ensuite jusqu’à la Seconde Guerre mondiale dans le cours complémentaire de la rue Saint Ferdinand (Paris), puis à l’EPS de Suresnes. L’enseignement apparaît chez Pivert comme une véritable vocation. Lucien Weitz, qui fut son élève avant d’être son camarade en politique, relate, un an après la mort de Pivert, sa première arrivée en classe : « Marceau était entré dans notre classe d’adolescents d’un cours complémentaire d’un pas décidé, le regard sévère, le geste large et péremptoire, mais souriant à pleines dents. Aucun de nous ne pouvait se tromper : il ne faudrait pas broncher avec le nouveau prof’ de maths et de physique. Vite, nous devions découvrir que, chez ce maître, ce qui dominait, c’était le sourire, expression de sa bonté, de son équité, de son souci profond de nous connaître, de nous comprendre, de nous aider. Sévère et exigeant pour le travail, Marceau était le frère aîné de ses élèves : il aimait avec passion son métier ; c’était un grand pédagogue ». Ses rapports d’inspection confirment eux-aussi, année après année, ses grandes qualités de professeur.

Parallèlement à cet engagement laïque et de manière complémentaire, Pivert s’investit de plus en plus dans la SFIO. Même s’il vit à Paris, c’est l’Yonne qu’il représente aux congrès nationaux de 1925 et 1926. Son déplacement politique vers la gauche est marqué par son intégration en 1927 de la tendance Bataille socialiste, dans laquelle il en vient à défendre des thèmes tels que l’action autonome de la classe ouvrière ou la nécessaire utilisation par cette dernière de la voie révolutionnaire contre la légalité bourgeoise. Les rencontres parisiennes et les déceptions du Cartel jouent un grand rôle dans cette évolution. A bien des égards, la Bataille socialiste est une véritable école de formation politique pour Pivert. En 1927, il quitte la fédération de l’Yonne pour intégrer celle de la Seine, et s’installe dans la XVe section qui devient progressivement son bastion, ainsi qu’une des sections les plus ouvrières. Il est dans cet arrondissement candidat malheureux lors de plusieurs élections. Il devient suppléant à la commission exécutive fédérale (CEF) au titre de la Bataille socialiste, et lorsque Jean Zyromski devient secrétaire de la Fédération, Pivert en rejoint le bureau fédéral en tant que secrétaire administratif. Il apparaît alors comme le second de Zyromski au sein de la tendance, dirige avec lui la Fédération nationale des étudiants socialistes, collabore à la Bataille socialiste (journal de la tendance) et donne de nombreuses conférences à Paris comme en province. En 1930, Pivert et Zyromski démissionnent conjointement du secrétariat de la Fédération pour protester contre la décision de la majorité du conseil fédéral de ne pas se désister au deuxième tour d’une législative partielle en faveur du candidat communiste. Cependant, cette démission est de l’ordre du symbole, car ils n’en restent pas moins tous les deux les figures de proues de la CEF. Quel rapport Pivert entretient-il avec les communistes, l’autre grande famille du mouvement ouvrier ? Il se prononce à cette époque pour l’unité d’action avec les communistes, pense que l’expérience russe revêt un caractère socialiste et signe en 1930 avec Zyromski l’appel des 22 en faveur de la réunification syndicale (voir Pierre Monatte). Ces positions vis-à-vis des communistes et de l’URSS sont aux antipodes de l’antistalinisme virulent dont il fait preuve après-guerre. Ses relations avec le mouvement communiste durant les années 1930 et pendant la Seconde Guerre mondiale, nous y reviendrons, expliquent cette évolution radicale.

Les années 1930 sont celles de l’acquisition d’une nouvelle dimension dans la SFIO. Justinien Raymond* brosse ainsi son portrait : « Ses traits et son allure physique, sa personnalité morale lui composaient un personnage distingué et séduisant. Grand et svelte, une figure au regard à la fois fulgurant et bon et encadrée d’une belle chevelure brune qui restera abondante en prenant la teinte de l’âge, ardent, courageux, généreux, doué d’une éloquence entraînante qu’il savait ne point trop encombrer de théorie, devant les grands auditoires, Marceau Pivert a suscité beaucoup d’amitié et de dévouement parmi les militants, mais aussi agacé l’appareil d’un parti vieillissant que sa rigueur doctrinale encombrait. » Refusant tout dogmatisme figé, Marceau Pivert apparaît comme un partisan sincère de la liberté des masses populaires et de leur expérimentation collective du réel afin d’avancer, lutte après lutte, sur le chemin d’une révolution qu’elles doivent elles-mêmes prendre en main. A cet effet, il préconise l’éducation de chacun afin de développer l’esprit critique et de s’opposer à l’obscurantisme et aux vérités toutes faites. Toutefois, au sein de la Bataille socialiste, des divergences entre Pivert et Zyromski commencent à apparaître. Le refus catégorique de la participation gouvernementale socialiste, un des marqueurs identitaires les plus affirmés de la tendance, s’atténue progressivement, au grand dam de Pivert. Divergence qui n’apparaît pas encore comme fondamentale, puisque celui-ci est élu en 1933 à la Commission administrative permanente (CAP), l’organisme dirigeant du Parti, comme représentant de la Bataille socialiste.
Le 6 février 1934 le projette sur le devant de la scène. En effet, il fait preuve à partir de cet événement d’une intense activité en faveur d’une nécessaire riposte ouvrière à ce qu’il considère comme une tentative de coup de force fasciste. Son action se déploie alors sur plusieurs plans, et joue un rôle déterminant dans les évolutions politiques à gauche qui rendent possible l’avènement du Front populaire. Dès le soir des émeutes, il prend l’initiative avec Zyromski et Emile Farinet d’aller proposer l’unité d’action aux communistes, mais reçoit une fin de non-recevoir. Qu’à cela ne tienne ! Des réunions avec les trotskystes sont organisées (Yvan Craipeau*, Pierre Frank*, Gérard Rosenthal*), des comités d’initiatives locaux sont mis en place (comprenant parfois des communistes, comme à Saint-Denis où des contacts sont pris avec le dirigeant dionysien Jacques Doriot*). Pivert doit faire face à la réticence de la direction de la SFIO vis-à-vis de toute unité d’action, ainsi qu’aux attaques incessantes des communistes vis-à-vis des socialistes. Il faut attendre mai-juin 1934 et le changement de cap à 180 degrés de l’Internationale communiste pour que l’unité d’action devienne finalement possible : le pacte d’unité d’action est signé le 27 juillet 1934 mais Pivert, fait notable, ne fait pas partie de la délégation socialiste. Il s’investit également dans l’organisation de l’autodéfense socialiste. Dès le 7 février 1934, il fait parti du Comité permanent de vigilance créé par la CAP de la SFIO, avec Léon Blum*, Vincent Auriol*, Just Evrard*, Emile Farinet*, Paul Faure*, Jean-Baptiste Lebas*, Jean Zyromski* et Eugène Descourtieux*. Ce groupe a pour mission de préparer et de développer l’autodéfense des fédérations socialistes, notamment en continuant la réorganisation des Groupes de défense socialistes commencée au printemps 1933. Dans ce sens, Pivert multiplie les réunions avec les secrétaires de section et avec les Groupes de défense. Il apparaît au sein du Parti comme un des partisans les plus résolus d’une action révolutionnaire appuyée sur les groupes d’autodéfense. Il estime que fascisme et socialisme sont engagés dans une lutte à mort, et que la classe ouvrière doit se préparer à assumer ses responsabilités. Autodéfense prolétarienne et prise de pouvoir ouvrière sont donc pour lui intimement liées, ce qui n’est pas du tout du goût de la direction du Parti qui désavoue, lors du Congrès de Toulouse de mai 1934, la radicalité de ses prises de position. Cependant, il fait bien partie de la commission spéciale chargée de la coordination des groupes de défense nommée par la CAP à l’issue du Congrès. Il s’y trouve aux côtés de Vincent Auriol, Léon Blum, Paul Faure, Jean Zyromski et René Descourtieux*. Responsable de l’autodéfense socialiste dans la fédération de la Seine à partir d’octobre 1934, il la réorganise largement en créant les « Toujours prêts pour servir » (TPPS) qu’il qualifie d’ « organe officiel de l’autodéfense active du parti dans la région parisienne ». Ces TPPS sont mieux organisés, mieux armés, mieux formés que les anciens Groupes de défense, et largement recrutés dans la 15e section pivertiste. Cependant, l’autodéfense est à son tour responsable de dissensions au sein de la Bataille socialiste : si Pivert est favorable à « l’autodéfense active » (une contre-offensive est nécessaire à toute action défensive), la CEF de la Seine, majoritairement acquise à Zyromski, souhaite que la contre-offensive ne se fasse qu’après décision des instances fédérales. C’est finalement la position pivertiste qui finit par s’imposer au sein de la Fédération, pivertistes et zyromskistes parvenant à dépasser leurs querelles en s’accordant sur l’importance primordiale de l’autodéfense. Pivert met lui même la main à la pâte : il n’est pas rare de le voir diriger les actions des TPPS contre les militants des ligues d’extrême-droite, et prendre une part active aux bagarres. La question de l’armement des TPPS est aussi un facteur de tension entre Pivert et la direction du Parti, qui l’accuse de « blanquisme ». Il doit ainsi préciser que l’armement du prolétariat consiste « simplement » à repérer où sont les stocks d’armes de l’ennemi pour pouvoir éventuellement s’en emparer. Plus fondamentalement, c’est la distinction entre la prise du pouvoir et l’exercice du pouvoir, théorisée par Léon Blum, qui pose ici problème. Pivert partage la direction des TPPS avec des militants du Groupe bolchevik-léniniste (GBL), trotskystes ayant décidé d’intégrer la SFIO et d’y créer leur tendance. Parmi eux, on trouve par exemple Henri Molinier* (aussi appelé Marc Laurent) et Georges Balay*. C’est que les trotskystes, après leur adhésion à la SFIO, se sont vite rapprochés de Pivert et de ses amis, et dirigent également avec les pivertistes la gauche des Jeunesses socialistes de la Seine. Pivert rend même visite à Trotsky à Domène, dans l’Isère, en mars 1935. Régulièrement qualifié de trotskyste, il s’en défend pourtant : ses conceptions sur la nature et les méthodes d’un parti ouvrier sont radicalement différentes de celles de Trotsky. Ce compagnonnage au sein du Parti s’achève toutefois rapidement, même si Pivert reste encore proche des trotskystes : entre septembre et décembre 1935, ceux-ci sont exclus de la SFIO. S’ils émettent un avis très positif sur le positionnement politique de Pivert, les trotskystes n’en souhaitent pas moins le voir rompre avec la Bataille socialiste. Cette rupture, déjà latente au vu des désaccords qui émergent sur les questions de la participation gouvernementale et de l’autodéfense socialiste, est consommée à la fin de l’année 1935. Pivert et Zyromski se divisent en effet sur les questions de la guerre et de la paix. Pour Zyromski, toute défense nationale en régime capitaliste n’est pas exclue, particulièrement face à la montée du fascisme en Europe et en France. Zyromski est prêt à repousser la révolution à plus tard, afin de privilégier la lutte antifasciste. Pivert est opposé à ces conceptions. Résolument pacifiste et internationaliste, il défend le défaitisme révolutionnaire, souhaite en cas de guerre la grève générale pour la conquête du pouvoir, ainsi que la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile. En juillet 1935, Zyromski et la Bataille socialiste approuvent l’exclusion de 13 dirigeants des Jeunesses socialistes de la Seine, alors que ceux-ci sont soutenus par Pivert et, fin septembre 1935, la majorité zyromskiste de la fédération de la Seine repousse le rapport présenté par Pivert en tant que responsable de l’autodéfense. Il n’a clairement plus sa place à la Bataille socialiste : le 20 septembre 1935 se tient la réunion constitutive de sa nouvelle tendance, la Gauche révolutionnaire (GR).

La Gauche révolutionnaire regroupe des anciens de la Bataille socialiste, mais surtout des militants des fédérations de la Seine et de la Seine-et-Oise. La 15e section apparaît rapidement comme le fief de la nouvelle tendance. Celle-ci est marquée par son hétérogénéité politique : on y trouve des hommes tels que René Lefeuvre, Maurice Jaquier, Claude Beaurepaire, Georges Soulès (appelé Raymond Abellio), Louis Périgaud, Lucien Hérard, Henri Barré, Boris Goldenberg ou encore Michel Collinet. La tendance se dote d’un journal interne, Gauche révolutionnaire, qui, sous le titre de Masses et avec un contenu un peu modifié, est vendu à l’extérieur du Parti. Le positionnement de la tendance est clair : le 9 octobre 1935, dans la tribune libre du Populaire, Pivert en appelle au Parti pour entreprendre « un effort de restauration des valeurs révolutionnaires et de liquidation des idéologies pacifistes et réformistes ». Sur le plan international, la GR se situe dans la mouvance du Bureau de Londres, aussi appelé « Internationale deux et demi ». Elle n’en fait cependant pas formellement partie, car en tant que tendance de la SFIO elle ne peut être affiliée à une autre organisation internationale que l’IOS. Autre point : les militants de la Gauche révolutionnaire, comme plus tard du PSOP, apparaissent en pointe dans le mouvement socialiste français sur les questions coloniales. Ainsi, ils appellent à un réexamen complet et radical des relations entre la métropole et ses colonies, position minoritaire au sein de la SFIO. Dès la naissance de la GR, le cinquième point de sa plate-forme politique met d’ailleurs l’accent sur la nécessaire libération des peuples coloniaux, sans toutefois se prononcer pour l’indépendance. Par rapport à ces enjeux, c’est Daniel Guérin qui, au sein des pivertistes, occupe une place centrale et influence les positions de la tendance. Cette orientation permet à la Gauche révolutionnaire de bénéficier d’un capital de sympathie important parmi les organisations de populations coloniales. Le 14 juillet 1935 par exemple, l’Etoile nord-africaine de Messali Hadj défile en compagnie des pivertistes. Toutefois, les réseaux sont plus larges : Indochine, Madagascar, Maroc, Tunisie, etc.
La Gauche révolutionnaire ne naît pas dans un contexte apaisé. En effet, elle est dans la ligne de mire de la direction de la SFIO, accusée de vouloir utiliser les TPPS (majoritairement dirigés par la Gauche révolutionnaire) comme instrument de prise de pouvoir, en en faisant des milices populaires. De plus les Jeunesses, soutenues par Pivert, ne sont toujours pas en odeur de sainteté dans le Parti. Enfin, les communistes, inquiets de l’audience potentielle de la nouvelle tendance, s’en prennent désormais clairement à Pivert. Malgré tout, celui-ci n’en continue pas moins de se dévouer corps et âme pour son Parti, et particulièrement pour sa propagande, un domaine pour lequel il se passionne. Il est membre de la commission de propagande de la SFIO et secrétaire de la sous-commission des techniques modernes. En 1935, il crée le service cinématographique de la fédération de la Seine qui donne naissance à deux films, réalisés avec l’aide de Robert Talpain et Marcelle Talpain*, La Commune et Les Bastilles, 1789-1935. En mai 1936, un nouveau film est produit : L’attentat contre Léon Blum. Dans le même ordre d’idées, sa rencontre avec Serge Tchakhotine* (qui se fait aussi appeler Docteur Flamme) s’avère très fructueuse dans l’organisation de manifestations et de meetings, ainsi que dans le développement de la symbolique socialiste. Discipliné, Marceau Pivert se rallie à la politique du Front populaire, avec cependant quelques nuances. Face à un programme trop modéré, il préconise avec la Gauche révolutionnaire à partir de janvier 1936 un « Front populaire de combat », appuyé sur l’unité d’action de la classe ouvrière et un véritable mouvement populaire destiné à franchir la « dernière marche » du processus révolutionnaire. Il participe à la campagne électorale dans la circonscription de Javel du 15e arrondissement ; c’est un échec personnel (mais pas politique), puisque le communiste Charles Michels est élu.
Après la victoire du Front populaire, il écrit dans Le Populaire un article passé à la postérité : « Tout est possible ». Souvent réduit à son simple titre alors que son contenu est plus mesuré, cet article marquera durablement l’identité politique de Pivert dans le mouvement socialiste français. Le mouvement de grèves qui se déclenche après la victoire reçoit tout son soutien, car il le considère comme une manifestation de la capacité de la classe ouvrière à prendre le pouvoir, et non pas simplement à l’exercer comme le souhaite Léon Blum. En accord avec ses camarades de la Gauche révolutionnaire (sauf Daniel Guérin), Pivert accepte un poste de chargé de mission à la présidence du Conseil, sous la responsabilité du secrétaire général Jules Moch*. Il y est en charge de la presse, de la radio (Paris-PTT, Radio-Paris, Radio-colonial), du cinéma, et s’y entoure notamment de Pierre Paraf, Pierre Brossolette et Louis Vallon.
Lorsque se déclenche la guerre d’Espagne, malgré ses amitiés avec le Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM) et ses discours aux meetings de celui-ci en septembre à Barcelone, il soutient dans un premier temps la non-intervention préconisée par Léon Blum. En effet, il craint la transformation de cette guerre civile en un conflit mondial. Toutefois, il estime que si le gouvernement n’intervient pas, la classe ouvrière n’est pas obligée de faire de même. La Gauche révolutionnaire, autour de Maurice Jaquier, organise alors le soutien depuis Perpignan, faisant passer des camions d’armes vers Madrid et Barcelone. Pivert, de son côté, tâche d’aider les Républicains autant que son poste à la présidence du Conseil lui permet : il fait diffuser des informations, ou facilite l’acquisition d’armes. A la Gauche révolutionnaire cependant, ce positionnement en faveur de la non-intervention est de plus en plus critiqué. En décembre 1936, des militants en désaccord avec cette ligne (Michel Collinet, Colette Audry, Claude Beaurepaire, Edouard Labin – dit Jean Prader –, André Weil-Curiel, Lucien Weitz) fondent le Comité d’action socialiste pour la levée de l’embargo (CASPLE), qui devient en janvier 1937 le Comité d’action socialiste pour l’Espagne (CASPE). Les illusions de Pivert sur la tactique de la non-intervention se dissipent rapidement. Il adhère au CASPE, et se montre de plus en plus sensible aux arguments de ses camarades de la GR interrogeant sa participation au gouvernement. Par ailleurs, apprenant le sort réservé par les activistes communistes aux militants anarchistes, syndicalistes, trotskystes ou socialistes révolutionnaires espagnols, son opposition au mouvement communiste s’exacerbe et il fait de ces événements, rétrospectivement, le point de départ de son antistalinisme viscéral. Enfin, lorsque Léon Blum annonce la pause, c’en est trop pour Pivert : il démissionne le 1er mars 1937.

Entre le Front populaire et la guerre d’Espagne, les pivertistes sont de plus en plus marginalisés au sein du Parti socialiste, et la direction en profite pour s’attaquer à la Gauche révolutionnaire. Les Jeunesses socialistes se sont en effet exprimées avec virulence contre la répression de la contre-manifestation organisée pour faire pendant au meeting du PSF du colonel de la Rocque à Clichy : une militante de la Gauche révolutionnaire, Solange Demangel, trouve la mort. A ce titre, 22 exclusions sont prononcées dans les Jeunesses, et Pivert se solidarise avec ses jeunes camarades. C’est ensuite le tour de la Gauche révolutionnaire d’être mise en accusation pour avoir publiquement critiqué l’action des ministres socialistes. Plutôt que l’exclusion, Pivert accepte lors du Conseil national de Puteaux (18 avril 1937) la dissolution de la tendance, estimant la rupture avec le Parti prématurée. Ce choix lui sera souvent reproché. Cette dissolution a surtout valeur de symbole, puisque la Gauche révolutionnaire est désormais la « minorité de la CAP », Les Cahiers rouges remplacent la Gauche révolutionnaire, les pivertistes glanent 16,5% des mandats au Congrès de Marseille de juillet 1937 et prennent même en janvier 1938 la fédération de la Seine. En même temps qu’il dénonce en URSS les procès de Moscou, Pivert s’oppose alors à l’union nationale autour de Léon Blum après la démission de Camille Chautemps (mars 1938), puis organise une manifestation contre le Sénat (6 avril 1938) qui vient de refuser les pleins pouvoirs financiers au dirigeant socialiste auquel la droite ne s’est finalement pas ralliée. Pivert s’attire à nouveau les foudres du Parti et le 11 avril 1938 il est suspendu par la commission des conflits de toute délégation pour trois ans. Le même jour, la CAP dissout la fédération de la Seine. Faut-il faire scission ? Si les avis sont partagés au sein de la Gauche révolutionnaire, Pivert finit par s’y résoudre. Lorsque le congrès de Royan (4-8 juin 1938) approuve la dissolution de la Fédération, c’est la rupture : les pivertistes fondent un nouveau parti, le Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP).

Dans le nouveau parti qui compte sept à huit mille militants (contre trente mille voix environ pour la Gauche révolutionnaire), Pivert est secrétaire politique, poste qu’il partage avec Lucien Hérard. L’organisation se dote d’un hebdomadaire, Juin 36, précédemment journal de la direction pivertiste de la fédération de la Seine de la SFIO, et un nouveau film voit le jour : Contre le courant (novembre 1938). Pivert n’est désormais plus protégé par son statut de socialiste SFIO ; le PCF s’en prend alors physiquement à lui et à ses camarades à plusieurs reprises. Lors des accords de Munich, un flottement se fait sentir au sein du PSOP, mais c’est finalement l’acceptation qui prévaut. Quelles sont les motivations de cette attitude munichoise ? On peut avancer la volonté de ne pas se couper des pacifistes intégraux présents au sein du PSOP, ainsi que l’idée que ce compromis temporaire est bénéfique : c’est là la position de Pivert. Si dans un premier temps la naissance du PSOP est vécue comme une véritable libération, permettant enfin de s’émanciper d’un Parti socialiste oppressant, les problèmes ne tardent pas à miner la jeune formation. Dès la fin de l’année 1938, les effectifs décroissent. De plus, dans un contexte de plus en plus troublé, des divisions se font jour. La direction du PSOP doit composer avec un certain nombre d’adhérents professant un pacifisme intégral alors que Pivert, dans un contexte international désormais différent, privilégie la lutte antifasciste comme vecteur de révolution par rapport au défaitisme révolutionnaire, tout en continuant à s’opposer à l’union sacrée. De plus, un débat sur la compatibilité entre l’adhésion au PSOP et à la franc-maçonnerie, qui concerne beaucoup de dirigeants du parti, divise les militants. Enfin, un dernier problème touche les trotskystes qui ont rejoint le PSOP. Ils sont entrés dans le Parti sans avoir le droit d’y constituer une tendance, après que la fusion proposée par Trotsky entre le PSOP et le POI, section française de la IVe Internationale, a été repoussée. Or ils sont accusés d’activité fractionnelle, et une offensive antitrotskyste vigoureuse est menée au sein de l’organisation. Sur les questions coloniales, le PSOP participe à l’éphémère Bureau de défense des peuples coloniaux créé en 1939. De même Pivert, farouche internationaliste, n’a pas tiré un trait sur ses relations avec les organisations étrangères amies en quittant la SFIO (POUM, ILP britannique, ILLA américaine entre autres). Il rejoint avec le PSOP le Front ouvrier international contre la guerre (FOI) et le Centre marxiste révolutionnaire international (CMRI), organisations issues du défunt Bureau de Londres. Le 23 août 1939, Pivert s’embarque pour New York afin d’assister au congrès de l’Independent Labour League of America de Jay Lovestone et d’y prononcer une série de conférences. Il a pour mission de rester aux Etats-Unis si la guerre se déclare et d’y faire fonctionner, en liaison avec Daniel Guérin, René Modiano et Hélène Modiano réfugiés à Oslo, le secrétariat international du FOI. Alors qu’il est déjà parti, Pivert est inculpé pour propagande antimilitariste (son nom se trouve sur un tract du PSOP distribué après son départ). Peu à peu, sans son leader, le PSOP se disloque : certains souhaitent passer dans la clandestinité, d’autres maintenir une activité à la limite de la légalité. Entre la répression qui s’abat sur le parti pivertiste et des dissensions internes, la CAP du PSOP tient sa dernière réunion le 20 novembre 1939. Quelques mois plus tard, voire même avant, il est clair que le PSOP a disparu.

C’est la première fois que Marceau quitte l’Europe. Afin de régulariser sa situation, il fait parvenir dès le 30 septembre à l’administration française une demande de congé maladie accompagnée d’un certificat médical. Malgré cela, à partir du 1er octobre, son traitement est supprimé, et il est révoqué 6 mois plus tard. Il s’attache à faire fonctionner le secrétariat du FOI, et écrit au général de Gaulle le 25 juin 1940 pour lui demander de diffuser l’appel du FOI préconisant, pour abattre Hitler, la fraternisation révolutionnaire internationale entre les marins, les soldats, les ouvriers et les paysans français, anglais et allemands. Hormis une réponse polie, il n’obtient rien de plus. S’il se réjouit de découvrir l’Amérique, il est miné par l’éloignement de sa femme et de sa fille et connaît des difficultés matérielles de plus en plus importantes. Son intervention en avril 1940 aux côtés d’Angelica Balabanoff* lors d’un meeting du Parti socialiste américain le met dans le collimateur de l’administration américaine. Celle-ci, en partie influencée par l’ambassadeur de France, décide de ne pas renouveler son titre de séjour. L’asile politique lui est accordé au Mexique, et il arrive le 24 juillet 1940 à Mexico. Très vite, il s’installe avec Julian Gorkin* et Samuel Diamant (frère de David Diamant* ?), un réfugié politique juif. En septembre 1940, les trois hommes sont rejoints par Enrique Gironella*. Si Pivert ne voit pas Trotsky avant son assassinat, il monte cependant avec Gorkin la garde d’honneur autour de son cercueil le 22 août. Progressivement, de nombreuses difficultés apparaissent : l’argent vient à manquer, les conditions de logement sont précaires, il a des problèmes de santé (coliques néphrétiques) et ses relations avec Gorkin se dégradent. Il continue toutefois à écrire et, le 28 juin 1940, il achève De Versailles à Compiègne ¿ A dondé va Francia ? (Où va la France ?) dans lequel il commence à théoriser un monde divisé en trois camps : les deux premiers sont ceux du capitalisme libéral et des régimes totalitaires, le troisième regroupant, au sein des deux premiers, les populations dominées, souffrantes et éprises de liberté que les socialistes doivent rallier à leur bannière. Il reconstitue également ses liaisons internationales et reprend contact avec ses camarades français, multipliant conseils et propositions (notamment de travailler avec la résistance gaulliste), sans vraiment se rendre compte de la situation dans laquelle les anciens du PSOP et, plus largement, les socialistes se trouvent en France. Lorsque l’URSS entre en guerre, Pivert appelle à soutenir l’Armée rouge, au nom de la défense du peuple russe et non pas de Staline. Au Mexique, Pivert a encore accentué son opposition au mouvement communiste car il est à nouveau touché, comme au temps du PSOP, dans sa chair. Les activités publiques du comité d’aide aux victimes du fascisme qu’il anime à Mexico sont perturbées par les communistes mexicains, attaques qui redoublent d’intensité quand Victor Serge*, le 5 septembre 1941, arrive lui aussi en exil à Mexico. Le 30 novembre 1940 déjà, la maison que les compagnons occupent avait été attaquée à deux reprises, et Gorkin avait échappé à des tentatives d’enlèvement. La presse communiste se déchaîne contre eux et, en janvier 1942, le plénum du PC mexicain appelle même à la « suppression » de Pivert, Serge et Gorkin. Dans le viseur des communistes se trouvent désormais, avec eux, Gustav Regler*, un écrivain allemand ayant commandé les Brigades internationales devant Madrid. Ils reçoivent le soutien de leurs réseaux internationaux et, en mai 1942, publient une brochure : « La GPU prépare un nouveau crime ». Début 1943 encore, lors d’un meeting de protestation contre l’assassinat sur ordre de Staline des militants du Bund Victor Alter* et Henryk Ehrlich*, les communistes font le coup de force. C’est la police mexicaine qui, ce jour, sauve la vie de Pivert et ses compagnons, en intervenant au moment où Pivert et Serge sont « derrière la dernière barricade, revolver au poing ». Gorkin et Gironella sont eux blessés à la tête. Contrairement à ses camarades restés en France, Pivert ne voit du communisme que les attaques en règle des staliniens, communistes fanatisés : ce rapport s’avère déterminant dans le positionnement qu’il prend après-guerre. Passées les premières difficultés, la situation personnelle de Pivert va en s’améliorant. Il donne des cours de français, écrit un livre de physique, crée une classe de mathématiques élémentaires (« maths-élém ») au lycée franco-mexicain dans laquelle il enseigne les mathématiques et la physique. Au cours du deuxième semestre 1941, sa femme Germaine et sa fille Jacqueline le rejoignent à Mexico. Lorsque Paul Rivet* crée l’Institut français pour l’Amérique latine (IFAL) fin 1944, Pivert en devient le secrétaire général. C’est alors un vrai succès : il y enseigne la physique nucléaire, donne des conférences d’ « initiation à la connaissance du peuple français » pendant que, dans le même temps, Germaine et Jacqueline y enseignent le français. Sur le plan politique, son activité alterne périodes fastes et périodes creuses. Progressivement, de nombreux désaccords sont apparus avec Serge et Gorkin et en juillet 1942 le secrétariat du CMRI, dont Pivert a aussi la charge, cesse ses activités. Dans le même temps, il se réjouit de l’insertion des pivertistes dans la Résistance début 1942, lorsque Marie-Gabriel Fugère crée à Lyon L’insurgé, journal doublé d’un mouvement du même nom qui aide les maquis et commet des sabotages. Il dénonce par contre ceux qui, groupés dans le Mouvement national révolutionnaire (MNR), lorgnent du côté de Vichy. Dans les pays totalitaires, il appelle à lutter clandestinement ; dans les pays combattant le fascisme, il souhaite voir un soutien sans faille du prolétariat, sans céder au nationalisme. Mexico est le lieu d’un véritable bouillonnement intellectuel lié aux nombreux exilés politiques qui y ont trouvé refuge. Au fur et à mesure des débats, ils mettent en place un mouvement appelé Socialisme et liberté qui réunit des militants de la CNT, de l’UGT, du PSOE, du POUM et de la FAI espagnols, du PSOP, du SAP allemand ou encore de l’opposition soviétique de gauche. En août 1943, ils créent une Commission des relations internationales avec l’objectif de préparer les bases d’une nouvelle Internationale. L’exil doit pourtant toucher à sa fin. Dès décembre 1943, Pivert a demandé à rentrer en Algérie et à être réintégré, mais c’est surtout à partir de septembre 1944 que les démarches se font plus actives. Jacqueline part la première, mais Marceau et Germaine doivent la suivre rapidement, notamment parce qu’ils ont tous les deux des problèmes de santé : Marceau a été victime de plusieurs crises cardiaques et Germaine à un ulcère au duodénum. En attendant de rentrer, Pivert prépare politiquement son retour. Il souhaite que le PSOP soit reconstitué : à cet égard, sa méconnaissance de la situation en France et des trajectoires diverses des anciens militants est criante. En effet, certains ont réintégré la SFIO ou ont rejoint les rangs du PCF, d’autres sont encore dans l’attente. Pivert pense qu’il est possible de s’appuyer sur le groupe de L’Insurgé (dont il surestime le poids et ignore la dynamique unitaire qui le lie au PCF) pour mettre en place un mouvement lié au groupe international Socialisme et liberté. Il n’en est pas moins conscient de la difficulté d’avoir une idée claire de la situation depuis Mexico, et repousse sa décision à son retour en France. Le voyage s’effectue entre février et avril 1946, et sa décision est rapidement prise : il rejoint la SFIO. Le 18 août 1945 déjà, le conseil fédéral de la Seine avait voté en faveur de sa réintégration. Celle-ci est finalement officialisée lors du 38e Congrès tenu à Paris (29 août – 1er septembre 1946). Dans l’univers politique de Pivert à son retour en France, une chose au moins est nette et ne laisse plus de doute dans son esprit : rien n’est possible avec le PCF, inféodé au régime totalitaire et contre-révolutionnaire en vigueur en URSS mis en place par Staline. De près ou de loin, les multiples engagements qu’il prend à partir de 1946 sont conditionnés par la nécessité qu’il assigne au mouvement socialiste de lutter contre ce qu’il appelle le « stalinisme » et les « staliniens ».

Guy Mollet* prend, lors du congrès qui voit la réintégration de Pivert, la tête du Parti en préconisant un socialisme offensif et reposant sur ses valeurs historiques tout en refusant l’unité d’action avec un PCF stalinisé. Pivert, partageant ces vues, se place parmi les soutiens au député du Pas-de-Calais. Lors du congrès de Lyon l’année suivante, il est même élu au comité directeur du Parti. Il retrouve également un siège à la commission de propagande du Parti, et dirige les activités des services cinématographiques qui réalisent sous son impulsions plusieurs films : La prochaine vague, Communes de France et Ça dépend de vous. La rupture avec le positionnement historiquement minoritaire de Pivert découle de son sentiment qu’un grand parti est nécessaire pour mener les combats qu’exige la nouvelle situation nationale et internationale, et qu’à ce titre il doit soutenir son action. De plus, les prises de position de Mollet concordent alors avec les siennes. Il joue également le jeu parlementaire : il présente sa candidature aux élections pour le Conseil de la République de novembre 1948, mais n’est pas élu. A l’intérieur du Parti, Pivert s’attache à lutter contre les velléités unitaires de la Bataille socialiste (refondée entre autres par Andrée Marty-Capgras* et Pierre Stibbe*) et, à l’extérieur, il se montre très critique à l’égard des trotskystes, anciens compagnons de lutte, dont il assimile les méthodes et l’organisation au PCF. Lorsque les Jeunesses socialistes sont dans le collimateur de la direction du Parti, accusées de collusion avec les trotskystes, Pivert soutient la répression. La fédération socialiste de la Seine redevient la tête de pont de l’action pivertiste, notamment dans la lutte contre les communistes : en février 1947, Pivert en reprend la tête. Cependant, son orientation molletiste, anti-unitaire, anticommuniste, participationniste et – dans un premier temps – réformiste (il ne restera d’ailleurs pas insensible au charme politique de Pierre Mendès-France) ne sont pas du goût de tous les militants : le « nouveau » Pivert doit jouer des alliances pour conserver, congrès après congrès, sa majorité. Lorsque le RPF gaulliste se constitue en avril 1947, la SFIO doit désormais lutter sur deux fronts : c’est le début des alliances de « troisième force ». Pivert souhaite qu’elle se réalise dans le pays, au-delà d’une association de circonstance à l’Assemblée, par un travail en commun entre les partis qui la constituent et, plus largement, en devenant un réel positionnement politique susceptible de trouver une déclinaison internationale. A cet effet, le 2 janvier 1948 est constitué le Bureau exécutif de la troisième force réunissant des délégués SFIO, MRP, Jeune République, radicaux, UDSR et syndicalistes. Pivert, en compagnie de Georges Brutelle* et Gérard Jaquet*, y représente le Parti socialiste. On le voit, le rejet de la collaboration avec les partis « bourgeois », caractéristique de son univers politique dans les années 1930, a profondément évolué. L’action du Bureau n’est pourtant pas à la hauteur des enjeux et, le 25 juillet 1948, il tient sa dernière réunion : la troisième force n’est plus qu’une coalition parlementaire visant à fournir des majorités pour faire survivre le régime. Dans le même temps, Pivert se montre très hostile au Rassemblement démocratique révolutionnaire (RDR), qu’il considère comme une structure unitaire et « stalinisante », et vote au comité directeur contre la double appartenance SFIO-RDR. Autre nouveauté : son opposition aux grèves de 1947. D’abord présent aux côtés des grévistes de Renault en avril, il change vite de positionnement lorsqu’il commence à considérer que le Parti communiste mène la danse. Au comité directeur du 10 décembre 1947, il est encore plus clair : « Les staliniens ont pris un coup dur. Nous serons tous derrière Jules Moch ». Il émet le même jugement vis-à-vis des grèves de mineurs en octobre 1948.

Un des traits caractéristique de l’engagement politique de Pivert après-guerre est son internationalisme lié au sentiment, dès la fin de la guerre, que deux blocs antagonistes se structurent dans le monde. Pour éviter leur affrontement armé qui aurait pour champ de bataille le continent européen, le socialisme doit structurer un troisième camp, luttant sur deux fronts, visant à la liberté et l’émancipation de toutes les composantes opprimées de l’humanité. L’objectif du socialisme doit être de favoriser, de l’intérieur, la désagrégation des blocs en soutenant les mouvements des populations exploitées (par le système capitaliste ou le régime stalinien) contre leurs gouvernements qui pratiquent une politique de force et alimentent la rivalité bipolaire. Au sein de la SFIO, à laquelle il assigne une importante mission pour diffuser les mots d’ordre internationalistes, Pivert est désigné en 1948 pour faire partie d’une commission ayant pour mission d’organiser le centre de documentation et de propagande pour les Etats-Unis d’Europe. Il jouit, sur ces questions, de son large réseau international qui lui permet jusqu’à sa mort d’être très bien informé sur les événements en cours hors de France. Si ses avis sont pris en compte et écoutés, il s’oppose régulièrement aux positions de Salomon Grumbach*, aux antipodes selon lui de l’internationalisme prolétarien. Dès 1947, Pivert fait également partie de la commission des affaires internationales du Parti, et il souhaite faire de sa fédération de la Seine le cœur de l’activité internationale du mouvement socialiste. Il est par ailleurs élu membre de la délégation française au COMISCO duquel émergera – avec difficulté – l’Internationale reconstruite.
Dans sa volonté d’organiser un troisième camp socialiste, l’Europe revêt pour Pivert une importance capitale. Au cours de l’année 1946, il souhaite mettre en place avec Claude Bourdet* et Henri Frenay* un regroupement européen de « troisième camp » intitulé Socialisme et liberté. Cependant, cette initiative se trouve rapidement englobée dans le Mouvement pour les Etats-Unis socialistes d’Europe qui se constitue au cours d’une série de conférences en 1947 et 1948. Celui-ci devient par la suite, changement de titre révélateur, le Mouvement socialiste et démocratique pour les Etats-Unis d’Europe (MSDEUE). Le réseau de militants constitué par le Mouvement regroupe en grande partie les contacts internationaux de Pivert . Pour ne citer qu’eux : Bob Edwards*, Fenner Brockway*, Enrique Gironella*, Willibaldo Solano*, Giuseppe Saragat*, Matteo Matteotti*. En France, le mouvement est porté, outre Pivert lui-même, par Jacques Robin*, Claude Bourdet, Henri Frenay, Simon Wichené ou encore André Philip*. Déchargé de la présidence du Mouvement en 1948, Pivert ne cesse pourtant pas d’y prendre part et d’en faire la propagande. Fédéraliste, il souhaite la constitution d’une véritable Europe socialiste appuyée sur le suffrage universel, et préconise par exemple la coordination économique entre les Etats membres, la socialisation des industries-clés du continent, l’unification et la stabilisation des systèmes monétaire et bancaire, la mise en place d’une union douanière, la création d’une seule aire économique, d’une monnaie unique, la libre circulation des marchandises. A ce titre, il apparaît clairement en avance sur son temps, et comme un véritable précurseur. L’action de Pivert en faveur d’une Europe socialiste s’intègre dans le cadre de la constitution d’une troisième force internationale et à ce titre se tient à Puteaux, du 18 au 22 juin 1948, le Congrès des peuples d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Pivert revendique clairement l’intégration des populations coloniales dans la structure qu’il appelle de ses vœux. Si pour lui, celles-ci doivent être émancipées, il considère dans un premier temps l’indépendance stricte comme un mythe, et préconise davantage une Union française améliorée. Le Congrès est un véritable succès, Léon Blum intervient même à la tribune, et dans la foulée est créé le Congrès des peuples contre l’impérialisme. Fenner Brockway en est le président et Jean Rous le secrétaire général. Pivert, grâce à ces rencontres internationales, développe ses liens avec les militants des organisations anticoloniales. En parallèle, il se montre favorable à la reconstruction d’une organisation internationale socialiste prenant le relais de la défunte IOS. Enfin, cet engagement sur les questions internationales se retrouve dans la revue qu’il crée (et dirige) à partir de juillet 1947, Correspondance socialiste (CS), qui devient en août 1950 Correspondance socialiste internationale (CSI). Il avait déjà, à son retour, rejoint Masses relancé par Lefeuvre, puis créé Informations internationales. CS et CSI peuvent s’appuyer sur son large réseau international, clairement orienté « socialiste de gauche », pour se diffuser et pour intégrer dans leurs colonnes des rédacteurs étrangers. Sur les questions coloniales, il s’oppose numéro après numéro à la guerre d’Indochine dont il est tenu au courant par son ami Louis Caput*, dénonce les exactions commises dans les pays maghrébins ainsi que la répression de l’insurrection malgache, loue le processus de décolonisation amorcé par le Royaume-Uni. La dénonciation des exactions internationales des communistes y figure également en bonne place. Les questions de politique intérieure ou de doctrine sont elles-aussi abordées par ces revues dans lesquelles Pivert signe de très nombreux articles. Pour la réalisation de la revue, il s’appuie sur ses plus proches camarades qui sont aussi dans les instances dirigeantes de la Fédération : Pierre Mauriac*, Marcel Klopfstein*, Marise Poiraudeau, Robert Talpain, Charles Lancelle*, Paul Pansu* ou encore Georges Suant*.

L’appréciation positive de Pivert sur l’orientation politique de la direction du Parti ne tarde pourtant pas à se dégrader. Au cours des années 1948 et 1949, ses illusions sur la capacité des socialistes à tirer profit de leur participation ministérielle se dissipent progressivement. Ses positions évoluent vers une « participation conditionnelle », puis aboutissent à un refus systématique de toute participation et à une volonté de positionnement oppositionnel de la SFIO. En même temps, c’est la direction du Parti qu’il critique de plus en plus, en particulier pour ses hésitations liées à la participation ministérielle et pour son manque de vigueur dans l’organisation, l’action et la propagande du Parti. Sur le positionnement international, les déceptions sont là aussi très vives lorsqu’il prend conscience que la direction accepte de rallier le bloc occidental plutôt que de s’attacher à constituer une troisième force socialiste autonome ; c’est particulièrement sensible au moment de la signature du pacte Atlantique. « Ce qui fait mourir lentement le Parti, c’est le divorce croissant entre ce qu’il devrait être et ce qu’il est réellement, entre ce qu’exigeraient ses principes et ce que révèle la pratique de ses comportements » écrit-il au début de l’année 1950. Du fait de ces nombreuses critiques, Pivert est, à partir du milieu de l’année 1949, de plus en plus marginalisé au comité directeur et dans le Parti même. Au congrès de décembre 1949, la rupture semble consommée avec la majorité, d’autant plus que ses problèmes de santé reprennent début 1950 et l’éloignent de l’action politique. Mireille Osmin prend ainsi le secrétariat fédéral de la Seine à sa place. A partir de 1951, Pivert se revendique clairement comme le représentant d’une minorité oppositionnelle dans laquelle se retrouvent surtout les pivertistes de la fédération de la Seine. Lorsqu’éclate au sein de la SFIO la crise autour du réarmement allemand dans le cadre de la Communauté européenne de défense, Pivert fait partie des opposants au projet les plus déterminés. Cette orientation politique est liée à son pacifisme et son antimilitarisme, legs des combats de l’entre-deux-guerres. Toutefois, les nuances avec la période précédente sont importantes : le contexte auquel ces valeurs se rattachent et leurs modalités d’application ne sont plus les mêmes. Pivert privilégie désormais au défaitisme révolutionnaire l’évitement d’un désastre face à la perspective d’une troisième guerre mondiale dont la Guerre de Corée serait un des prodromes. Son opposition est également liée à son souhait d’une Europe autonome capable de s’ériger en troisième force internationale que le réarmement allemand viendrait mettre à mal (il s’oppose donc aux neutralistes), et à l’idée que la course aux armements n’est pas le bon moyen de lutter contre le stalinisme. Il préconise plutôt une politique de désarmement, des négociations internationales entre les Etats-Unis et l’Union soviétique, la réunification allemande pour apaiser les tensions et une action autonome internationale du socialisme pour proposer une alternative de paix. Il s’attache toutefois à bien distinguer son opposition de celles des communistes, ne souhaitant pas être assimilé à une formation qu’il combat par ailleurs. Son action se déploie dans diverses directions : motions lors des congrès et conseils nationaux, action au sein d’une fédération de la Seine divisée, articles récurrents dans Correspondance socialiste internationale, relais des prises de position de ses réseaux internationaux. Les cercles pacifistes sont également mobilisés.
Pivert est en lien avec l’équipe de La Révolution prolétarienne et le Cercle Zimmerwald, organisation au pacifisme avancé. Il y côtoie des hommes tels que Maurice Chambelland, Pierre Monatte et Alfred Rosmer. Ce pacifisme amène Pivert à échanger avec Paul Rassinier*, aujourd’hui connu comme « un des pères spirituels du négationnisme » (Michel Dreyfus). Plusieurs éléments rapprochent les deux hommes : l’assimilation du stalinisme au nazisme, le pacifisme, l’identification par Pivert de la vindicte dont Rassinier est la cible au sein de la SFIO à ce que lui-même subit (et a subi), l’expérience de la Première Guerre mondiale qui a marqué dans leur chair les deux hommes, l’incompréhension du prestige issu des combats de la Résistance. De plus, de février 1951 à septembre 1953, CSI est imprimée à Bourg-en-Bresse par les soins de Rassinier, et celui-ci y trouve une tribune pour s’exprimer et pour voir ses ouvrages commentés. Cette proximité, qui peut paraître surprenante, est liée à une sympathie naïve et instinctive de Pivert vis-à-vis d’un homme qu’il ne connaît finalement que peu, car il ne partage en aucune manière ses prises de positions révisionnistes d’abord, négationnistes ensuite. Déjà marginalisé, l’action anticédiste et oppositionnelle de Pivert accentue sa mise au ban du Parti par une direction molletiste qu’il accuse de censure, de non-respect des minorités, de manque de démocratie et d’orientations dangereuses pour le mouvement socialiste. Cette offensive contre lui est particulièrement sensible durant la période 1953-1954 : il est par exemple évincé du comité directeur lors du Congrès d’Asnières (1er-4 juillet 1954). Autre rupture, celle avec le MSDEUE. Dirigé par des cédistes (Gérard Jaquet notamment), soutenu par la direction du Parti, privilégiant depuis quelques temps la construction européenne au détriment d’un nécessaire contenu socialiste, Pivert estime que le Mouvement ne répond plus aux objectifs qui étaient initialement les siens : il en claque la porte avec fracas en juin 1954, après s’en être progressivement éloigné. Il tâche alors d’organiser la « résistance » dans le Parti, sans pour autant constituer de tendance (ce qui est interdit par les statuts de 1944), appuyé par des fidèles historiques comme par des compagnons du combat anticédiste : Daniel Mayer*, Edouard Depreux*, Robert Verdier*, Oreste Rosenfeld* par exemple. Si les relations avec la direction de la SFIO sont de plus en plus mauvaises, celles avec le PCF ne s’améliorent pas. Au sein du collège Jean-Baptiste Say (XVIe arrondissement de Paris) où il enseigne les mathématiques de 1946 à sa retraite en 1955, il est en conflit avec la cellule communiste de l’établissement alors qu’il en dirige le Cercle Jean Jaurès. Cette rivalité est notable entre 1951 et 1954, lorsque Marcel Hamon*, alors professeur de français, est à la tête de la cellule. Les attaques sont d’une grande violence verbale, multipliant les accusations ad hominem contre Pivert. Le Cercle Jean Jaurès n’est toutefois pas en reste et fait montre d’un anticommunisme virulent dans ses bulletins. Avec la mort de Staline, sa position de vis-à-vis du mouvement communiste n’évolue pas fondamentalement, même s’il sent, comme il le dit lui même, que « le stalinisme […] a du plomb dans l’aile ». Il n’en met pas moins en garde les militants contre les tentatives de séduction unitaires susceptibles d’émaner des communistes, ceux-ci multipliant les initiatives pour que le projet de réarmement allemand fasse long feu.

Les premiers épisodes de la décolonisation française ainsi que la querelle cédiste amènent Pivert à se repositionner sur ses aspirations à une troisième force internationale. A cet effet, il apparaît comme un fervent partisan des tentatives d’organisation du « tiers-monde ». Il loue l’organisation des partis socialistes indien, birman et indonésien en une Conférence socialiste asiatique créée en janvier 1953. Il ne tarit d’ailleurs pas d’éloges sur le mouvement socialiste indien qu’il considère comme l’avenir du socialisme international et de la troisième force qu’il appelle de ses vœux. La conférence de Bandung, tenue du 18 au 25 avril 1955, l’emplit d’espoir : il qualifie alors les participants d’ « avant-garde de l’humanité ». Lorsque le mouvement tiers-mondiste émerge, il s’intéresse à nouveau au Congrès des peuples fondé à Puteaux quelques années auparavant mais dont il avait pris ses distances, faute de temps à lui consacrer. Sa branche britannique devient en avril 1954 le Mouvement pour la liberté des colonies (Movement for colonial freedom) puis impulse, en novembre 1955, la création d’une nouvelle organisation, le Conseil mondial pour la libération coloniale. Pivert, dès 1954 et en partenariat avec Jean Rous, se charge d’en mettre sur pied la branche française, le Mouvement justice et liberté outre-mer (MJLOM). Pivert est membre de son comité exécutif. A ce mouvement s’associent Claude Bourdet, Louis Houdeville*, Michel Rocard*, Simon Wichené* ou encore Yves Dechezelles*. Un certain nombre de députés socialistes anticolonialistes sont également associés au projet, comme Depreux, Verdier, Savary* ou Rosenfeld. Le MJLOM s’ouvre enfin aux camarades du Cercle Zimmerwald et de La Révolution prolétarienne. La plateforme du Mouvement est sans ambigüité : indépendance, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, refus de toute ingérence, internationalisme. L’antistalinisme n’est pas loin : Pivert souhaite, en les amenant au socialisme, éviter aux mouvements d’émancipation d’être « récupérés » par le communisme. De plus, il estime que le maintien de la domination coloniale est un terreau fertile à la propagation des idées communistes. La fin de l’année 1954 marque l’intensification de la prise en compte de la question algérienne chez Pivert. Jusque là, il s’était borné ponctuellement à dénoncer le sort réservé à Messali Hadj, côtoyé dans les luttes du Front populaire. En novembre 1954, s’il ne parle pas de la Toussaint rouge dans ses publications, il rejoint le « Comité pour la libération immédiate de Messali Hadj et de toutes les victimes de la répression » et intègre son bureau en mars 1955. Durant l’année 1955, Pivert prononce de nombreuses allocutions sur la situation algérienne, et le MJLOM est également mobilisé pour dénoncer la politique menée en Algérie et préconiser une solution pacifique passant notamment par l’autodétermination. Ce n’est cependant qu’à la fin de l’année 1955 que les premiers articles relatifs à l’Algérie apparaissent dans CSI. Sur le plan de sa relation avec les communistes, l’année 1956 est pour Pivert une étape importante. Il participe du 28 avril au 14 mai au premier voyage d’une délégation socialiste en URSS depuis le congrès de Tours, et est en charge des sujets traitant de l’idéologie et des libertés. Avant son départ, il a déjà le sentiment que depuis la mort de Staline la situation est en train d’évoluer en URSS, et décèle notamment dans le rapport Khrouchtchev des signes positifs d’évolution. Cette impression se confirme à l’issue du séjour et il fait montre d’un certain espoir quant aux perspectives d’évolution du mouvement communiste soviétique et international. Toutefois, ce frémissement perceptible ne semble pas influencer les relations entre la SFIO et le PCF, les socialistes cherchant toujours à se protéger des propositions communistes d’unité d’action à la base. En effet, celles-ci se font de plus en plus pressantes à mesure que le malaise algérien croît. Si Pivert dénonce avec vigueur la répression soviétique en Hongrie, le soulèvement de celle-ci – à l’instar de celui des Polonais – le conforte dans le sentiment qu’un mouvement est en marche à l’Est, et qu’il y a lieu d’espérer en des évolutions positives.

En ce qui concerne l’Algérie, comme pour beaucoup de socialistes français, l’année 1956 représente dans le parcours politique de Pivert une véritable charnière. Pour l’élection du 2 janvier 1956, nouveauté : il ne s’oppose pas à des alliances de circonstance avec le Parti communiste afin de faire barrage au MRP envisagé comme un parti colonialiste. Les communistes seraient partisans d’une entente socialiste-communiste dans un nouveau Front populaire. Cependant, tout apparentement avec le PCF est repoussé par la SFIO réunie en conseil national. Avant même le Front républicain, les relations entre Pivert et la majorité qui dirige le Parti se sont améliorées. Dès 1955, il a retrouvé sa place au comité directeur : les plaies ouvertes par la querelle cédiste semblent en grande partie cicatrisées. Pivert a foi dans la résolution qu’affiche le Parti sur l’Algérie et, à l’issue des élections, ses espoirs sont grands de voir le nouveau gouvernement mettre un terme au conflit. S’il ne souhaite pas dans un premier temps une présidence du Conseil aux mains d’un socialiste, il s’y résigne pourtant. Qu’attend-il ? Ses propositions sont les mêmes depuis 1955 : cessez-le-feu devant permettre des négociations, libération de Messali Hadj, amnistie générale, consultation générale, affirmation du droit du peuple algérien à disposer de lui-même, possibilité pour toutes les communautés de vivre sur le sol algérien. Il a toutefois le sentiment de ne pas être écouté et d’être déconsidéré au sein du comité directeur. Les déceptions liées à l’action gouvernementale se manifestent rapidement, et il se trouve tiraillé entre la foi en une expérience socialiste et les démentis que lui apportent les faits, jour après jour. Bien informé, il est en contact régulier avec son correspondant en Algérie, ancien membre du cabinet d’Yves Chataigneau*, Laurent Préziosi*. A partir du milieu de l’année 1956, toutes ses illusions se sont dissipées. C’est justement à cette période que la minorité oppositionnelle à la politique algérienne du gouvernement Mollet s’affirme réellement au sein du Parti. Des premières voix s’élèvent lors du conseil national des 9 et 10 juin 1956 tenu à Puteaux (Pivert, Andrée Viénot), mais la première grande confrontation a lieu lors du congrès national tenu à Lille du 28 juin au 1er juillet. Les minoritaires s’y expriment par les voix de Pierre Rimbert, Antoine Mazier*, Jean Rous*, Daniel Mayer*, Edouard Depreux*, Henri Doumenc* ou encore Pivert. La motion est présentée par André Philip*, et recueille 10% des mandats à l’issue des débats. Si la majorité présente des gages d’apaisement sur le dossier algérien, Pivert est à nouveau évincé du comité directeur, et les promesses de la direction sont rapidement démenties par les événements des mois suivants. La cohérence de la minorité, quelque peu évanouie à la suite des promesses du congrès de Lille, se ressoude avec l’expédition de Suez. Pivert et Oreste Rosenfeld* ne s’étaient pas montrés opposés à la nationalisation du canal par Nasser, à l’inverse de la grande majorité du Parti, y compris des oppositionnels à la politique algérienne. Cependant, le coup de force de l’expédition acte définitivement le divorce entre Pivert et la direction du Parti. Au-delà de la question algérienne, c’est désormais le Parti qu’il importe de sauver d’une direction qui le mène au désastre. Les réseaux minoritaires reprennent vigueur, et il y prend part autant que sa santé le lui permet : à la fin de l’année 1956, une rechute cardiaque l’immobilise. A l’issue du conseil national des 15 et 16 décembre, Guy Mollet l’attaque personnellement. Pivert n’en peut plus : il demande à Charles Lancelle* de le considérer comme démissionnaire du Parti. Ses camarades parviennent toutefois à le faire revenir sur sa décision, et il se lance alors de toutes ses forces dans une action politique contre le gouvernement et un Parti socialiste qu’il juge « défiguré ». S’il s’est toujours plié aux décisions majoritaires dans le Parti, même s’il y était opposé, il estime désormais que le gouvernement ne respecte pas le mandat qui lui a été donné par le Parti, et qu’il fait même l’inverse des décisions prises collectivement. De ce fait, ses conceptions sur la discipline évoluent, et il ne se prive pas de tirer à boulets rouges sur la direction de la SFIO ainsi que sur les ministres socialistes et leur politique. D’autant plus, estime-t-il, que la politique du gouvernement socialiste (il fait sien le terme de « national-molletisme ») fait le jeu du PCF qui peut désormais seul légitimement se présenter comme représentant des populations opprimées.

Ces oppositions ne sont pas sans conséquence. Lucien Weitz, l’ancien élève et camarade depuis de nombreuses années, est exclu de la SFIO à l’issue du conseil national de décembre 1956 pour des articles trop critiques dans la revue britannique Tribune. Début 1957, c’est pour « délit de presse » que Pivert est dans le collimateur de la direction, tout comme André Philip et Oreste Rosenfeld. A compter de février 1957, il est suspendu de toute délégation pour un an. Sous sa plume, la comparaison entre les méthodes staliniennes et ce qu’est en train de devenir la SFIO se retrouve de plus en plus fréquemment, et il dénonce la « stalinisation » de la SFIO, évoquant même en 1958 sa « fascisation ». Il estime aussi que les transformations que subit la SFIO sont liées à une grave carence idéologique de la part des militants, au sein desquels la classe ouvrière serait de moins en moins représentée. Pour pallier ce manque, il participe à la mise en place en février 1957 de la branche française de l’International society for socialist study (organisation dont il avait déjà contribué à la structuration en 1955 et 1956) en compagnie d’Ernest Labrousse* et de socialistes oppositionnels, d’intellectuels, de chrétiens de gauche, d’anciens communistes ou trotskystes, de pacifistes. S’il reçoit le soutien de la XVe section qui lui est toujours acquise, il ne peut par contre plus compter sur la fédération de la Seine : celle-ci a été enlevée par les partisans de la direction du Parti, Claude Fuzier* en tête, à l’issue du Congrès fédéral de juin 1957. Son espace politique est désormais réduit à peau de chagrin : la XVe section, CSI, ses réseaux nationaux et internationaux. Son audience se réduit, ce qui peut également s’expliquer par plusieurs facteurs : sa radicalité paraît à certains obsolète, son image d’éternel opposant est vieillissante, son absence de responsabilités nationales et ses prises de positions après-guerre sont autant de handicaps à une parole légitime. Il est cependant toujours en mesure d’attirer à lui de jeunes militants. Il se lie ainsi avec les Jeunesses socialistes (JS) de la Seine, tout particulièrement leur secrétaire Jean-Jacques Marie*. Agir dans le Parti, mais comment ? Pivert souhaite transformer la minorité en majorité, et cela passe par son maintien dans l’organisation. Il préconise ainsi de ne pas quitter la SFIO, et d’y travailler de l’intérieur. Son attachement sentimental au Parti est très net, et ses ambitions tactiques aussi : hors de la SFIO, point de salut pour une formation souhaitant représenter efficacement la classe ouvrière. Il participe avec Daniel Mayer à un travail de recrutement pour renforcer la minorité, notamment aux marges de la SFIO. Il est par exemple en contact avec les anciens communistes antistaliniens Pierre Hervé* et Auguste Lecoeur * de La Nation socialiste qu’il cherche, sans succès, à faire adhérer à la SFIO. Dans le même temps, la minorité se structure et il tâche, malgré une santé de plus en plus défaillante, de lui apporter son concours. Il participe aux réunions constitutives du Comité socialiste d’étude et d’action pour la paix en Algérie (CSEAPA) dans lequel il met de grands espoirs, mais qui de son côté ne souhaite pas être trop directement assimilé à lui et aux pivertistes. Dans le même temps, il souhaite voir les gauches antistaliniennes se regrouper et participe pour cela au Comité de liaison et d’action pour la démocratie ouvrière (CLADO). Le Comité publie le journal La Commune et regroupe des membres du SNI, de la FEN, de Nouvelle gauche, de La Nation socialiste, des minoritaires socialistes, des trotskystes ou encore d’anciens militants du PCF. Au congrès de Toulouse de juin 1957, les minoritaires du Parti, toutes tendances confondues, recueillent 30% des mandats. Si Pivert se félicite de ce score, celui-ci n’en tend qu’un peu plus les relations avec les majoritaires : en décembre 1957, le CSEAPA est dissout par la direction. Une des originalités de Pivert dans le conflit algérien tient à son soutien sans faille, jusqu’à sa mort, au MNA messaliste, ainsi qu’à une vive dénonciation du Front de libération nationale (FLN). Ce soutien au MNA peut se comprendre dans la fidélité de Pivert à ses engagements : proximité avec Messali dans les années 1930, soutien au leader nationaliste algérien avant et pendant la guerre d’Algérie. Dans ses écrits sur la lutte que se livrent MNA et FLN, il rejette toutes les fautes sur le FLN, en dénonce les « prétentions staliniennes » (ainsi que les méthodes) et le compare aux communistes durant la guerre d’Espagne, le MNA étant assimilé au POUM ou à la CNT. Pivert se demande d’ailleurs si le FLN n’est pas soutenu (voire manipulé) par le PCF ou l’URSS. Invité en novembre 1957 à Athènes en tant que représentant du MJLOM à un congrès tenu à l’initiative de la Ligue anticoloniale grecque, un incident éclate à ce propos. Les délégués du FLN refusent de siéger si le représentant du MNA n’est pas exclu, et l’organisation du congrès s’exécute ; or, la présence des deux organisations était une des conditions de la présence du MJLOM à Athènes. La délégation française (Pivert, Jean Daniel*, Yves Dechezelles, Andrée Viénot, Lucien Weitz) prend alors la décision de quitter la manifestation. Déjà mal en point, la capacité de mobilisation de Pivert apparaît de plus en plus comme quasi-nulle, malgré sa proximité avec le CSEAPA. Est-ce pour cette raison que, sur la fin de sa vie, il en vient à réinterroger les possibilités d’unité d’action entre socialistes et communistes ? Son ton se fait plus conciliant mais, dans tous les cas, cette unité d’action ne devrait s’effectuer qu’à la base, et sans contrôle des organisations. L’influence des JS dans cette évolution est indéniable. Face aux difficultés dans son propre parti, il s’ouvre aussi progressivement, durant ses dernières années, aux autres formations de gauche qui tâchent de constituer un espace politique entre SFIO et PCF : Nouvelle Gauche, Mouvement de libération du Peuple (MLP), Jeune République, Union de la gauche socialiste (UGS), etc.

Du début de l’année 1958 à sa mort dans la nuit du 2 au 3 juin, la dégradation de la situation politique française va de pair avec celle de son état de santé. Très faible, c’est pourtant avec l’espoir de voir les « vrais » socialistes finalement triompher – cet espoir dans le progrès qui ne l’aura jamais quitté – qu’il s’éteint, une vie de luttes plus tard. Ses obsèques ont lieu le 5 juin au cimetière du Père Lachaise. Ses cendres sont conservées dans la case 624 du colombarium du Père Lachaise. Quatre hommages lui sont rendus : Fenner Brockway pour les amis étrangers, Paul Ruff* pour le syndicalisme, André Philip pour les amis personnels et Georges Suant pour Correspondance socialiste internationale. Les jours qui suivent, les hommages affluent des quatre coins du monde. C’est peut-être un article de France-Observateur, le 4 juin 1958, qui synthétise le mieux la perte que représente pour le mouvement socialiste la mort de Pivert : « Avec Marceau Pivert disparaît un grand militant du socialisme, dont l’espèce se fait de plus en plus rare, grand par la ferveur de ses convictions, grand par la noblesse du dévouement à la cause des opprimés, grand par l’incorruptible désintéressement ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article166971, notice PIVERT Marceau, Souverain [nouvelle version] par Quentin Gasteuil, version mise en ligne le 28 octobre 2014, dernière modification le 2 décembre 2022.

Par Quentin Gasteuil

Marceau Pivert (1932)
Marceau Pivert (1932)
cc Agence Meurisse
Marceau Pivert et sa classe "classique" en 1952-1953 au lycée Jean-Baptiste Say de Paris. Cliché fourni par Claude Scribe qui a eu Marceau Pivert comme professeur de mathématique en 1952-1953.
Dans une manifestation des années 1950.

ŒUVRES : Très nombreux articles dans les journaux et revues cités dans la notice ; un certain nombre dans La Revue socialiste et dans les publications dirigées par les proches de Pivert. — Ouvrages et brochures : Ce que doit être l’école unique, Comité d’étude et d’action pour l’école unique, 1927, 16 p. — Un des aspects de l’offensive cléricale, le noyautage de l’enseignement public par les Davidées, Paris, Edition du Groupe fraternel de l’enseignement, 1930, 64 p. — L’Eglise et l’école, perspectives prolétariennes, Paris, Editions Figuière, 1932, 256 p. (préface de Léon Blum). — L’armée prétorienne des trusts. Mouvement Croix de Feu, Front national, Paris, Librairie populaire, 1936, 112 p. (avec Victor Picard) — Avec Lucien Hérard et René Modiano : 4 discours et un programme, Paris, imprimerie industrielle et artistique, 1937, 60 p. — Tendre la main aux catholiques ? Réponse et réflexions d’un socialiste, Paris, Librairie populaire, 1937, 35 p. — La Révolution avant la guerre, Paris, Editions Nouveau Prométhée, 1938, 48 p. — Avec Lucien et Madeleine Hérard : Rupture nécessaire, réponse à Maurice Deixonne, Editions du PSOP, 1938, 24 p. — De Versailles à Compiègne ¿ A donde va Francia ?, Mexico, Publicaciones Panamericanas, 1940, 255 p. (préface de Julian Gorkin). — Avec Julian Gorkin, Gustav Regler et Victor Serge : La GPU prepara un nuevo crimen, Mexico, Edicion de Analisis, 1942, 77 p. — Avec Paul Chevalier, Julian Gorkin et Victor Serge : Los problemas del socialismo en nuestro tiempo, Mexico, Ediciones Ibero-americanas, 1944, 125 p. — Préfaces : Henri Dollet, La lutte contre le fascisme et la dictature du prolétariat, Paris, Editions des nouveaux écrits socialistes, 1934, 20 p. — Henri Dollet, Vive l’unité ! Critique révolutionnaire de quelques idées fondamentales du léninisme, Paris, Editions des nouveaux écrits socialistes, 1934, 24 p. — Henri Dollet, La neutralité syndicale, Paris, Éditions des nouveaux écrits socialistes, 1935, 16 p. — Rosa Luxembourg, Eglise et socialisme, Paris, Librairie populaire, 1937, 31 p. — D.G.R. Serbanesco, Ciel rouge sur la Roumanie, Paris, Société de journaux et de publications du Centre, 1952, 311 p. (seconde édition en 1957 avec une nouvelle préface).

SOURCES : Daniel Guérin, Front populaire, Révolution manquée. Témoignage militant, Paris, Librairie François Maspero/ Éditions La Découverte, 1970. — Christophe Melinand, « Pivertistes et trotskystes », MM, Paris I, 1970. — Annie-France Chammereuil, « Marceau Pivert, Biographie politique », Th., Paris I, 1972. — Philippe Gumplowicz, « Le Parti Socialiste Ouvrier et Paysan », MM, Paris I, 1972. — Daniel Labat, « Une tendance du Parti Socialiste (SFIO). La Gauche Révolutionnaire (octobre 1935-juin 1938) », MM, Paris X, 1974 — Jean-Paul Joubert, Révolutionnaires de la SFIO, Marceau Pivert et le pivertisme, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977. — Eric Nadaud, Une tendance de la SFIO : la Bataille socialiste, 1921-1933, Th., Paris X, 1987. — RAYMOND Justinien, « Marceau Pivert », in Maitron Jean, Pennetier Claude (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, T. 39, 1991. — Jacques Kergoat, Marceau Pivert, « socialiste de gauche », Paris, Les Éditions de l’Atelier/ Éditions Ouvrières, 1994. — Bruno David, « Récurrences et figures de l’autonomie ouvrière. Histoire sociale du "pivertisme" (1935-1940) », Th., EHESS, 1996. — Centre d’études et de recherches sur les mouvements trotskystes et révolutionnaires internationaux (CERMTRI), 1934-1939 : la gauche révolutionnaire de la SFIO et le PSOP, Les Cahiers du CERMTRI, n°116-117, mars-avril 2005. — Quentin Gasteuil, « "L’hiver d’un engagement socialiste au prisme de l’antistalinisme : Marceau Pivert (1946-1958)", MM, Paris I, 2012. — Matthias Bouchenot, Tenir la rue. L’autodéfense socialiste, 1929-1938, Paris, Éditions Libertalia, 2014. — Site de Robert Duguet qui édite des textes de Pivert ou sur Pivert. — Le columbarium du Père Lachaise : M à Q.

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