Gérard Araud – New York, épicentre du coronavirus en Amérique

VIDÉO. La mégalopole a longtemps traîné des pieds avant de s'imposer un confinement. Elle compte aujourd'hui plus de personnes contaminées que la France entière.

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Temps de lecture : 4 min

Déjà depuis le 16 mars, le gouverneur de l'État de New York et le maire de la ville avaient fait fermer les lieux publics, musées, théâtres et restaurants, ceux-ci ne pouvant rester ouverts que pour des livraisons ou des ventes sans consommation sur place. Au risque de décevoir les Français qui se targuent, pour s'en amuser ou pour s'en plaindre, d'être indisciplinés, le résultat n'avait pas été plus brillant à New York qu'à Paris. Le soleil de printemps avait rempli Central Park de promeneurs, des groupes de flâneurs profitaient de ces vacances inattendues sans manifester de civisme particulier.

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Dans les supermarchés, les Américains ont cédé à la même étrange obsession du papier-toilette désormais rationné, ce qui ne change rien puisqu'il n'y en a plus. Et chacun a rempli son réfrigérateur, voire sa cave, de pâtes et de riz, comme en ont témoigné les longues queues aux caisses malgré les heures d'ouverture américaines, en général jusqu'à minuit. Dans les rues, peu de masques, mais de vieilles dames très chics avec des gants de caoutchouc bleu pris dans leur cuisine. Comme à Paris également, tous ceux qui le pouvaient ont fui, voiture pleine jusqu'au toit, dans leur résidence secondaire dans les Hamptons ou dans le nord de l'État.

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Le gouverneur, Andrew Cuomo, a donc dû tonner contre l'inconscience des New-Yorkais avant de se résoudre à passer à l'étape suivante d'un confinement, mais sans amende pour les contrevenants, à partir de dimanche 22 mars. Ce matin, les larges avenues new-yorkaises étaient bien vides. Cuomo est d'ailleurs devenu une vedette en tenant une conférence de presse quotidienne où il manifeste des talents d'autorité, de calme et de transparence, ce qui lui a donné l'occasion d'un entretien sur CNN avec le journaliste… Christopher Cuomo, son propre frère. Cela étant, comme en France encore, la politique ne perd pas ses droits, que ce soit la querelle récurrente entre le gouverneur et le maire, traditionnelle à New York mais exacerbée aujourd'hui par la personnalité des deux protagonistes et l'ampleur de la crise, ou entre le gouverneur et le président Trump.

Le maire a lancé un cri d'alarme : il faudra bientôt choisir les malades à sauver

En effet, le président s'est tenu à l'écart, pour l'essentiel, des mesures de sécurité sanitaire, dont il a laissé l'entière responsabilité aux gouverneurs, ce qui doit plus à sa volonté de ne pas en assumer l'impopularité qu'à son respect du fédéralisme. Le résultat en est non seulement une cacophonie entre États plus ou moins rigoureux, les démocrates l'étant en général plus que les républicains, comme en a témoigné la Floride qui a laissé des centaines de milliers d'étudiants faire la fête sur ses plages pour les vacances de printemps. Chaque gouverneur doit donc s'en sortir par lui-même notamment pour l'acquisition des équipements comme les ventilateurs, alors que le président a les pouvoirs pour contraindre les industriels à orienter dans l'urgence leur production. Trump s'y est refusé jusqu'ici malgré les demandes instantes de Cuomo. La tension est palpable entre les deux hommes.

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Or la situation à New York est particulièrement critique. Le nombre de cas recensés a dépassé celui de la France pour une population quatre ou cinq fois moindre. La moitié des cas recensés aux États-Unis l'ont été à New York. Le maire vient de lancer un cri d'alerte : dès les prochains jours, si rien n'est fait, il faudra choisir entre les malades à sauver. Répondant à cet appel au secours, l'armée installe un gigantesque hôpital de campagne dans un centre de conférences. Comme l'a reconnu Bill de Blasio, le pire est à venir, sans doute tout au long des mois d'avril et de mai. Il a annoncé qu'il y aurait beaucoup de morts dans sa ville.

Au fond, face à la crise, New York résume, comme d'habitude, les qualités et les limites du modèle américain. Limites qui pourraient se révéler coûteuses en termes de vies humaines : absence de couverture médicale universelle qui fera que nombre de malades sans assurance ne se rendront à l'hôpital – où, certes, on les soignera mais en leur présentant ensuite la note – qu'au dernier moment ; absence de coordination entre hôpitaux, qui sont, pour la plupart, privés ; absence d'une politique nationale de confinement ; licenciement immédiat des travailleurs frappés par l'arrêt de l'activité, en particulier dans le secteur des services. New York s'apprête, bien malgré elle, à être le laboratoire des États-Unis face à la crise.

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Limites du modèle mais aussi qualités dans un pays où, depuis toujours, comme le relevait Tocqueville, on compte sur soi et sur sa communauté : autour de moi, on se mobilise déjà pour aider les personnes âgées ou pour éviter que les petits commerces du quartier ne fassent faillite. On élabore des plans de financement : ainsi suis-je appelé à payer d'avance cinq ou dix repas au restaurant du coin de la rue pour maintenir sa trésorerie. Chacun essaie de contribuer et, lorsque j'ai commandé par téléphone une pizza, la réceptionniste, toujours aussi charmante que d'habitude, a ajouté : « Merci de nous aider dans ce moment difficile. » J'ai doublé le pourboire… Les fondations, souvent très riches ici, et les grandes entreprises se mobilisent aussi. Les Français ricaneront, mais les États-Unis, c'est bel et bien ce mélange déconcertant pour nous de dureté et de gentillesse. Chaque société répond à sa propre logique.

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Commentaires (6)

  • TSLR

    Ce qui est ballot c’est que parmis ces américains sans protection sociale... Ils en avaient une avant l’arrivée du fils a papa trump... Mais ils ont voté pour lui... C’est rigolo... Amitiés

  • guy bernard

    Dans des situations d’épidémies, la métropolisation, cosmopolite de surcroît et ayant de nombreux échanges avec l’extérieur, engendre un risque maximal.
    On souhaite au New-yorkais bonne santé et bonne chance.
    des civilisations entières ont disparu avec la maladie.

  • cactus 22

    ... Avec les 87 millions d'Américains dépourvus de protection sociale ?