Nous avons eu un petit pincement de jalousie en regardant le compte Facebook de Jean Quatremer, militant de la cause européenne et journaliste à Libération. Pendant que certains étaient cloués à Paris pour interviewer Marine Le Pen au grand rendez-vous d'Europe 1-Le Monde et i-Télé, il en était. A Bruxelles, aux côtés de Daniel Cohn-Bendit, 70 ans, qui faisait ses adieux à la scène européenne après quinze années passées au Parlement européen.
« Et quelques photos cultes (pour moi en tout cas), celles du débat que j'ai coanimé avec Dany sur l'avenir de l'Europe », écrit fièrement Quatremer. Dany est entouré de ses amis proeuropéens de toujours : l'ancien ministre des affaires étrangères allemand, le Vert Joschka Fischer, bientôt 66 ans, l'ancienne commissaire et ministre italienne Emma Bonino (66 ans), l'écrivain algérien Yasmina Khadra (59 ans), et l'ancien commissaire à l'exclusion de Sarkozy, Martin Hirsch (50 ans). « Dessine-moi l'Europe », voit-on en arrière-plan : si Dany s'en va, il ne renonce pas, et il a esquissé son « rêve européen ».
Pendant ces instants de bonheur, ces moments d'entre-soi européen, Marine Le Pen infligeait son cauchemar, écoutée par un million de Français. Le « cauchemar » de la mondialisation et son rejet de l'Europe. « Jusqu'à quel niveau de souffrance allons-nous continuer dans l'échec de l'Union européenne ? », a-t-elle harangué, dénonçant « l'extrémisme libéral » et appelant à se « débarrasser de l'euro ». Anti-euro, anti-immigration, anti-mondialisation, le programme Le Pen a le mérite de la clarté.
A six semaines des élections européennes du 25 mai, la campagne est enfin lancée. Mais c'est une curieuse campagne où les galaxies ne se croisent guère. Les partis traditionnels ont l'Europe honteuse, des socialistes qui prétendent combattre une Europe libérale à l'UMP qui aime tant l'Europe qu'elle voudrait en changer. « Que votre oui soit oui, que votre non soit non », exhorte, en citant l'Évangile, l'intellectuel centriste Jean-Louis Bourlanges.
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