Une intellectuelle à l’usine : épisode • 1/4 du podcast Simone Weil, philosophe sur tous les fronts

Des femmes à l'usine en 1939 ©AFP - FRANCE PRESSE VOIR
Des femmes à l'usine en 1939 ©AFP - FRANCE PRESSE VOIR
Des femmes à l'usine en 1939 ©AFP - FRANCE PRESSE VOIR
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À l’âge de 25 ans, Simone Weil, alors professeure agrégée, entre à l'usine. Elle entendait vivre cette expérience pour découvrir la vérité, avoir un contact direct avec la réalité. Elle en tire une dénonciation de l’aliénation du travail tout en affirmant une spiritualité du travail authentique.

Avec
  • Robert Chenavier Agrégé et docteur en philosophie, président de l'Association pour l'étude de la pensée de Simone Weil et directeur de la publication des "Cahiers Simone Weil"
  • Première diffusion de cette émission le 03/12/2018, et première diffusion du Journal de la philo de Géraldine Mosna-Savoye, en fin d'émission, le 25/03/2019, à réécouter ici :

Simone Weil est née en 1909 à Paris dans une famille juive.
Elle devient plus tard l’élève du philosophe Alain qui la surnomme la martienne.
Elle entre à l’Ecole Normale Supérieure et devient agrégée en 1931.
En 1934 et 1935 elle décide de travailler en usine comme manoeuvre sur machine à l’entreprise Alstom puis chez Renault.
Avant son entrée en usine elle rédige ce qu’elle appelle son premier grand oeuvre : Réflexions sur les causes de la liberté de l’oppresion sociale. Son deuxième grand oeuvre sera L’enracinement, qu’elle écrit un an avant sa mort en 1943.
En 1936 elle s’engage aux côtés des Républicains dans la guerre d’Espagne. Son pacifisme résolu change après l’entrée des Allemands à Prague en 1938. Elle en appelle alors à la lutte armée contre Hitler. La même année elle découvre le Christ, refuse de parler de conversion mais affirme que toute la pensée du Christ est entrée en elle une fois pour toutes.
Pendant l’occupation de Paris elle gagne Londres et demande à rejoindre le combat de la résistance, insatisfaite de son travail d’intellectuelle fonctionnaire.
Malade, elle se laisse peu à peu mourir de faim à Ashford en 1943, elle est alors âgée de 34 ans...

Le "vrai" métier des philosophes
4 min

L'invité du jour :

Robert Chenavier, agrégé de philosophie, président de l’ Association pour l’étude de la pensée de Simone Weil, directeur de la publication des Cahiers Simone Weil, responsable de l’établissement des Œuvres complètes de Simone Weil aux éditions Gallimard
Auteur de Simone Weil : une philosophie du travail aux éditions du Cerf et Simone Weil : l’attention au réel aux éditions Michalon.

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L'attente de la vérité

Simone Weil dit qu’au fond, toute sa vie a été consacrée à ce qu’elle appelle l’attente de la vérité mais elle dit toujours que la vérité est expérimentale, donc, si on veut parler d’elle, c’est toujours de la vérité de quelque chose et si on veut parler de la vérité du travail, et bien il faut se faire ouvrière, ce qu’elle a fini par faire.                                              
Robert Chenavier

La nécessité intérieure de Simone Weil

Simone Weil concevait sa vocation comme une vocation qui supposait toujours d’être exposée, elle fait moins des expériences qu’elle n’affronte des épreuves : celle de la guerre d’Espagne, même si c’est très court, l’épreuve du travail en usine, et elle aurait voulu aussi éprouver la condition de combattante en France puisque quand elle était à Londres, elle ne désirait qu’une chose c’était d’être parachutée en France pour être active dans la résistance. On le lui a refusé et en partie, je crois, elle en est morte... Ça contrariait une vocation. Un travail d’intellectuelle de bureau n’était vraiment pas sa nécessité intérieure, comme elle disait.                                              
Robert Chenavier

La pensée du désarroi dans notre contemporanéité

Au fond, la pensée de Simone Weil dans les années 30 est une pensée du désarroi. Nous vivons dans un désarroi scientifique, technique, économique, social, artistique. Comme c’est une pensée du désarroi et aussi d’ailleurs une pensée du malheur, elle intéresse aujourd’hui pour cette raison.                                          
Robert Chenavier

L’héritage de Simone Weil

Simone Weil dit de Platon, comme de tous les Grecs, qu'ils n’ont dit que la moitié parce qu’ils n’ont pas reconnu la valeur du travail. Elle dit de Marx que c’est un matérialiste qui n’a pas poussé son matérialisme assez loin mais surtout qui ignorait qu’elle peut être la part du surnaturel en ce monde. Par conséquent, son idéal serait un Platon qui aurait lu Marx et un Marx qui aurait lu Platon mais qui aurait tenu compte justement du spirituel ou du surnaturel. Donc on peut la définir aussi bien comme une spiritualiste qui est restée une matérialiste ou comme une matérialiste spirituelle...                                              
Robert Chenavier

Textes lus par Hélène Lausseur :

  • La cadence, le rythme, extrait de La Condition ouvrière de Simone Weil aux éditions Gallimard Folio essais
  • La personne et le sacré, extrait de Ecrits de Londres de Simone Weil aux éditions Gallimard

Sons diffusés :

  • Début d'émission : Archive de Gustave Thibon, France Culture, 1971
    et chanson de Marianne Faithfull, Working class hero
  • Une journée à l'usine, extrait de La Condition ouvrière de Simone Weil aux éditions Gallimard Folio essais, lu par Anne Brissier
  • Archive de de Maurice Schumann, France Culture, Hommage à Simone Weil, 1968
  • Chanson de fin : Albert King, Cadillac Assembly Line
Le Journal de la philo
5 min

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