Des immeubles d'habitation à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, le 5 janvier 2016

Des immeubles d'habitation à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, le 5 janvier 2016

afp.com/MATTHIEU ALEXANDRE

Pour la première fois depuis le début de l'épidémie de covid-19, les autorités ont publié vendredi des chiffres montrant un "excès de mortalité exceptionnel" en Seine-Saint-Denis, territoire le plus pauvre de métropole où des pompes funèbres "débordées" disent "n'avoir jamais vu ça".

Publicité

Plusieurs départements français fortement touchés par la pandémie ont enregistré une mortalité en forte hausse, selon des chiffres provisoires de l'Insee. Mais, en Seine-Saint-Denis, c'est une véritable explosion: entre le 21 et le 27 mars, les décès ont bondi de +63% par rapport à la semaine précédente. Un niveau "exceptionnel", souligné jeudi soir par le directeur général de la Santé Jérôme Salomon. Pour comparaison, la hausse atteint 32% à Paris et 47% dans le département voisin du Val-Oise.

Des entreprises de pompes funèbres débordées

La direction de la Santé dit "ne pas avoir d'explication dans l'immédiat" quant à ces chiffres, d'autant plus étonnants que le nombre de décès à l'hôpital est plus faible en Seine-Saint-Denis que dans les autres territoires d'Ile-de-France. Un hiatus que le transfert de malades vers d'autres hôpitaux ne saurait expliquer.

Les entreprises de pompes funèbres évoquent de "nombreux cas de morts à domicile et dans les maisons de retraite". "On est tous complètement débordés, je n'ai jamais vu ça! C'est catastrophique. Même la canicule de 2003, c'est incomparable", témoigne un patron du secteur.

LIRE AUSSI >> Afin d'éviter la saturation, le gouvernement a pris des mesures pour les pompes funèbres

"En Seine-Saint-Denis, il y a plus de morts car il y a plus de contaminés, tout simplement", dit Frédéric Adnet, chef du Samu 93. Dans le département de 1,6 million d'habitants, l'un des plus denses de France, "le virus circule beaucoup plus facilement qu'ailleurs", ajoute-t-il.

L'épidémie exacerbée dans les quartiers populaires

"Le confinement est complexe dans les territoires défavorisés comme le nôtre, où il y a beaucoup de familles nombreuses dans des petits logements, des foyers de travailleurs migrants, des bidonvilles", explique l'urgentiste. "On sait que les maladies infectieuses touchent plus durement les plus précaires, car la transmission est plus facile, et qu'ils sont plus difficiles à suivre", poursuit-il.

Même constat du côté des médecins de "Place santé", un centre de santé associatif situé au coeur de la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis. "L'impression que l'on a, c'est que l'épidémie va être exacerbée dans les quartiers populaires où des inégalités de santé existent déjà", dit la coordinatrice du centre, Gwenaëlle Ferré, qui dénombre "plusieurs foyers avec plusieurs cas" de coronavirus.

Elle observe aussi que, dans les quartiers, beaucoup d'habitants doivent continuer à aller travailler, du fait de leur profession ou de leur statut précaire. "Dans notre patientèle, il y a beaucoup d'aides-soignantes, d'aides à domicile et de travailleuses en Ehpad", qui vont être "très exposées", explique la coordinatrice. Sans compter "les caissières, les livreurs".

Un non-respect du confinement pourrait-il être en cause?

Une hypothèse balayée par l'ARS Ile-de-France: "Les gens qui sont entrés en réanimation cette semaine, ce sont des gens qui ont contracté la maladie avant la mise en confinement", explique l'Agence régionale de santé, fatiguée de la polémique.

LIRE AUSSI >> Selon le préfet de Seine-Saint-Denis, le confinement est "globalement bien respecté"

Dans le département, les règles du confinement sont, "comme ailleurs, globalement bien respectées", a aussi tenu à souligner cette semaine le préfet du 93, Georges-François Leclerc, saluant "l'esprit de responsabilité" des habitants.

Certaines populations précaires sont-elles privées d'accès aux soins?

Le président PS du Conseil départemental, Stéphane Troussel, pointe du doigt "un système de santé plus faible qui pèse dans l'accès aux soins" et le fait qu'il y ait "moins de médecins et moins de lits de réanimation" dans le 93. Mais pour le chef du Samu, Frédéric Adnet, l'explication de l'excès de mortalité n'est pas là. Selon lui, les habitants de Seine-Saint-Denis, même les plus précaires, n'hésitent pas à solliciter les secours et "sont soignés comme ailleurs" en France. "Tout le monde appelle le 15, dès que les gens ont du mal à respirer ils appellent. Pour les maladies vitales, les gens vont à l'hôpital", dit-il.

Publicité