La comparaison des chiffres sur le nombre de victimes du Covid-19 entre différents pays est toujours délicate. Le nombre de décès peut varier selon la façon dont est effectué le décompte ; quant au nombre de contaminés, il dépend fortement du nombre de tests effectués. C’est pourquoi le journal transalpin La Repubblica a décidé de comparer les situations française et italienne sur la base d’un chiffre qu’il trouve plus “objectif” : celui du nombre de personnes placées en soins de réanimation*.

“Lorsque l’on regarde ces deux pays, c’est la donnée la plus frappante, affirme le quotidien romain. Si, sur les contaminations et les décès, les courbes de progression sont assez similaires avec un retard de neuf jours de la France par rapport à l’Italie, il existe une forte différence concernant le nombre de personnes se trouvant en soins intensifs.”

Au 7 avril, constate le journal, “on dénombrait 7 072 personnes en réanimation en France, contre 3 792 en Italie”, soit “presque le double”. Et, contrairement à ce que l’on peut penser, cette différence n’est pas liée au fait que, depuis quelques jours, l’Italie voit son nombre de personnes en réanimation diminuer tandis que celui-ci augmente encore en France. En effet, même au pic de la crise, “on n’a jamais compté plus de 4 068 personnes en réanimation” dans la Péninsule, observe La Repubblica.

Un manque de lits en Italie

Alors que l’Italie compte environ 140 000 cas détectés de Covid-19 sur son territoire contre 83 000 chez sa voisine, comment expliquer que le chiffre des admis en réanimation ne soit pas proportionnel ?

Selon Jean-Pierre Thierry, président de l’association de patients France Assos Santé interrogé par le quotidien romain, “la différence dépend de l’offre et non de la demande”. Une explication validée par La Repubblica, qui explique qu’“au début de l’épidémie, France et Italie avaient à peu près le même nombre de lits de réanimation, environ 5 000. Mais la France a su rapidement multiplier ce nombre. L’Île de France est ainsi passée en quelques jours de 1 200 places en soins intensifs à 2 500. Par ailleurs, le gouvernement veut porter à 14 000 le nombre total de ce type de places dans le pays d’ici à la fin du mois.”

Autre avantage de la France sur l’Italie : la gestion centralisée de la santé, alors qu’il s’agit d’une compétence régionale de l’autre côté des Alpes. “Cela a notamment permis de transférer plus de 700 patients des régions en difficulté, comme l’Île de France ou le Grand Est, vers d’autres moins sous pression”, détaille La Repubblica. Avant d’indiquer :

Ce même mécanisme de ‘solidarité nationale’ a fait arriver à Paris des renforts d’infirmiers et de médecins de toute la France.”

Un taux de mortalité plus bas en France sur le moyen terme ?

Enfin, autre différence soulignée par le journal romain, celle concernant l’organisation des unités de soins de réanimation dans les deux pays. “En Italie, ce sont des salles ‘ouvertes’ de plusieurs lits, tandis qu’en France, les patients sont seuls dans leur chambre.” Si ceci n’est désormais plus toujours le cas à cause du grand afflux de patients, “dans la première phase de l’épidémie, cette organisation a peut-être permis de diminuer les contaminations à l’intérieur des hôpitaux français”, note Marc Gentili, un anesthésiste-réanimateur qui travaille à Rennes, interrogé par le journal italien.

Aujourd’hui, l’Italie compte 17 669 morts contre 10 869 en France, mais malgré tout, La Repubblica préfère rester prudente quant à d’éventuelles analyses définitives :

Il est encore tôt pour comprendre si cette capacité d’accueil des patients en soins de réanimation va permettre à la France d’avoir un taux de mortalité plus bas que l’Italie à moyen terme.”

*Pendant la pandémie, les deux catégories “soins intensifs” et “soins de réanimation”, habituellement distinctes, se superposent.