« Vida Americana » : les racines mexicaines de l'art contemporain américain
Le Whitney Museum de New York a fait sensation avec sa dernière exposition, interrompue à la suite de l'épidémie de Covid-19, mais abondamment documentée sur son site. « Vida Americana » raconte comment l'art américain contemporain trouve ses sources dans l'art mexicain. Une avancée de l'histoire de l'art à la tonalité très politique.
Longtemps les Etats-Unis ont souffert d'un complexe d'infériorité au sujet de leur peinture. Car malgré l'ultra puissance économique américaine, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, Paris, épicentre de la création mondiale, attirait tous les talents. Voilà pourquoi un musée comme le Whitney de New York a été créé en 1931 : pour faire la démonstration de la force de l'art américain. Depuis lors, par chance, l'institution dédiée à la création locale a prouvé qu'elle était capable de tenir un discours particulièrement affranchi.
« Vida Americana », la grande exposition du musée, ouverte pendant moins d'un mois et interrompue à cause de l'épidémie de coronavirus, traite d'une question d'histoire de l'art dont les tonalités politiques sont évidentes. Elle démontre avec brio comment l'art américain contemporain a été influencé par l'art moderne des artistes muralistes mexicains. A l'heure où Donald Trump évoque un mur pour mieux stopper l'immigration mexicaine, l'idée de l'existence antérieure d'un génie pictural de l'autre côté de la frontière bouscule les clichés xénophobes.
L'exposition est relayée par trois vidéos sur le site Internet de l'institution. Les tournages sur les lieux des différentes fresques et les images d'archives sont très parlants. L'exposition, elle-même, est une démonstration de force en 210 oeuvres. Au Mexique ceux qu'on appelle « Les Trois Grands », le célèbre Diego Rivera (1886-1957), le sombre David Alfaro Siqueiros (1896-1974) et José Clemente Orozco (1883-1949), fasciné par l'emprise de la machine, reçoivent dans les années 1920 des commandes monumentales conçues pour parler au peuple.
Savoir faire XXL
Leurs styles, distincts, présentent cependant des points communs : grands formats inspirés de la Renaissance, formes simplifiées et images composées dans un esprit cubiste, effets décoratifs appuyés par des choix de couleurs radicaux… Dès les années1930, ils exportent leur savoir-faire XXL aux Etats-Unis. En 1930, Orozco peint pour l'université de Pomona en Californie une grande composition sur le mythe de Prométhée. Jackson Pollock, grand pionnier de l'abstraction américaine, affirmera qu'il s'agit de « la meilleure peinture du monde contemporain ».
Parmi les peintres nord-américains influencés par les muralistes mexicains on trouve aussi Philip Guston (1913-1980), qui a jonglé tour à tour avec l'abstraction et la figuration, ou Jacob Lawrence (1917-2000), une des figures du mouvement afro-américain. La commissaire de l'exposition, Barbara Haskell, conclut : « Avec cette exposition nous réécrivons l'histoire de l'art. » Il aura fallu plus de 70 ans pour rétablir la vérité historique.
Vida Americana
Whitney Museum, New York https://whitney.org/exhibitions/vida-americana
Judith Benhamou-Huet