Voyageur insatiable, homme du mouvement, vous avez passé votre vie à courir autour du monde, à parcourir les grands espaces. Et pourtant, dans la Panthère des neiges, vous faites l’éloge de l’immobilité comme écrin de la patience. Qu’avez-vous découvert ?
L’immobilité, le silence, le repli, ce que Montaigne dans ses Essais appelle l’art de « se ranger et se circonscrire » est une jouvence si on le vit de son plein gré. En cela, les parenthèses que j’ai vécues pendant des mois, des semaines ou des jours, dans une cabane russe, des grottes tibétaines, un pigeonnier grec, ou dans un hamac au sommet d’un chêne, n’ont strictement rien de commun avec la quarantaine que nous subissons collectivement, imposée par une épidémie. La quarantaine ouvre le débat de la liberté et de la contrainte plus que le débat de l’arrêt et du mouvement ! La difficulté de l’épreuve ne réside pas dans le confinement lui-même, mais dans le fait qu’il nous est prescrit autoritairement. Nous autres, pauvres drôles du XXIe siècle qui nous sommes crus tout-puissants et sans contraintes, nous devons nous mettre au garde-à-vous devant la loi politique elle-même contrainte par la loi naturelle !
Qu’est-ce que la patience ? Quels conseils donneriez-vous aux impatients de nature – dont vous êtes peut-être… – pour goûter cette vertu ?
La patience, c’est la modestie. Soudain, quelque chose d’inattendu et d’invisible nous objurgue : « Non, tout ne s’exauce pas, non vous ne pouvez pas agir sur toute chose. Non, ce n’est pas parce que vous avez au poignet une montre à trotteuse que vous êtes les maîtres du temps. Non, vous ne pouvez pas tout désirer sans entraves, ni convoquer tout, tout de suite. » Cette période est une épreuve intérieure. Pour moi le premier ! Jusqu’ici, je ne tenais pas en place. Soudain, un virus me dit : « Couché ! ça suffit maintenant ! » Je n’ai aucun conseil à donner
Article paru dans :
Demain
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