L’imbroglio entre Taipei et l’OMS débute le 31 décembre. Taïwan fait alors remonter par e-mail ses préoccupations à l’OMS et s’inquiète de sept malades touchés par une «pneumonie atypique» et «mis à l’isolement» à Wuhan en Chine. Taïwan accuse par la suite l’OMS de ne pas avoir réagi à son alerte sur une possible transmission du virus d’homme à homme. L’organisation basée à Genève dément avoir trace d’une quelconque mise en garde de ce type.
«Pneumonie atypique»
La polémique enflant, Taipei rend public samedi dernier le fameux e-mail. Le risque de transmission interhumaine n’y figure pas explicitement. «Pour être prudents, dans l’e-mail, nous avons pris soin de faire référence à une pneumonie atypique», se justifie le Centre pour le contrôle des maladies taïwanais. «En Chine, le terme «pneumonie atypique» est couramment utilisé pour désigner le SRAS, une maladie transmise entre humains et causée par un coronavirus», fait-il valoir. La Chine reconnaîtra la transmission d’homme à homme le 20 janvier, et l’OMS le 22.
Ce même 31 décembre, Taïwan active une surveillance renforcée des frontières et un contrôle, avant leur débarquement, des passagers en provenance de Wuhan, «en partant du principe que la transmission interhumaine se produisait effectivement». Cette réactivité, née de l’expérience engrangée lors de la crise du SRAS en 2003, est l’une des clés du succès taïwanais pour juguler l’épidémie. Pourtant situé à 130 km des côtes de la Chine où vivent et travaillent plus d’un million de ses ressortissants, le territoire ne déplore que 393 cas et six décès. Tout ceci alors que Taïwan n’a pas accès aux informations de première main de l’OMS, pourtant cruciales au regard de la rapidité de propagation du nouveau coronavirus. L’île en effet n’a plus le statut d’observateur à l’OMS depuis qu’il lui a été retiré, sur pression de la Chine, après l’élection en 2016 de la présidente Tsai Ing-wen, moins conciliante avec Pékin.
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A l’heure où la Chine cherche à se présenter en sauveur face à la pandémie et à effacer ses erreurs du début, l’OMS est critiquée pour son silence supposé sur la clairvoyance de Taïwan, comme en témoigne une interview fin mars du directeur adjoint de l’organisation. Interrogé par le média hongkongais RTHK sur la possibilité que l’OMS reconsidère une adhésion de Taïwan, Bruce Aylward feint de ne pas entendre la question. L’entretien déclenche l’ire de Pékin et nourrit de vives critiques à l’encontre de l’organisation, accusée d’être à la botte de la Chine.
Attaques racistes
Ajoutant à la confusion, le directeur général de l’OMS en personne, l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, affirme la semaine dernière qu’il est sous le feu d’«insultes racistes» provenant de Taipei. Zhao Lijian, porte-parole du Ministère des affaires étrangères chinois, prend sa défense. Taïwan rétorque que ces attaques sont le fait d’internautes chinois.
Dans cette cacophonie, l’île pourra-t-elle gagner en visibilité? «La partie est mal engagée pour Taïwan tant les gouvernants européens sont à la merci des reproches de Pékin, qu’ils craignent comme des enfants en bas âge», estime Stéphane Corcuff, maître de conférences en politique du monde chinois contemporain en France. «Par contre, note-t-il, l’image de la Chine a bien été écornée et celle de Taïwan bien améliorée.» Les soutiens d’élus ou d’universitaires occidentaux sur internet en témoignent. Ils font valoir qu’exclure l’ancienne Formose de l’OMS revient à se priver de l’expertise taïwanaise dans la recherche de vaccins. Et que les ingérences de la Chine populaire politisent la gestion de la santé mondiale par l’OMS.
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