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Dans l’enfer de

Quand le confinement en famille vire au cauchemar

Semaine 4 du confinement. Les températures remontent et le beau temps continue de nous narguer. Pour certains les jours se font de plus en plus long, notamment pour les étudiants et jeunes actifs qui ont décidé de passer le confinement chez leurs parents plutôt que de rester seuls chez eux. Come back au bercail.

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Peut-on survivre au confinement en famille ? (Istock)

Par Alix Publie, Florent Vairet

Publié le 10 avr. 2020 à 12:36Mis à jour le 11 oct. 2021 à 16:32

Après trois semaines, Adèle et Quentin refont leur valise. Le couple parisien s’était réfugié chez les parents de monsieur pour passer le confinement dans la campagne occitane. Ils connaissaient l’infidélité récurrente du beau-père mais pensaient que le confinement le contraindrait. Mieux encore : ce serait un moment pour se retrouver et retisser les liens. Que nenni. Ses escapades ont continué, plongeant toute la famille nouvellement réunie dans un profond malaise. Entre non-dits et disputes ouvertes, l’ambiance devient trop lourde. Le jeune couple repart à la capitale.

Si tout le monde ne connaît pas une situation aussi extrême, combien sont-ils à avoir sous-estimé le risque de tensions en retournant dans le cocon familial ? Parmi les 17% de Parisiens qui ont fui en province, sans doute beaucoup de jeunes qui ont voulu éviter la solitude, accéder à plus d’espace, voire à un jardin, se prémunir d’un sentiment d’insécurité. Ce départ d’une grande ville signifie certes quitter un épicentre de contamination mais aussi se replonger dans un environnement contraint pour plusieurs semaines. N’étant plus habitués, ils doivent se réadapter au rythme de la famille qu’ils ne connaissent plus. Une situation difficile en temps normal qui s’inscrit maintenant dans un contexte de pandémie parfois angoissant, exacerbant les tensions qui peuvent émerger.

Un retour difficile à la cohabitation

Laura (le prénom a été modifié) ne voulait pas se retrouver seule pendant la pandémie. Elle est rentrée rejoindre ses parents pour le temps du confinement. Mais dès le début, le stress lui monte par rapport au virus. Elle a peur de l’avoir contracté et de leur transmettre. Même ressenti du côté de Manon, 28 ans, qui parisienne depuis quatre ans, a décidé de rentrer - stressée - en Lorraine chez ses parents. “J’ai appris que des collègues que j’avais vus une semaine auparavant ont développé la maladie. J’étais donc très distante et pas forcément à l’aise à passer du temps avec mes parents”, raconte-t-elle. A cette angoisse des enfants, s’ajoute celle des parents inquiets de la situation et pour leur activité professionnelle.

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Pour Laura, la coupe est (presque) pleine. Le virus est devenu un sujet récurrent à l’heure des repas et le pessimisme de ses parents sur la situation provoque des discussions houleuses. “Echanger souvent sur la crise leur permet d’extérioriser leur anxiété mais pour moi, c’est l’inverse !” Dernier sujet en date, le piratage des données personnelles sur internet. “En plus du stress par rapport au virus, mes parents, moins à l’aise avec la technologie que moi, s’infligent des angoisses additionnelles. Ça m’agace.”

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Le contexte anxiogène de la crise est propice aux tensions dans une famille qui se retrouve à nouveau, qui plus est confinée, selon la thérapeute familiale et coach, Anne Juvanteny. “Entre la peur de la mort, la perte de la liberté, le sentiment d’impuissance, il y a un énorme besoin de sécurité mais également un énorme potentiel de conflit”, explique-t-elle. D’autant que ce contexte s’ajoute une situation inédite : cohabiter à nouveau avec ses parents, alors qu’on a gagné en autonomie. “Les parents et les jeunes adultes sont dans deux phases de vie très différentes”, nous explique cette spécialiste. “Alors que les parents sont en recherche de tranquillité et ont leurs propres habitudes, le jeune adulte lui cherche à se construire”, ce qui crée des tensions et rend la cohabitation difficile pour tous.

Le fardeau des tâches ménagères

Le retour dans une dynamique qu’on ne connaît plus a en effet été problématique pour Sarah, 24 ans, qui ne vit plus avec ses parents depuis près de 7 ans. Alors que la crise du covid-19 s’intensifie à Barcelone où elle réside, elle décide du jour au lendemain de revenir dans sa famille à Paris. Entre le stress de ses parents par rapport à la situation et sa propre angoisse de retourner dans le cocon familial après tant d’années pour une durée indéfinie, la tension se fait sentir. “La mise en route a été compliquée”, se souvient-elle. “Il m’a été difficile de me réadapter à certains comportements, certaines manies. Et puis, je dois avouer que je m’énerve aussi facilement”, ajoute-t-elle. D’ailleurs, dès les premiers dîners, ça explose. Après des réflexions sur la négativité de ses parents, le ton monte et la mauvaise ambiance s’installe. A l’issue de ce dîner, Sarah exprime déjà son envie de quitter le domicile familial qu’elle a retrouvé il y a à peine quelques jours.

Passé les premiers jours et la réadaptation, Sarah a vu un autre problème se dessiner : la répartition des tâches ménagères. Confinement oblige, la famille n’a plus d’aide extérieure pour les tâches ménagères. Entre ménage et cuisine, cela peut vite devenir un sujet de discorde. Etant l'aînée et de nature serviable, elle a tout de suite contribué. Elle s’aperçoit que ses deux plus jeunes soeurs et son père n’étaient pas très actifs de ce côté-là. Elle et sa mère se retrouvent vite submergées, par la cuisine par exemple. “Tout le monde n’a pas les mêmes goûts et préparer un repas pour cinq, ce n’est pas une partie de plaisir, surtout quand vous êtes la seule à mettre la main à la pâte.”

Les sujets qui fâchent entre générations

Quand le fossé générationnel s’ajoute aux tensions du quotidien, toutes les raisons sont réunies pour que l’atmosphère s’électrise. Manon s’entend plutôt bien avec ses parents. Mais le confinement l’a fait sortir de ses gonds sur un sujet qu’elle a du mal à supporter. “Mes parents sont dans un schéma assez archaïque : mon père travaille, ma mère a recommencé à travailler il y a quelques années mais gère toutes les tâches ménagères et la cuisine. Me retrouver face à ça après être sortie de cet univers me donne forcément envie de leur en parler, et d’essayer de faire comprendre à mon père que ce n’est ni normal, ni égalitaire.” Manon observe - désabusée - son père qui court demander des félicitations à sa mère dès qu’il fait une tâche ménagère. Sa femme lui fait valoir que c’est juste normal. “Avec en prime, il fait remarquer que j’ai une mauvaise influence sur elle”, ajoute la jeune femme.

Limiter les interactions dans un espace restreint

Maxime, 23 ans, a lui aussi quitté Paris où il étudiait pour rejoindre ses parents et ses deux frères dans le sud de la France, le temps du confinement. A peine arrivé, un problème de taille s’impose : il n’y a pas assez de chambres pour tous. “Premier arrivé, premier servi”, raconte-t-il. Heureusement pour lui, il se retrouve avec une chambre et chacun arrive à trouver son espace comme il peut. Malgré cette chance, il sent les tensions apparaître alors il limite les interactions. En télétravail, il est occupé de 9 heures à 20 heures et se retrouve seulement avec sa famille à l’heure des repas et parfois lorsque tous se retrouvent autour d’un jeu le soir.

La maison se situant à la campagne, il n’a vu personne d’autre que sa famille depuis trois semaines. La situation commence à lui peser et il envisage sérieusement de changer d’air pour aller retrouver sa copine, elle aussi, de retour à son domicile familial, quitte à braver la règle du confinement.

Peut-on survivre au confinement en famille ?

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Pour tous ceux qui se retrouve dans une position difficile, la thérapeute familiale Anne Juvanteny a plusieurs conseils. Pour limiter les échanges houleux avec votre famille, évitez d’aborder en premier lieu les sujets conflictuels. “A la place, essayez d’être dans la transmission”, précise Anne Juvanteny. “Evoquez les souvenirs de famille, racontez des histoires, partagez des recettes de famille, retrouver des jeux de société ou des activités qui vous font plaisir”, explique-t-elle.

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En plus d'esquiver les sujets conflictuels, il faut oublier les distractions anxiogènes. Par exemple, ne pas mettre BFM en boucle en fond sonore, évitez le trop plein d’informations qui sont en ce moment anxiogènes, privilégiez les supports non audio-visuels moins agressifs. La communication reste primordiale dans ces temps-là et si quelque chose vous dérange, ne le gardez pas pour vous. “Évoquez votre frustration en exprimant vos besoins plutôt que des reproches, vous arriverez plus facilement à des compromis”, conseille la thérapeute. Il est également productif de formuler des règles de vie en commun, délimiter votre espace personnel, surtout lorsqu’on ne peut pas sortir librement, et découper des temporalités, entre temps personnel et temps collectif.

Pour retrouver Dans l’enfer des parents télétravailleurs en confinement et Dans l’enfer des internes à l’hôpital, c’est ici et .

Alix Publie avec Florent Vairet

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